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Depuis 2010 l’innovation alimentaire, du champ à l’assiette, est stimulée par le développement du concept de la FoodTech sur lequel surfent plusieurs milliers de startups. Faut il en attendre de profonds changement dans notre façon de manger ?

FoodTech de quoi parle-t-on ?

La FoodTech désigne communément un ensemble hétérogène d’entreprises qui proposent des produits ou services innovants pour le secteur alimentaire.

Les innovations reposent sur la numérisation des procédés mis en œuvre de la production des matières premières à la ferme jusqu’à la livraison du produit fini au consommateur, d’une part, et sur les progrès récents de la biologie, d’autre part, pour proposer de nouvelles ressources (insectes,..) et fabriquer de nouveaux ingrédients à l’échelle moléculaire ou cellulaire (substituts de protéines animales…).

La FoodTech a émergé aux États-Unis à la fin des années 2000 et a commencé de se développer en Europe et en Chine à partir de 2010. Les entreprises qui la composent (principalement des start-ups) sont classées en 6 catégories : AgTech, FoodScience, FoodService, Retail, Delivery, ConsumerTech.

AgTech

L’AgTech regroupe les entreprises qui proposent des solutions pour optimiser la qualité et le rendement des productions agricoles et la qualité de l’agriculture.

Cela porte sur organisation et la gestion numérique des exploitations, sur la robotisation des tâches, sur le déploiement de places de marchés dédiées au secteur, sur la sélection de variétés résistantes au stress climatique ou au ravageurs, sur la recherche de ressources nouvelles pour l’alimentation animale ou sur la conception de systèmes de production en milieu urbain.

FoodScience

Les entreprises de cette catégorie développent de nouveaux ingrédients et de nouveaux produits.

Cela porte sur les protéines alternatives (extraites de plantes ou issues de culture cellulaire), sur les additifs fonctionnels (améliorant la qualité des produits : goût, texture..), sur l’élaboration de produits nouveaux comme des substitut de produits carnés ou de produits laitiers.

FoodService

Le Food Service a pour objet d’améliorer l’organisation et la gestion de la restauration hors foyer.

Cela porte sur des solutions numériques qui rationalisent le process de la réservation d’une table au paiement de l’addition en passant par la gestion des stocks et de la traçabilité ou le développement de robots et d’imprimantes 3D pour la préparation des plats ainsi que le déploiement de cuisine virtuelles fournissant le marché de la livraison à domicile.

Retail

Ce secteur développe des services pour l’approvisionnement, la la logistique et la gestion des invendus :

Automates de préparation en libre service, magasins autonomes, applications anti-gaspillage…

Delivery

Les entreprises de cette catégorie offrent des services de commande et de livraison des denrées ou des repas.

A coté des plateformes de livraisons qui sont les plus visibles on y trouve des place de marché locales et aussi des offre de dîner en kit.

Consumer tech :

Les entreprises de cette catégorie proposent des startups proposent des informations, des recette ou des instruments pour aider le « mangeur » à choisir ses aliments et/ou à les cuisiner

A voir ce panorama, il semble que le champs des possibles est très vaste. On verra plus loin que limites technico-économiques des projets et la réalité du marché (à ce jour) incitent à modérer les discours dithyrambiques.

Depuis la nuit des temps l’Homme invente pour manger

Le chasseur cueilleur se sert du feu pour cuire aliments. Le néolithique marque la domestication des plantes et des animaux ainsi que les premières utilisation de la fermentation. Le travail du sol apparaît dans l’Antiquité. Au Moyen-age la charrue remplace à l’araire et la conservation des aliments dans ou avec du sel se généralise.

La découverte de la machine à vapeur ouvre la voie à la mécanisation et les progrès de l’agronomie permettent d’améliorer les rendements grâce aux amendements et aux fertilisants. Avec le blocus continental de Napoléon apparaissent de nouveaux produits : la chicorée et surtout le sucre de betterave grâce auquel les produits de confiserie ont été démocratisés au point d’être vendus par des distributeurs automatiques à partir des années 1880.

La découverte de nouvelles techniques de conservation (dessication, appertisation) sont mises en œuvre dans les premières productions alimentaires industrielles qui émergent à la fin du 19ème siècle pour connaître un développement tous azimuts après la deuxième guerre mondiale aidées par la production de masse d’aliments « prêt à l’emploi» qui affranchissent le consommateur des tâches (parfois) fastidieuses de préparation.

Au cours des dernières décennies la rationalisation des circuits de distribution autant que les attentes des consommateurs tirent une innovation alimentaire qui met en œuvre de nouveaux ingrédients (extraits de végétaux ou issus du « cracking » du lait), des emballages performants (sous atmosphère modifiée) et de nouveaux services : livraison au domicile ou sur le lieu de travail (dès la fin des années 1950), click and-collect au « drive » (à partir de 2007 en France);

FoodTech aujourd’hui

Marché en devenir

D’après les dernières études publiées en 2022, le marché mondial de la Food Tech s’élève 250 milliards de dollars et devrait connaître une croissance de plus de 5 % par an d’ci à 2030, la FoodTech représente donc moins de 3 % de tout le marché de l’alimentation sur la planète estimée à 9000 Milliards de dollars (STATISTA) . 

Si on le décompose en fonction des 6 catégories le marché de la FoodTech, il apparaît que c’est le Delivery qui est le plus actif avec un marché d’un peu plus de 200 milliards de dollars (STATISTA), suivi par la Food Science etl’AgTech dont le business s’élèvent à 23 et 16 milliards de dollars respectivement . Le marché des autres « catégories » est encore confidentiel.

La FoodTech est plus particulièrement active au Etats -Unis, en Europe (Royaume- Uni, France, pays nordiques, Allemagne, Autriche Suisse et les Pays-Bas), Israel, Chine

Les enjeux socio-économiques mondiaux (nourrir une population planétaire de 10 milliards de personnes en 2050 dans des conditions environnementales acceptables) autant que le wishfull-thinking du secteur lui confèrent un avenir prometteur qui attire les investisseurs notamment vers les levées de fonds des startups. Bon an, mal an les investissements varient de 5 à 10 milliards de dollars par an en Europe et environ 5 fois plus au niveau/échelle mondial ce qui n’est pas négligeable comparé au montant total des investissements industriels mondiaux (1300 milliards de dollars en 2023 – source Trendeo).

A en croire ses promoteurs la FoodTech est partout. Certes, aucun des maillons de la « chaine alimentaire » n’échappe à la frénésie de ses innovations au cours des dernières années. Toutefois l’observation du marché, relativement modeste et encore très contrasté, est plutôt de nature à nuancer les commentaires enthousiastes relayés par les médias.

Incertitudes et limites

Dans la FoodTech comme dans d’autres secteur tirés par l’innovation (numérique, biotech) toute les idées ne sont pas vouées au succès. Séduisantes sur le papier de nombreuses innovations butent sur les contraintes techniques (agriculture en container) ou réglementaires (alicaments). Des produits nouveaux conceptuellement parfaits sont boudés par les consommateurs à cause de leur goût ou de leur apparence (tomate Calgen).

On ne peut passer sous silence ici l’arlésienne de la viande de synthèse produite « in vitro ». Alors que le premier steack cellulaire a été produit en laboratoire en 2003, il a fallu attendre 2013 pour que soit présenté au public un prototype dont le coût de fabrication s’élevait à 250.000 dollars. Des nuggets de poulets sont commercialisés dans un restaurant de Singapour depuis 2020 au prix de 50 dollar pièce. En 2023 les États-Unis sont le deuxième pays à autoriser la production et la commercialisation de viande de synthèse. Outre les débats réglementaires et les questions de faisabilité industrielle que génèrent la production à grande échelle de cette viande cellulaire, son empreinte carbone est loin d’être négligeable si l’on prend en compte l’ensemble de son process qui nécessite une production en bioréacteur stérile maintenu à 37° et alimenté par un milieu de culture constitué de produits hautement purifiés.

D’autres innovations restent confinées à des marchés de niche comme les aliments alternatifs. Alors que des substituts de produits laitiers à base de végétaux sont commercialisés depuis plus de deux décennies et que les premières productions de « steacks » végétaux ont commencé à la fin des années 2010, la commercialisation de ces produits (en France) représente moins de 0,1 % des ventes de produits d’origine animale alors que 2,2 % des consommateurs déclarent avoir adopté un régime sans viande.

Il y a d’autres facteur limitants qui se rapportent à l’acceptabilité culturelle : alors qu’elle fait partie des habitudes alimentaires en Afrique et en Asie la consommation d’insectes, riches en nutriments essentiels, rencontre de très fortes réticences dans les pays occidentaux.

FoodTech demain : évolution ou révolution ?

La FoodTech à ouvert une nouvelle page de l’histoire de l’alimentation en utilisant les avancées d’autres secteurs (numérique, biologie, biochimie) pour créer de nouveaux produits et de nouveaux services. Elle répond déjà à des besoins (productivité agricole) et à des attentes (praticité, confort, traçabilité) et elle promet d’apporter des solutions pour nourrir 10 milliards de Terriens en 2050, pour résoudre des problèmes environnementaux (empreinte carbone de la consommation de viande) ou éthiques (bien-être animal).

Toutefois, manger est bien plus qu’un besoin vital et une nécessité physiologique. Chaque bouchée active nos 5 sens et induit le plaisir ou le dégoût. Si son menu a évolué avec le temps, le repas est toujours un moment de convivialité et bon nombre d’habitudes alimentaires renvoient à l’appartenance à un groupe social ou religieux. De plus, bien que l’alimentation ne représente qu’une faible part du budget du foyer (15% en France), elle est chaque jour l’objet d’arbitrages économiques pour le consommateur comme pour le consom’acteur.

Bref, si notre nourriture va vraisemblablement (continuer de) changer, au gré de nos aspirations et de nos contraintes, il est peu probable que la FoodTech renverse la table.

Xavier Drouet
Photo : © Ivan Radic

Commentaires sur le site : FoodTech : Va-t-on manger autrement ? - Hommes et Sciences

Dernière modification le vendredi, 24 mai 2024
Drouet Xavier

Xavier DROUET, 63 ans, est ancien élève de l'École Normale Supérieure où il a étudié la Physique et la Biochimie. Il est aussi Docteur en Médecine.
Après une carrière scientifique dans la recherche académique, appliquée et industrielle, il a dirigé plusieurs sociétés à fort contenu technologique pendant 15 ans et consacré 8 années à soutenir la recherche, l'innovation et le développement économique au niveau régional et national à des postes de direction au ministère de la Recherche et dans les services du Premier Ministre en France.
Depuis 2015 il exerce une activité d'expertise et de consultant pour accompagner des projets de créations ou de croissance d'entreprises de la microentreprise unipersonnelle à la start-up «techno».
Il est également auteur et conférencier (sciences, économie, stratégie) pour le compte d'entreprises, d'organisations de diffusion de la culture scientifiques et de media d'information pour les professionnels ou le « grand public ».

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