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Zoé Barbé est une lycéenne qui s’est présentée dans nos locaux du Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI) il y a peu. Avec une frustration sur l’éducation telle qu’elle lui était proposée aujourd’hui, mais aussi un rêve magnifique de tout changer. Après une discussion intense, elle nous a fait parvenir une longue lettre afin de mieux « expliquer son rêve ». C’est cette lettre que nous avons transmise à The Conversation France pour la publier en deux parties. (La première se trouve ici.) Afin de montrer que rien n’est impossible.

Publié par François Taddei, directeur du CRI sur The Conversation France.

La lettre de Zoe (suite et fin)

La coopération et la concurrence saine, l’interdisciplinarité et la résolution de problèmes, voici nos mots clés. Comment pouvons-nous rendre les cours universitaires plus faciles d’accès aux lycéens ?

Nous avons parlé d’un lycée d’été. Comme dit plus haut, il ne faut pas oublier que beaucoup d’entre nous veulent suivre des cours en dehors de la classe seulement enseignée à l’université.

Ainsi, devoir attendre l’été peut être long et frustrant. Heureusement, une solution existe déjà que nous devons simplement adapter à nos besoins : les MOOCs, ou Massive Open Online Courses.


Des nouveaux MOOCs

J’ai suivi deux cours universitaires cette année grâce aux MOOCs. Bien qu’ils aient été très intéressants, ils étaient parfois difficiles à suivre ou même ennuyeux puisque je ne vois pas l’intérêt de certaines leçons. Plus important encore, ils étaient consommateurs en temps et compliqués à équilibrer avec mon travail scolaire.

Cependant, il est dommage que ces cours soient éclipsés et non enseignés au lycée. Beaucoup de mes amis ont abandonné l’université parce qu’ils pensaient qu’ils aimeraient un sujet et ont réalisé par la suite que ce n’était pas leur voie. Cette situation pourrait être évitée si nous avions eu une introduction aux cours que nous voulons suivre à l’avenir.

La solution trouvée au long de notre discussion est de transformer les MOOCs en une exigence pour des diplômes comme le baccalauréat. Ou même un diplôme en lui-même qui pourrait remplacer cet examen.

Nous pourrions créer quelque chose comme des MOOCs « niveau 0 » conçus pour les lycéens. Ils pourraient être une option, une spécialité, la moitié de nos cours ou tous nos cours. Les étudiants pourront aussi faire le choix d’étudier ces mêmes cours seuls, dans une classe composée de petits groupes, etc.

Ces MOOCs ne seront pas non plus une compilation de vidéos simples qui vous oblige à être assis sur votre chaise et simplement écouter en prenant des notes. Chaque cours que nous suivrons mènera à des débats et des discussions en classe.

Ce qui, de mon point de vue, est nécessaire pour des élèves qui apprennent mieux par des interactions et des questions. Ces cours seraient également beaucoup plus agréables s’ils nous donnent l’occasion de découvrir des nouvelles perspectives. Ils permettront également d’apprendre l’art du débat, d’anticiper les arguments, de construire un discours convaincant et de renforcer la confiance en soi.

Un grand nombre d’élèves manque d’assurance quand ils doivent parler devant leurs camarades, ce qui est un véritable handicap pour leur vie future, particulièrement quand ils auront besoin de prendre des décisions et d’affirmer leur point de vue. De plus, ces MOOCs nous permettront d’obtenir une image plus claire de nos préférences en terme de sujets. L’inconnu est souvent excitant à première vue, mais une fois que vous l’explorez, il existe un risque que vous soyez déçus.

Cette situation ne serait pas un problème si vous pouviez changer de matières facilement. Néanmoins, ce n’est pas le cas dans beaucoup de pays. Au lycée, vous ne pouvez pas choisir vos cours. À l’université, vous avez parfois besoin de répéter tout un semestre ou une année si vous voulez changer de discipline, ce qui peut être démotivant voire ravageant pour beaucoup d’entre nous.


De nouveaux outils et une hiérarchie horizontale

Par conséquent, ce projet nous donne la liberté de savoir, d’enseigner et de rechercher. De quoi d’autre avons-nous besoin ? Peu importe la popularité des MOOCs dans le monde, l’éducation l’éducation les rejette ainsi que la technologie. Pourquoi ?

À part l’argument selon lequel la technologie coûte cher, il y a un vrai problème avec la hiérarchie. Il est impossible d’entrer en contradiction avec ceux « au-dessus de vous ». En tant qu’étudiants, nous ne pouvons pas contredire un enseignant, les enseignants ne peuvent pas contredire un directeur, etc. Ceci est ce que nous pouvons appeler une hiérarchie verticale.

Cependant, la technologie permet des échanges horizontaux. En théorie, nous sommes tous égaux sur Internet. C’est dans cette idée que la peur réside. Une égalité dans l’éducation française n’est pas supportable pour certains. Le rôle d’un enseignant était, est jusqu’à aujourd’hui celui de transmettre la connaissance. Toute autre manière d’apprendre est bannie. Sauf si elle était recommandée par l’école…

Dans ce monde qui évolue à un rythme incroyable, de nombreux outils sont disponibles pour apprendre, créer, innover, etc. Nous devons donc accepter que le rôle d’un professeur doive évoluer et changer. Il devrait être celui d’un facilitateur socratique plutôt que celui d’un maître qui impose un savoir. Une des façons de procéder passe par le flux constant d’informations, qui peut avoir une influence énorme.

J’essaie d’apprendre autant de choses que possible grâce aux journaux. Cependant, j’ai besoin d’environ quatre heures pour lire Courrier International, Le Monde, etc., et manque souvent de temps pour tout lire.

Ainsi, aller sur Internet pour lire des articles courts semble être une bonne solution. Malheureusement, je questionne souvent la véracité des propos tenus et ne peux pas demander de l’aide à mes professeurs, car ils « n’ont pas le temps ».


Solutions

Lors de la discussion, deux solutions principales ont émergé.

Pourquoi ne créons-nous pas un moteur de recherche où l’information serait déjà sélectionnée grâce à des recommandations ? Par exemple, imaginons que plusieurs étudiants trouvent un article sur le changement climatique vraiment intéressant. S’ils le souhaitent, ils peuvent recommander cet article qui va obtenir le label « Étudiants ». Il en est de même pour les enseignants. S’ils trouvent le même article pertinent, ils peuvent choisir de le recommander et de lui donner le label « Profs », et ainsi de suite.

Ce système pourrait fonctionner pour chaque type de métier : les entrepreneurs, les chercheurs, les médecins, astronomes, peintres, etc. Vous pourriez ainsi chercher des articles dans une ou plusieurs catégories en fonction de votre intérêt et être rassuré quant à sa véracité.

En outre, la difficulté de l’article pourrait être évaluée à des échelles différentes (par exemple : niveau 0, 1, 2…). Il peut être évalué au niveau 3 par les professeurs et niveau 1 par des hommes d’affaires. Cela nous permettrait de savoir à l’avance si l’article est accessible ou pas à notre niveau.

La coopération étant aussi une clé importante de l’éducation, nous pourrions créer un réseau entre ceux qui partagent et ceux qui lisent. Si quelqu’un ne comprend pas un article, il ou elle pourrait demander l’aide de ceux ayant donné leurs recommandations.

Nous serions alors en mesure d’utiliser la base de données pour approfondir notre exploration d’un certain sujet. À titre d’exemple, les articles pourraient être liés les uns aux autres dans des catégories telles que : « Vous souhaitez aller plus loin ? Consultez ces articles », « Cet article vous a intéressé ? Voici d’autres que vous pourriez apprécier ».


Faut-il se spécialiser ?

L’un des principaux problèmes de l’éducation contemporaine est la spécialisation dans un domaine ou dans un autre. Dans un système traditionnel, les étudiants doivent connaître le travail qu’ils veulent exercer à l’avenir. Ils vont donc aller à l’université et au-delà en fonction de l’emploi qu’ils veulent occuper.

Cependant, nous savons tous que ce système est obsolète. Il existe une grande probabilité pour que la plupart d’entre nous aient différents emplois où la créativité et la capacité d’adaptation sont nécessaires.

Le simple fait que tant d’élèves ne savent pas ce qu’ils veulent étudier ou ont tout seulement une vague idée est la preuve de l’échec de ce système. Il engendre non seulement un taux important de décrochage à l’université, mais il nous empêche également d’être des professionnels polyvalents qualifiés dans plusieurs domaines.

Comme solution, pourquoi ne pas appliquer ce que nous avons dit pour le lycée d’été ? Utiliser la connaissance au service de la résolution de problèmes. En tant qu’étudiante qui aime apprendre, rien ne me frustre plus que d’être empêchée d’apprendre tout ce que je veux.

Pourquoi dois-je choisir entre sciences et économie, droit et codage informatique ou mathématiques et l’histoire ? Nous sommes assez matures pour savoir où se trouvent nos limites et n’étudierons pas 50 sujets différents si nous ne pouvons pas tous les gérer.

Nous devrions être libres d’apprendre si cela nous permet de mieux nous connaître et de trouver ce qui nous convient le plus. Ne serait-il pas beaucoup plus motivant d’apprendre quelque chose que nous avons choisi qui élargit nos horizons ?


Diplômes blancs

Dès lors, pourquoi ne créons-nous pas des diplômes blancs, comme nous l’avons évoqué au CRI ? Permettez-moi d’expliquer cette idée. Les problèmes d’aujourd’hui et de demain sont si complexes que nous ne pouvons pas les résoudre avec des approches simples.

Nous avons besoin de saisir tous les détails, les nuances et les mécanismes d’une question pour produire la réponse la plus complète. Pour résumer, des problèmes complexes ont besoin d’approches intégrant différentes apports. Imaginez un instant que vous alliez dans une école où vous concevez votre propre diplôme, en fonction de problèmes plutôt que de sujets.

Par exemple, imaginons que vous voulez résoudre le problème de la parité homme-femme en France. Vous devrez alors créer votre propre programme pour répondre à ce problème d’une manière aussi complète que possible. Vous allez peut-être vouloir étudier, la neuropsychologie, l’économie, la sociologie, l’histoire, le droit ou autres matières.

Ainsi, vous acquerrez un vaste savoir, et vous aurez également une expertise polyvalente plus précieuse qu’un diplôme classique. Vous aurez une capacité d’adaptation incroyable face à des obstacles puisque l’enseignement pluridisciplinaire vous y aura entraîné.

Toutefois, si nous ne nous spécialisons pas dans une matière, nous pouvons avoir besoin de nous spécialiser dans un certain problème. Il est en effet plus judicieux de creuser profondément dans une zone modeste que de ne pas creuser du tout sur une grande surface.

De nos jours (à moins que ça n'ait toujours été le cas ?), le sujet de l'éducation est aussi controversé et débattu que la politique ou la religion. Opposant de multiple partis, que ce soit le gouvernement, les professeurs, les spécialistes et bien d'autre, chacun tente de faire entendre sa propre voie.

Certains sont pour le maintien de ce système éducatif, d'autres pour un changement partiel voire radical. D'autres encore essayent de changer ce qu'ils peuvent à leur échelle.

Au final, très peu de personnes donnent l'opportunité aux élèves de s'exprimer alors que ce sont les principaux concernés. Nous avons des opinions, des idées et des solutions à apporter, mais sommes relégués dans un coin. Avec le prétexte que notre jeunesse rend illégitime nos revendications d'idéaux ou les explications de nos frustrations face à l'école.

Pourtant, si vous tendez l'oreille, vous vous apercevrez que cette même jeunesse, est l'atout le plus puissant que nous possédons. Nous sommes à la fois enfants et adultes, cultivés et ignorants, obéissants et rebelles. Nous pouvons être créatifs, innovant et dynamiques quand nous en avons l'occasion. Nous sommes à la croisée de multiples chemins que nous pouvons arpenter à notre guise. Nous allons être la société de demain, alors pourquoi attendre pour écouter ce que nous avons à dire ?

Ces solutions, comme vous avez pu le voir, ne sont qu’à l’état de graines. Pour pouvoir créer un changement, aussi infime soit-il, elles ont besoin de s’enraciner, d’être nourries et protégées.

Et vous pouvez y contribuer. Pour cela, exprimez-vous, partagez, écrivez, réagissez, critiquez, développez ces idées.

Contactez-nous, l’école a besoin de vous.

Publié par François Taddei, directeur du CRI sur The Conversation France.

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Dernière modification le mercredi, 30 décembre 2015
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