fil-educavox-color1

Appliquer le modèle de la gouvernance[1] à la prise de décision en matière d’enseignement et d’éducation peut paraître  relever d’une sorte de d’épidémiologie des représentations culturelles,  tant le domaine de l’entreprise dont il est issu est différent de celui de l’éducation :

« Certaines représentations sont transmises lentement de génération à génération ; ce sont ce qu’on appelle des traditions, comparables à des endémies. D’autres représentations, typiques des cultures modernes, se répandent rapidement à travers une population….; ce sont ce qu’on appelle des modes, comparables à des épidémies »[2].

L’introduction des objectifs de « la bonne gouvernance » dans l’éducation et dans un système d’enseignement public est-elle un effet de mode ou est-elle une approche structurante pour l’éducation et pour un service publique d’enseignement ?

Cette question nécessite de comprendre les rapports entre ce modèle construit au sein d’entreprises privés et le concept de gouvernance public et d’analyser sa pertinence pour organiser un système public d’éducation et d’enseignement.

L’emploi du terme « gouvernance » correspond à un mode de prise de décision quand des conflits apparaissent entre les directions des entreprises, les conseils d’Administration et les financeurs principalement les actionnaires majoritaires. Pour résoudre ces conflits sont mis en place des organismes de régulation tels que les comités de surveillance.

Il ne s’agit pas ici de l’utilisation radicale[1] qu’en fit en 1979 Margaret Tachter pour transférer des compétences de l’Etat et des collectivités locales, Shires et Districts, vers des organismes privatisés. Il s’agit d’étudier les effets de l’introduction de ce concept au sein même des services publics.

Les dossiers de « Dialogues, Propositions, Histoires  pour une Citoyenneté mondiale » soulignent le caractère pragmatique de la méthode : « Il est donc plus juste de parler d’émergence progressive d’une théorie de la bonne gouvernance à partir de l’observation des problèmes, de pratiques, d’innovations revenant de matière récurrente »[2].

Denita Cepiku[3] présente une revue de la question sur les rapports entre le concept de gouvernance publique et les différentes traditions politiques.  La lecture de cette communication met en évidence la double finalité de ce concept : il impulse le passage d’un type gouvernemental avec une décision formelle qui appartient à un groupe restreint à une pratique convoquant plusieurs acteurs institutionnels, il  est un exercice de l’autorité qui articule le  formel et l’informel. Cette particularité explique les variations du concept « gouvernance » suivant la théorie politique dominante de l’Etat où elle est appliquée.

Pour réguler les tensions entre la volonté des gouvernants et celle des acteurs convoqués, la gouvernance s’appuie sur « New Public Management »(NPM)[4] qui distingue d’une part le niveau administratif et d’autre part celui des hommes politiques avec leurs cabinets ministériels. Dans les 10 principes énoncés par D,F.Kettl[5], théoricien de la transformation de la gouvernance de l’Administration publique aux USA, ce type de management a pour but l’amélioration de la performance.

En 2008 le Conseil de l’Europe en donne sa version politique dans « Les 12 principes de bonne gouvernance au niveau local et outils de mise en œuvre ».

Ces recommandations visent la gestion de la vie politique locale, elles complètent la compréhension du concept de gouvernance dans l’espace public.

Elles influencent les décisions dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement quand existe un transfert de certaines pratiques éducatives aux collectivités locale et régionales et quand s’exprime une volonté politique de territorialiser certaines décisions qui précédemment dépendaient directement des Ministères concernés.

Elles rappellent les rapports entre la volonté de la majorité et les intérêts légitimes de la minorité, l’importance de l’Etat de droit et des droits de l’homme, les capacités professionnelles  et les aptitudes à développer des compétences des fonctionnaires pour des actes réactifs, efficaces, efficients, transparents, éthiques.

Ce bref résumé des propositions du Conseil de l’Europe  concerne l’organisation de l’éducation et de l’enseignement  public pour deux raisons : elles définissent les exigences d’une bonne gouvernance des espaces publics et elles indiquent des finalités éducatives correspondant à la vie locale.

________________________

Pour laisser au lecteur la possibilité de choisir le thème qui l’intéresse en priorité, nous avons divisé l’article, « ils souhaitent : Bonne gouvernance de l’éducation ? », en six thèmes :

1-  « Gouvernance publique ? » : une explicitation de cette expression.

2-  " Eduquer, Transmettre, enseigner pour qui "?

3-  « L’expérience quotidienne des acteurs de terrain et la gouvernance d’une Education Nationale ».

4-  « Gouvernance et Expression singulière des acteurs de terrain ».

5-  « La gouvernance de la formation des acteurs de terrains »

6-  « Le territoire de la gouvernance publique et les territoires des acteurs de terrain.»

Les propositions contenues dans ces textes résultent d’une analyse des interventions des acteurs politiques, des textes législatifs et des circulaires du Ministère de l’Education nationale de 1953 à 2016. Ces références ne sont pas présentées ici, car la finalité de cet article est une synthèse de ces études et d’expériences professionnelles vécues.

 


[1] Christiean Chavagneux, « FMI et Banque Mondiale, peuvent-ils imposer le libéralisme », à propos des pays du Sud, in L’économie politique, n°032, oct.2006.

[2] dph, « Mais qu’est-ce qu’une bonne gouvernance », avril 2012. «la bonne gouvernance n’est pas un ensemble de principes a priori, mais est - comme toute architecture - un ensemble de pratiques nées de défis concrets que les sociétés doivent relever et qui, petit à petit, «font système» jusqu’à permettre la formulation de principes généraux. Il est donc plus juste de parler d’émergence progressive d’une théorie de la bonne gouvernance à partir de l’observation de problèmes, de pratiques et d’innovations revenant de manière récurrente.»

[3] Cepiku Danita, Unravelling the concept of public gouvernance of different traditions, in Conceptualizing and researching governance and no-profit organization, Luca Gnam, Alessandro Hinna, Fabio Monteduro Editors, Studies inpublic and no-profit governance vol1, Emerald group publishing limited. 2013, pp. 3 32.

[4] Le modèle du NPM porte l’empreinte des théories du management des affaires privées diffusées dans les Business School,

[5] Kettl D.F.,  The transformation of governance : Public Administration twenty-first century America. Baltimore and Londres J. Hopkins University Press, 2002. 204 pp.

Dernière modification le lundi, 27 mars 2017
Jeannel Alain

Professeur honoraire de l'Université de Bordeaux. Producteur-réalisateur. Chercheur associé au Centre Régional Associé au Céreq intégré au Centre Emile Durkheim. Membre du Conseil d’Administration de l’An@é.