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C’est le titre du rapport publié il y a deux jours par le conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) et qui devrait faire l’effet d’une bombe. A la question : l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ? La réponse apportée est oui et plusieurs fois oui et elle est étayée par les chiffres fournis par l’enquête PISA qui doit être réactualisée en décembre.

 

Mais le rapport va au-delà de ce constat pour en détailler le comment et énoncer des préconisations.

Ce sont vingt deux équipes de recherche qui ont été mobilisées pour apporter leurs contributions : sociologues, économistes, didacticiens, psychologues (le rapport et toutes les contributions sont disponibles sur le site www.cnesco.fr ) . Leurs conclusions sont sans appel et franchissent souvent le pas entre inégalités et injustices.

Une aggravation des inégalités

Les inégalités progressent dans l’école française depuis (trente ans alors que des politiques efficaces menées dans les autres pays de l’OCDE les ont faites régresser. Durant, cette période, dans notre pays, les élèves les plus défavorisés socialement ont vu leur niveau baisser alors que, dans le même temps, les résultats leurs camarades de l’élite sociale étaient à la hausse. Ainsi les inégalités sociales à l’école se fabriquent tout au long de la scolarité avec un point d’orgue au collège qui n’a d’unique que le nom : inégalités de résultats, d’orientation, de diplômation et même de rendement social du diplôme lorsqu’il est obtenu.

Inegalites cumul2

Une mise en cause des politiques scolaires

Les politiques scolaires qui se sont succédées ont joué un rôle central dans l’aggravation des inégalités à l’école. Le CNESCO décrit et analyse les divers dispositifs qui ont été mis en place pour favoriser «  l’égalité des chances »avec pour volonté : " donner plus à ceux qui ont moins ". Il en conclue brutalement que " l’école française donne moins à ceux qui ont moins ".

La politique des zones d’éducation prioritaire subit de plein fouet la sévérité du réquisitoire : la taille des classes n’y est pas suffisamment réduite pour que cela ait un impact, les enseignants y sont moins expérimentés et ne font que passer par la, case zep, le temps d’enseignement effectif ainsi que sa qualité y sont paradoxalement moindre que dans les autres établissements.

Nathalie Mons présidente du CNESCO affirme même que " Les élèves de milieux défavorisés n’ont pas accès aux mêmes méthodes pédagogiques que ceux de milieux favorisés. En mathématiques, par exemple, les tâches sont moins ambitieuses, les attentes plus basses, l’environnement pédagogique moins porteur. "

Ainsi l’éducation prioritaire conduit à une discrimination devenue, au fil du temps, négative.

Une double discrimination pour les enfants d’immigrés

La contribution du sociologue de l’Université de Genève George Filouzis permet de supposer que le statut migratoire tend à devenir plus fort que le niveau de vie et d’étude des parents c’est-à-dire que les résultats scolaires des enfants issus de l’immigration semblent de moins en moins liés à la position sociale et culturelle de leur famille…toutefois les conclusions sont à différencier en fonction des pays d’origine.

Un petit satisfecit tout de même

La refondation de l’école dont le but affiché est la réduction des inégalités est évalué comme comportant " des orientations politiques encourageantes "avec toutefois " une mise en œuvre en retrait ".

La scolarisation précoce des enfants de moins de trois ans est pointée comme "  une mesure efficace pour lutter contre les inégalités mais faiblement mise en œuvre depuis 2012 ".

La qualité des nouveaux programmes scolaires en lien avec les avancées scientifiques en matière de didactique des disciplines est mentionnée positivement dans le rapport même si elle est assortie d’une recommandation de formation des enseignants.  De même, il est noté que " les mesures récentes en matière d’évaluation " des élèves devront être consolidées pour être davantage efficaces…

Des préconisations

Après les constats et analyses le rapport est terminé par une liste d’évolutions souhaitées pour le modèle éducatif français. Parmi celles-ci :

  • Une meilleure gouvernance s’appuyant sur l’expertise pédagogique des acteurs de terrain et développant des expérimentations sur des pratiques pédagogiques efficaces.
  • Le principe d’une formation continue obligatoire.
  • Un renforcement de la mixité sociale dans les 100 collèges les plus segrégués de France, mesure sans laquelle toute politique scolaire court le risque d’être inefficace.
  • L’application du principe, d’équité aux politiques d’orientation.
  • Une rénovation de l’enseignement professionnel et de ses diplômes vers une meilleure employabilité.

Un signal d’alarme

" Marqué par des inégalités sociales et migratoires fortes et croissantes, associées à un nombre très important d’élèves en grande difficulté scolaire, le système éducatif français met désormais en péril à la fois la croissance économique future ainsi que la cohésion nationale et sociale ".

Puisse-t-il être entendu par ceux et celles qui élaborent en ce moment des programmes d’action pour les cinq années à venir !

Jacques Puyou

Rapport CNESCO : http://www.cnesco.fr/

Dernière modification le samedi, 21 janvier 2017
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é