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Vers une pédagogie plus collaborative
Copier-coller
 
 
Contrairement à ce que l’on peut penser, le copier-coller est bien antérieur à l’invention de l’ordinateur. C’est une méthode pédagogique encore en cours en France. Si le professeur surprend un élève en train de copier sur son voisin, il va le coller le prochain mercredi.
 
Vous me pardonnerez cette petite boutade destinée à attirer votre attention sur la naissance et je devrais même dire croissance, voire adolescence, d’un monde pédagogique à deux vitesses.
Il y a d’un côté les pays en voie de développement, expression politiquement correcte pour dire en retard, et les pays qui se sont engagés dans une voie où les mécanismes de collaboration sont privilégiés.
 
Intérêt de la collaboration
En 2011, une étude de l’université de Washington confirmait que les comportements altruistes existaient chez des enfants de quinze mois.[1] Progressivement, la pression de l’école à l’ancienne et des familles va estomper ces comportements pour favoriser au contraire les individualistes.
 
Cette évolution permet d’identifier des élites et a donc son intérêt, mais en contrepartie, elle écarte de la réussite et de la confiance en soi des individus mis en situation de moindre réussite, voire d’échec.
L’histoire de la collaboration au sein d’un organisme est pourtant une longue histoire. Lorsque deux êtres unicellulaires se sont regroupés et spécialisés, ce fut une première forme de collaboration. Par la suite, l’agrégation de toujours plus de cellules a permis la constitution d’êtres complexes, comme les humains. Ces phénomènes coopératifs ont continué au-delà de la constitution de l’individu pour la mise en place de sociétés qui sont la réunion d’être pluricellulaires dans le but de mutualiser et collaborer.
 
Cette évolution avait une certaine forme de logique dans la mesure où la collaboration est l’attitude la plus favorable pour un groupe d’individus. Malheureusement, il y a un grain de sel dans cette belle mécanique. Si tous les individus respectent la collaboration, tous en tireront profit. Par contre, si un individu ne respecte pas les règles du jeu, c’est lui qui en tirera le plus grand profit.
 
Les inégalités de nos sociétés se sont fondées sur ces mécanismes. La majorité collabore, mais certains en profitent pour gagner plus au détriment des autres.
 
Si le jeune enfant est malléable et a priori favorable aux comportements altruistes, on peut considérer qu’il suffit de favoriser, d’ancrer ces comportements pour améliorer la société. C’est ce vers quoi se dirigent certains pays.
 
Le poids de la tradition
La théorie darwinienne, a émis un postulat sur la sélection naturelle. Ce sont les prédispositions qui donnent un avantage concurrentiel qui se transmettent à la descendance. Cette vision est logique chez un ressortissant anglais dont le pays est maître du plus grand empire colonial. Cela permet de justifier certaines exactions consistant à inclure la puissance militaire dans les processus de sélection naturelle.
Cette façon de voir les choses peut se justifier pour des êtres vivants dénués de conscience, mais semble devoir être réexaminée dans le cas de sociétés constituées d’individus doués de conscience. La société humaine a expérimenté de bien vilaine manière les limites de ces approches de la vie en commun, sans pouvoir mettre en avant un quelconque avantage pour l’espèce.
 
On pourrait donc espérer que les sociétés humaines se dirigent massivement vers des options plus collaboratives et fraternelles. Malheureusement, en vertu du principe que le non-respect des règles profite le plus à celui qui les enfreint, les parents, par exemple, encouragent la concurrence pour leurs enfants en espérant que ceux-ci « écraseront » les autres.
 
Je me souviens de l’inquiétude de ces parents voyant que les grands de ma classe prenaient chaque jour la dictée du texte libre des plus jeunes, pas encore lecteurs. Ils pensaient qu’ils allaient prendre du retard s’ils « s’occupaient » des autres.[2]
 
J’ai par ailleurs été conduit à supprimer les notes en classe pour faciliter les mécanismes de collaboration. Cela évite les « ce n’est pas juste, si je l’aide, il va avoir une meilleure note ». Malheureusement, en France, la tradition de la note est très forte. On rajoute même sur le bulletin la moyenne de la classe, la note du plus fort et du plus faible. Bel encouragement pour ceux qui ont bien progressé, mais qui restent en queue de peloton.
 
L’évolution du marché du travail
Le premier but de l’école est bien sûr de former des individus qui pourront s’intégrer dans la société. La spécialisation des individus fait que certains se sont vus confier l’instruction des jeunes pour permettre à d’autres de produire d’autres biens et richesses pour la communauté. L’approche des élites consiste cependant à faire en sorte que leurs rejetons nés avec une cuillère d’argent dans la bouche restent bien les bénéficiaires des meilleures places.
 
Pour se donner bonne conscience, mais aussi pour essayer de repérer les individus les plus remarquables, on accepte d’accueillir au sein des meilleurs établissements des étudiants issus de milieux modestes. Mais cet arbre ne peut cacher la forêt de tous ces potentiels qui n’ont pas été cultivés et dont le coût en déperdition de compétence est lourd, même si difficilement chiffrable.
 
Certaines entreprises se sont rendu compte que cette main d’œuvre, si elle était suffisante à l’époque où l’on recherchait de la force musculaire, de l’habileté manuelle ou tout simplement une acceptation de tâches peu qualifiées et répétitives ne répondait plus aux besoins actuels. En effet, les salariés sont désormais appelés à gérer de nombreuses interactions, avec leurs pairs et d’autres salariés ou intervenants, internes ou externes.
 
Les machines effectuant les tâches répétitives et nécessitant peu de réflexion, pour maximiser les profits, les entreprises ont besoin désormais de salariés capables de travailler ensemble, de gérer un réseau de relations, de s’informer.
 
L’être pluricellulaire s’est associé d’abord avec d’autres êtres, mais désormais, avec les moyens de communication actuels, il n’est plus nécessaire que ces interactions se fassent à l’échelle physique, même si les transports actuels de passagers permettent d’élargir de façon drastique le champ de ses horizons.
 
Nous voyons donc fleurir dans les entreprises de plus en plus d’incitation au travail collaboratif autour de projets, de lean management.[3] Cela est favorisé par l’essor des moyens de travail à distance et collaboratifs, notamment les tableaux interactifs.
 
Développement des attitudes collaboratives dans l’enseignement
Les mécanismes de compétition dans la classe deviennent donc particulièrement néfastes à la mise en place des compétences collaboratives. Beaucoup de pays s’en sont rendu compte et l’on commence à voir l’encouragement, voire la systématisation de ces attitudes.
 
Bien sûr, il y a toujours eu des enseignants, généralement militants pour un monde plus humain qui ont toujours cherché la réussite de chaque élève dans une atmosphère de classe collaborative et fraternelle. C’est généralement le cas des pédagogies actives, notamment Freinet.
 
Le monde à l’époque de Célestin Freinet était sensiblement différent de celui d’aujourd’hui. Néanmoins, celui-ci avait mis en œuvre en classe les technologies de l’époque, notamment la projection de films et l’imprimerie. Rien que ces deux outils sont aujourd’hui remplacés très avantageusement par l’informatique et épaulés par Internet et différents périphériques.
 
Il y a donc fort à parier que celui-ci se serait emparé de ces outils pour en exploiter les possibilités au service de ses élèves. Pour être précis, dans l’actuel mouvement Freinet, il y a deux courants opposés, ceux qui mettent les technologies à l’épreuve de la classe et ceux qui réfutent toute technologie qui n’aurait pas été utilisée par Freinet. Les deux attitudes sont nobles et même si je penche pour la première, je retiens que dans les deux cas, ce qui est important, c’est la construction des enfants et le travail collaboratif.
 
Les technologies au service du travail collaboratif dans la classe
 
La collaboration peut se faire à distance, mais nous nous intéresserons ici à la collaboration dans la salle de classe, entre les élèves.
La découverte d’une nouvelle notion peut se faire de différentes manières. Par un exercice déguisé en situation découverte, comme en proposent la plupart des manuels, ou par une situation plus riche destinée à mobiliser la réflexion et la construction par les élèves.
 
Cette séquence peut se faire en grand groupe, par exemple au tableau. Les hypothèses des différents élèves sont testées, commentées, argumentées. C’est une excellente situation pour la construction des savoirs. L’apport du tableau interactif ou du vidéoprojecteur interactif pour cette activité est bien sûr essentiel.
 
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Une autre approche, relativement fréquente consiste à faire travailler les élèves en petits groupes et ensuite à mutualiser leurs recherches avec la classe. Ceci se fait généralement sur de grandes feuilles de papier afin de permettre la présentation collective des différentes approches des groupes. On comprend vite que l’outil informatique permet de fluidifier et simplifier ces procédures, tout en permettant de sauvegarder et partager les résultats.
 
La plupart des dispositifs informatiques ne se prêtent cependant pas à l’utilisation par plus de deux utilisateurs (ordinateurs, tablettes). Il est donc précieux de pouvoir disposer d’outils plus grands, comme ce qu’offrent les tableaux, écrans et vidéoprojecteurs interactifs.
Les pays les plus en pointe dans ces usages l’ont bien compris et ils équipent les salles de classe de plusieurs tableaux interactifs. Cela permet à l’enseignant de faire travailler simultanément les élèves de façon collaborative, comme ce qui se passe en entreprise où des salles de réunion ont les murs couverts d’écrans interactifs (avec la dimension supplémentaire que ces écrans sont souvent connectés à d’autres sites distants).
 

La Finlande en Europe est un des pays à la pointe de ce phénomène, puisque depuis plusieurs années, le taux d’équipement des salles de classe a dépassé 100%, mais d’autres pays, par exemple les États-Unis et le Canada vont encore plus loin, dans certaines écoles. Par exemple, à la7th Grade Center in Royersford (Pennsylvanie) ou à l’école secondaire Dalbé-Viau de Lachine(Québec). Dans cette dernière, certaines lasses sont équipées de six tableaux interactifs, ce qui permet à l’enseignant de faire travailler sa classe en groupes de quatre ou cinq étudiants.
[2] J’ai apaisé les esprits en expliquant que cela faisait faire des dictées aux grands en bien plus grande quantité que ce que j’aurais pu faire dans cette classe avec des élèves allant de la grande section au cours moyen…
[3] Selon Wikipédia : « Le lean management est un système d’organisation du travail qui cherche à mettre à contribution l’ensemble des acteurs afin d’éliminer les gaspillages qui réduisent l’efficacité et la performance d’une entreprise, d’une unité de production ou d’un département notamment. ».
Dernière modification le vendredi, 05 septembre 2014
Cochain Bernard-Yves

Enseignant, experts Ministère (RIP, TBI), Directeur de CDDP, Consultant éducation, historien d’art, infographiste, photographe publicitaire et autre.
Mon intérêt pour la pédagogie me conduit à produire quelques billets pour ce site magnifique.