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Quand on parle de tableau numérique interactif, je démarre vite : l’outil m’a plus que séduit et si j’entends dire « ce n’est qu’un gadget ! » je me lance dans un discours quasi militant car il a modifié ma façon d’enseigner. Il faut bien reconnaître pourtant que le TNI, euh … comment dire, n’a pas rencontré son public.
Pourtant, il a de réels attraits.
Tout d’abord c’est un tableau, c’est-à-dire l’espace de travail commun à l’enseignant et aux élèves, auquel on a donné les atouts du numérique. Et c’est aussi important que le passage du stylo au traitement de texte : aucun des deux n’est parfait, mais vous savez bien, en fonction du contexte, lequel choisir.

Ensuite, c’est un ordinateur partagé, qui permet à l’enseignant de mettre en place, avec le logiciel ou le site de son choix, une situation que prolongeront les élèves.

Enfin, c’est une fenêtre sur le monde (formule quelque peu dithyrambique, certes) qui nous fait sortir de l’univers « didactisé » et permet de faire travailler les élèves sur des documents authentiques, trouvés en direct sur le web.

 
Les difficultés sont cependant réelles.
 
La première est que le TNI semble ajouter le pari technologique aux multiples difficultés de l’enseignant. Configuration matérielle, installation de logiciels, maintenance, tout cela ne relève pas du métier d’enseignant. Il faut donc des intervenants multiples (installateurs, informaticiens) qui ne sont pas, et c’est habituel, disponibles au bon moment. L’enseignant, devant le moindre problème, sera obligé de reporter sa séance, c’est-à-dire de reconnaître un échec, d’avouer un manque de compétence. Dur, dur devant ses élèves.
 
Il plaît davantage aux politiques qu’aux utilisateurs. Ceux qui prennent la décision d’équiper les classes le font à partir d’une vision théorique, qui peut manquer de pragmatisme. Prenons un exemple simple : un TNI utilisable par un enseignant de 1,70 m est-il utilisable par un élève de 1,20 m ? À l’école primaire, la réponse doit absolument être positive si on veut vraiment susciter des usages. Mais le dispositif qui répond à cette exigence (TNI monté sur rails) est plus cher (oh, pas de beaucoup) et donc ignoré. Du coup, on achète 10 matériels inadéquats plutôt que 8 qui seraient utilisables.
 
Il demande des compétences numériques. Utiliser un TNI c’est assumer le fait que les compétences numériques ne se résument pas à la consultation de sites web, l’envoi de courriels ou la participation à divers réseaux sociaux. Il faut savoir qu’un document numérique a une vie différente de son prédécesseur manuscrit : il est capable d’évoluer, de s’adapter à différents supports, d’être diffusé par des canaux multiples dont le TNI.
 
Il est le plus souvent accompagné de formations techniques, et non de découvertes d’usages. Pour simplifier la gestion des commandes et la mise en place des formations, on a trouvé une solution : la formation est incluse dans le bon de commande ou l’attribution de marché. Ça au moins, c’est simple ! Et la formation se résume à une prise en mains purement technique, faite par un vendeur et non un pédagogue, qui en 2 ou 3 heures va montrer le maximum de fonctionnalités, sans enclencher la moindre réflexion collective sur les usages possibles.
 
 
Face à ces difficultés, que faire ? Si, malgré les réticences largement exprimées dans les discussions entre enseignants, vous avez envie d’essayer par vous-mêmes, voici six conseils d’un homme de terrain.

 
N’utilisez que les fonctionnalités de base des logiciels de type « tableau blanc » Un tableau traditionnel permet d’écrire, dessiner et effacer. Ajoutez à cela la navigation entre les pages, l’enregistrement et l’impression, l’export dans un format facilement diffusable (jpeg, png, pdf) et vous avez déjà un outil très performant dont la maîtrise ne présente pas de difficultés.
 
Utilisez vos logiciels et ressources habituels. Un TNI, c’est aussi une souris géante, qui va vous permettre de piloter vos outils habituels, d’utiliser votre sitographie disciplinaire, votre banque d’images, vos dictionnaires. Le TNI ne doit pas être un obstacle à vos pratiques et ne doit rien vous faire perdre de vos compétences. Et n’oubliez pas : non seulement vous pourrez manipuler ces logiciels et ces ressources, mais vous pourrez aussi les faire manipuler par vos élèves.
 
Ne faites pas de documents spécifiques au TNICela prend beaucoup de temps et n’est utilisable que si vous avez un TNI. Sachez plutôt adapter vos documents aux usages projetés. Si vous avez écrit vos cours avec votre traitement de textes préféré dans le format A4 en mode portrait, il est inutile de les refaire : enregistrez une nouvelle version, configurez la en A5 mode paysage (une page correspondra à 2 écrans), aérez le texte en laissant des zones blanches, exporter en pdf et affichez au tableau. En passant en mode annotation, vos élèves pourront écrire à côté de votre texte. Vous avez par exemple l’énoncé de l’exercice, et vos élèves écrivent à côté. Et si vous avez besoin d’imprimer pour que les élèves travaillent sur table : il suffit de repasser en A4 portrait.
 
Sollicitez régulièrement l’aide de votre auditoire. Même après des années de pratiques, il y a un inconvénient dans l’usage du TNI : contrairement au travail habituel sur ordinateur, quand vous écrivez ou manipulez, vous êtes très près de l’objet et vous n’avez pas une vue d’ensemble du tableau. Il vous arrivera donc de chercher un objet, bouton ou menu qui ne se trouve pas dans votre champ visuel. Demandez à vos élèves ; ils ont plus de recul (question de distance) et vous aideront volontiers, ce qui a deux avantages : ils vous permettent de poursuivre et sont d’autant plus attentifs qu’ils participent à l’action.
 
Sachez laisser la place à vos élèves. Le TNI, comme tout tableau noir, vert ou blanc, n’est pas l’outil exclusif de l’enseignant : c’est un espace de travail commun avec les élèves. Ne gardez pas le stylet pour vous : mettez en place la situation pédagogique que vous avez définie et faites intervenir les élèves. Le passage au tableau n’est pas une corvée, mais l’occasion d’apporter un élément à un travail collectif.
 
Travaillez en équipe. Tout ce qui précède paraîtra pauvre aux yeux des utilisateurs chevronnés. Mais comment peut-on découvrir en 3 heures 200 fonctionnalités ? Si vous commencez par ce qui est simple, vous allez découvrir vous-même une ou deux fonctionnalités particulièrement utiles dans votre contexte. Vos collègues en tireront profit et vous, vous saurez apprécier leurs découvertes.
 
J’aurais pu écrire cet article il y a 6 ans. Aujourd’hui j’espère être contredit et apprendre que les attraits sont plus nombreux que ceux que j’indique, et que les obstacles ont été levés. Quant à mes conseils, inutiles aux utilisateurs chevronnés, peut-être rendront-ils services aux débutants ?
Dernière modification le mercredi, 24 septembre 2014
Marchand Thierry

Enseignant de mathématiques en collège, puis formateur Tice, j’enseigne maintenant dans l’enseignement supérieur, pour développer les compétences numériques. Je participe à la conception, la mise en place et l’animation de plusieurs MOOC .