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Un exemple d’utilisation de serious game en classe[1]#_ftn1
Dans le cadre de l’utilisation des jeux vidéo en classe, je vous expose ci-dessous une expérience[2]que j’ai menée durant l’année scolaire 2009-2010 avec une classe de 5ème SEGPA (13 élèves).
 
Le contexte général :
 
Lors de l’année scolaire 2009-2010, j’ai été affecté en Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté dans un collège de l’académie de Besançon. J’étais notamment en charge l’enseignement de l’Education civique pour une classe de niveau 5ème.
 
Le collège dans lequel j’enseignais se trouve dans une petite ville et reçoit les élèves d’un grand nombre de petites communes rurales. Il s’agit d’un établissement très agréable et très fonctionnel qui a été récemment restructuré. De plus, il dispose d’importants moyens informatiques : de nombreuses salles sont équipées d’un ordinateur avec internet et vidéoprojecteur ; une salle informatique comprend 16 ordinateurs-élèves + 1 ordinateur-administrateur (il permet notamment de naviguer sur les écrans des élèves, de faire apparaître l’écran d’un élève sur tous les autres postes, etc.).
 
Le contexte des Programmes :
 
Le Programme de 5ème en Education civique comporte une partie, s’intitulant « La sécurité et les risques majeurs », dans laquelle nous devons étudier comment l« ’État et les collectivités territoriales organisent la protection contre les risques majeurs et assurent la sécurité sur le territoire national. » C’est précisément sur ce point que j’ai choisi de faire mon expérimentation.
 
Contexte de la classe et déroulement de la séquence :
 
Les élèves que j’avais dans cette SEGPA présentaient de grandes difficultés en maîtrise de la langue française ainsi qu’un désintérêt majeur pour les leçons d’Education civique (et de la culture humaniste en générale[3]). Dans ce sens, leurs évaluations (simples restitutions de cours) démontraient leurs lacunes dans cette matière. Je précise également que j’avais ces mêmes élèves en cours de Mathématiques et de Physique-Chimie et que leur intérêt (et donc leurs résultats) pour ces deux disciplines était bien supérieur. Sachant que les cours de Sciences physiques se déroulaient essentiellement en salle de Travaux Pratiques (expériences et synthèse à partir de l’observation des résultats) et que les leçons d’Education civique et de Mathématiques étaient toutes deux globalement basées sur un travail collectif à partir de présentations Powerpoint projetées par vidéoprojecteur.
 
Au troisième trimestre, afin de diversifier ma pratique et dans le but de motiver mes élèves, j’ai donc décidé d’utiliser le serious game Halte aux catastrophes[4] pour étudier le chapitre mentionné plus haut.
 
Le synopsis de ce jeu sérieux est le suivant :
 
« Les catastrophes provoquées par les aléas naturels détruisent des vies et les moyens de subsistance.
 
Elles frappent des millions de personnes chaque année, riches comme pauvres. Avec votre aide, nous pouvons réduire le coût matériel, financier et humain des catastrophes par la connaissance des risques et l’application des meilleures méthodes de prévention. De simples mesures peuvent vraiment sauver des vies !
 
Dans ce jeu, votre rôle consiste à organiser et à construire un environnement plus sûr pour la population. Vous devez évaluer le risque d’une catastrophe et essayer de limiter les dégâts quand elle frappe. Vous aurez des conseils tout au long du jeu, à la fois bons et mauvais. »
 
Plusieurs scénarii sont disponibles. Chaque scénario correspond à un type de catastrophe naturelle : tsunamis, ouragans, feux de forêt, tremblements de terre et inondations.
 
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La séquence s’appuyant sur ce jeu était composée de 5 séances et se structurait ainsi :
 
1ère séance (15 minutes en salle de cours puis 30 en salle informatique) :
- Découverte de la thématique : j’ai essentiellement recueilli les conceptions initiales (évaluation diagnostique) des élèves au sujet de leurs connaissances en matière de prévention des risques majeurs. Pour cela, je notais sur un document Word projeté devant les élèves par vidéoprojecteur ce qu’ils me disaient.
 
- Découverte du jeu en grand groupe dans la salle informatique : j’indiquais aux élèves où cliquer pour avancer dans le menu de départ et les laissait ensuite découvrir le jeu par eux-mêmes. Aussi, par un jeu de questions-réponses, je leur donnais les outils nécessaires pour appréhender le jeu[5]. Pendant cette phase de découverte, les élèves ont joué sans consigne particulière afin de s’approprier le jeu
 
2ème séance (45 minutes salle informatique) :
Lors de cette séance les élèves (1 élève par ordinateur) devaient effectuer une ou plusieurs partie de jeu. J’allais vers chaque élève afin de vérifier la bonne compréhension du jeu. 2 parties de jeu (voire 3 pour certains) ont été faites.
 
3ème séance (45 minutes en salle informatique) :
Lors de cette séance les élèves (1 élève par ordinateur) devaient de nouveau effectuer une ou plusieurs parties de jeu. En consigne complémentaire, j’ai demandé aux élèves de ne pas refaire les mêmes scénarii que dans la séance 2 (si possible,). Egalement, ils devaient prendre des notes sur ce qu’ils faisaient et ce qu’ils comprenaient : quel scénario a été choisi ? Qu’est-ce qui est demandé dans le jeu (actions possibles) ? Quelles sont les conséquences des actions réalisées pour le déroulement de la partie ? Quelles conclusions ont été tirées ?
 
4ème séance (45 minutes en salle de classe) :
Préalablement, j’ai projeté à nouveau le document Word que j’avais rempli avec eux lors de la séance 1.
Cette séance n°4 a permis de mettre en commun (en grand groupe) les notes prises lors de la troisième séance. A partir des notes retranscrites sur Word par l’enseignant (mêm procédé que lors de la séance 1), une synthèse de cours répondant à la problématique de départ a été élaborée. Cette synthèse ensuite été imprimée puis distribuée aux élèves.
 
5ème séance :Evaluation sommative[6].
 
Observations :
 
Tout d’abord, l’impact motivationnel inhérent à l’utilisation du jeu a été très important. Dans ce sens, tous les élèves ont participé activement à l’intégralité de la séquence.
 
Aussi, 100% des élèves ont obtenus une note supérieure à 16 / 20. Il s’agit d’une augmentation moyenne de 3 à 4 points par rapport aux notes habituellement obtenues par les élèves lors des précédents contrôles.
 
Enfin, les copies, bien que contenant un nombre important d’erreurs de français, démontraient un réel effort de tous les élèves à formuler leurs pensées, d’argumenter, d’expliciter par des exemples, etc.
 
L’explication principale tient au fait que, d’une part, l’utilisation d’un jeu vidéo s’apparentant à ce qu’ils connaissent bien et qui fait partie de leur culture (un grand nombre d’élèves a fait l’analogie avec la saga de jeux Sim City[7]) a attiré et conservé leur attention sur les tâches demandées. D’autre part, le fait de « vivre » la leçon a permis à ces élèves de SEGPA (ayant des difficultés d’abstraction) de mieux retenir et de mieux comprendre les notions abordées. Ils ont d’ailleurs pu utiliser ce « cours-action » pour se représenter plus clairement dans leur esprit leurs idées, d’où la meilleure formulation sur leurs copies.
 
537378-halte4dc0-484abToutefois, cette expérience, ayant été menée de manière informelle, n’a aucune validité scientifique. Dans ce sens, pour mieux évaluer l’efficacité réelle de l’utilisation du jeu sérieux sur les résultats des élèves, il aurait fallu diviser la classe en 2 groupes : un groupe témoin faisant une leçon classique et un groupe utilisant le jeu. Une comparaison des résultats obtenus par ces 2 groupes auraient permis de dire si le jeu a réellement eu un impact sur les résultats des élèves. Il est ici impossible de l’affirmer mais cette expérimentation a le mérite de présenter l’usage du jeu vidéo en classe. Aussi, s’il est difficile de dire que l’usage de l’objet vidéoludique en classe a réellement fait progresser les élèves, il n’en reste pas moins que la motivation démontrée par l’ensemble du groupe classe s’est bien fait ressentir[8].


 


[1] Cet article avait été rédigé pour le dossier « Enseigner avec les jeux vidéo : vers une pédagogie vidéoludique ? » (http://www.educavox.fr/actualite/debats/article/enseigner-avec-les-jeux-video-vers) Ceci est donc une version revue dont l’objectif est de mettre cette expérimentation en exergue alors qu’elle était « enfouie » dans le dossier et donc peu évidente à trouver.
[2] N’entendez pas ici ce terme au sens scientifique. Le but premier était de motiver et de faire progresser les élèves et non de faire une expérience rigoureusement scientifique.
[3] D’après leurs résultats sur leurs bulletins trimestriels en Histoire-Géographie et en Français.
[4] http://www.stopdisastersgame.org/fr/home.html
[5] J’ai constaté que les joueurs ont tout de suite trouvé leur marque dans le jeu et ont peu sollicité mon aide. En revanche, les non-joueurs m’ont plus consulté lors de la première partie.
[6] A noter que le jeu, par le fait que l’on gagne ou perde la partie et par le fait qu’il indique ce qu’il s’est passé virtuellement (les pertes et les raisons de ces pertes), permet une évaluation formative constante et automatique.
[7] Sim Cityest un jeu de gestion/simulation dans lequel le joueur gère une ville.
[8] Je concède ici aussi le caractère subjectif de ce terme …
Dernière modification le jeudi, 16 octobre 2014
Tresse Julien

De formation neuroscientifique, je suis actuellement professeur des écoles sur Varsovie. 
Mes réflexions portent plus particulièrement sur :
- les usages pédagogiques du numérique ;
- la différenciation pédagogique ;
- les apports neuroscientifques à la pédagogique.