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Les musées virtuels s’adressent à différentes clientèles : amateurs d’œuvres, incapables de se rendre sur les lieux réels à cause de contraintes de temps, d’espace et de budget, ceux qui souhaitent s’initier à divers contenus muséaux ou encore l’initié qui veut réviser ses connaissances sur un sujet précis. Les formes prises par ces expériences vont de la simple mise en ligne de photos et de textes encyclopédiques aux déplacements 3D à l’intérieur de diverses salles virtuelles. 
Si ces dispositifs éducatifs servent bien des visées promotionnelles d’enceintes muséales comme le Louvre, les musées eux-mêmes intègrent de plus en plus de techniques holographiques ou de la réalité augmentée pour susciter davantage l’intérêt des visiteurs et les aider à mieux comprendre des concepts ou des artéfacts.
 
Soucieux de transformer le monde de la rue en véritable espace muséal, des experts en réalité augmentée développent aussi des dispositifs offrant des explications ou des images additionnelles dans des sites historiques ou des villes actuelles. Mais quelle est la valeur réelle de tous ces efforts de démocratisation des sources d’apprentissage ? Dans le présent article, je tenterai de montrer comment je crois que la muséologie moderne contribue à cultiver le désir d’apprendre à partir de tous les stimulis environnants, et à ramener le pendule du côté de la motivation intrinsèque.
 
Valoriser l’apprentissage expérientiel et réformer le milieu institutionnel
 
Contrairement à une malsaine et fâcheuse croyance tenace autant dans la population que chez les décideurs, le milieu scolaire institutionnel est loin à mon avis de constituer le principal catalyseur de l’apprentissage. Le pouvoir d’apprendre appartient en tout à l’apprenant, et la qualité des apprentissages découle des stratégies autodidactes employées par celui-ci et non des écoles ou des programmes scolaires, qui répondent souvent davantage à des exigences socioéconomiques. En ce sens, le débat sur la valeur relative des écoles privées et publiques détourne l’attention de l’essentiel.
 
Un élève autodidacte saura s’inspirer de toutes les ressources existantes autour de lui, autant des pierres trouvées sur le bord de la route, que des vestiges historiques, des affiches sur les poteaux d’électricité, des murales ou des leçons rédigées dans un livre. Dans ce contexte, il est clair que les connaissances acquises à l’extérieur du milieu scolaire généreront chez l’apprenant des questionnements et des besoins d’apprendre qu’il tentera d’imposer au milieu institutionnel, menant celui-ci sur la voie d’essentielles réformes.
 
Développer une attitude créative et scientifique dans la vie de tous les jours
 
La vocation éducative muséale représentée par des expositions réelles, des sites ou des vestiges à l’externe, des représentations virtuelles, mais aussi par des programmes éducatifs concurrentiels ou complémentaires à l’école contribue grandement à cultiver chez le visiteur l’usage de multiples stratégies d’apprentissage tant du point de vue affectif que cognitif.
 
À titre d’exemple, certaines stratégies consistent justement à faire preuve de sensibilité à l’endroit de tous les stimulis offerts à nos sens et à porter un regard inquisiteur sur tout objet environnant. L’élève sera porté à se demander le qui fait quoi, quand, comment, pourquoi, etc., et à employer aussi la formulation de réponses à ces questions à l’aide d’une variété de sources : recherche d’informations sur Internet ou dans des livres, synthèses de points de vue d’auteurs, etc. Au final, il enrichira son argumentaire de nombreuses autres questions, acquérant ainsi d’importants aspects d’une démarche scientifique.
 
Ramener du plaisir dans l’acte d’apprendre et éveiller la motivation intrinsèque
 
Les formules éducatives centrées sur l’apprenant, à l’extérieur de l’école, misent souvent sur des découvertes valorisantes qui redonnent confiance à l’élève et lui permettent de découvrir un plaisir de niveau supérieur : celui d’apprendre, et de faire de sa vie entière un univers d’apprentissage. Vu sous cet angle, chaque geste posé par l’élève découle d’une impulsion personnelle orientée vers un but ou un projet personnel, conscient ou non, qui consiste à se découvrir comme personne, à s’exprimer, à comprendre le monde, etc. dans la perspective d’une aventure sans fin.
 
D’une certaine manière, il serait contreproductif de chercher à délimiter les frontières ou les paramètres d’une telle démarche d’apprentissage ; à moins de laisser l’élève élaborer un tel système par lui-même. L’exercice de catégorisation aurait pour effet de cataloguer les apprentissages réalisés dans des filtres fermés, brisant l’inspiration de l’élève et le coupant de sa motivation intrinsèque. Il vaut mieux ne pas trop comprendre le but recherché, de laisser libre cours à l’aventure éducative et, pour un éducateur, de se contenter d’accompagner l’élève souvent de façon non-interventionniste en lui fournissant des indices ou des pistes de recherches et des références. Il est aussi approprié de l’aider à diversifier l’emploi de stratégies d’apprentissage
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Conclusion
 
Le musée virtuel s’inscrit bien dans les efforts déployés en vue de démocratiser les sources d’apprentissage en offrant à toute personne des ressources représentant toutes les formes d’activités humaines : l’histoire, les arts, la culture, la technologie, etc. L’expérience contribue à sortir littéralement l’élève de l’établissement scolaire, le rendant sensible à tous les stimulis et lui donnant l’opportunité de se découvrir, de prendre goût ou de développer son sens de la recherche dans une perspective entièrement personnelle. Une telle expérience peut générer d’importantes réformes des institutions scolaires proprement dites sous la poussée de questionnements et l’expression de nouveaux besoins d’apprentissage.
 
Je ne serai certainement pas le premier à affirmer que le bonheur ne découle pas de l’arrivée à une destination précise, mais plutôt de la qualité du trajet parcouru. Caminante no hay caminos, los caminos se hacen al andar, raconte le poète espagnol Antonio Machado. Laissons donc les élèves créer de nouveaux sentiers.
 
Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation
 
Références (exemples de musées virtuels)
Renaud Luc

Luc Renaud est spécialisé en technologie éducationnelle et enseigne le français langue seconde depuis plusieurs années auprès d’une clientèle adulte immigrante. Détenteur d’une maitrise en éducation, il a aussi été chargé de cours à l’Université de Montréal dans le domaine de l’intégration pédagogique des TIC, et a participé à des projets de recherche portant sur la formule hybride et le socioconstructivisme. Il possède également une solide expertise en développement et expérimentation de formations en ligne et s’intéresse vivement à la collaboration internationale. 
Mal à l’aise dans le milieu scolaire, il croit à une remise en question continuelle de l’école ; il tient d’ailleurs un blogue, L’éduc-acteur, le Blogue de Luc Renaud, sur des thèmes variés, qui mettent de l’avant l’importance de l’autoformation.
Il est aussi entrepreneur, ayant démarré récemment une entreprise de consultant en technologie éducationnelle, La boîte à idées E.T.L.R. Ideas Boxdans la région de Montréal.


Montréal, Québec (Canada)