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J’adhère à l’idée que le croisement de problématiques aide à faire émerger des idées nouvelles et apprendre. Selon moi, pour innover et apprendre nous avons besoin de stimulations différentes et de divergences provenant de processus, de personnes, de cadres de références, d’ambiances et de lieux qui nous surprennent.
A chaque fois que nous hybridons un objet de réflexion, un réseau de pensées différentes, nous augmentons notre possibilité de rencontrer des solutions que nous n’attendions pas. C’est un effet de sérendipité : la rencontre du hasard et d’un esprit préparé. Un métissage qui se trame parce que l’on suit un fil, mais on ne sait pas toujours où l’on va.
Les mélanges de préoccupations, les déplacements physiques ou de pensées permettent la survenance de "processus parallèles", pendant qu’on agit dans un domaine, on fait avancer à un niveau infra conscient un autre ensemble de préoccupations présents en sourdine mature. Progresser sur plusieurs plans est possible à la condition de garder l’esprit largement ouvert.

On retient souvient des apprentissages informels qu’on apprend en toute situation ; oui mais comment ?

Schugurensky 2007 et Bennett 2012 précisent les choses ainsi, pour Schugurensky l’apprentissage tacite correspond à de la socialisation (apprentissage de sa langue maternelle), l’apprentissage fortuit est un dérivé d’une autre activité (je fais du bricolage et j’apprends la patience), l’apprentissage auto-dirigé (autoformation pour laquelle je me donne des objectifs et je m’organise), Bennett propose l’apprentissage intégratif volontaire mais qui se produit en fonction des opportunités.

Apprentissage intentionnel Apprentissage planifiée
Apprentissage tacite Non Non
Apprentissage fortuit Non Oui
Apprentissage autodirigé Oui Oui
Apprentissage intégratif Oui Non

Je crois que les managers développent intuitivement cet apprentissage intégratif. En effet, il existe une théorie managériale, qui examine la prise de décision des managers. Cette théorie va à contre sens du raisonnement linéaire et rationnel de la théorie de la décision classique. Elle stipule qu’un manager a toujours en tête un ensemble de problèmes à résoudre, un ensemble de contraintes à respecter, un ensemble de solutions acceptables dans l’organisation dans laquelle il oeuvre et un ensemble de ressources mobilisables. L’art de décider consiste à jongler avec ces objets, de prioriser en continue et de faire grandir les éléments en fonction des moments.
La notion intérieur/extérieur est aussi essentielle, ainsi à côté des "organisations apprenantes", nous devrions fréquenter des "organisations inspirantes" dans des domaines apparemment sans rapport (humanitaire, social, associatif etc.), afin de nous ressourcer et de trouver des idées, des émotions et des énergies nouvelles. Une forme d’attention flottante comme en psychanalyse doit nous permettre d’avancer sur tous nos engagements simultanément.

Ce qu’autorisent aujourd’hui les réseaux sociaux c’est cette ouverture maximale à des idées, et des groupes différents (mais utilise t-on toujours cette possibilité ou reste on entre pairs ?). Pour les managers c’est un challenge de garder le focus des équipes sur les objectifs à atteindre, d’autoriser une part de divergence et de créativité pour apprendre tout en gardant un oeil attentif sur les résultats attendues par les différentes parties prenantes.

Cette forme de management ou l’on surfe avec le cadre tout en y revenant sans cesse reste à inventer. Il sera certainement facilité par le partage des valeurs qui rassurent que chacun ne perd pas la finalité.
Article initialement publié le 17 août sur le blog : Apprendre autrement
Dernière modification le vendredi, 07 novembre 2014
Cristol Denis

Directeur Innovation et Développement APM (Association pour le Progrès du Management)
Chercheur associé Paris Ouest Nanterre