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Eddie Playfair, chef d’établissement francophone et francophile de ce collège me reçoit en mai 2017 pour me présenter le travail des élèves avec les BYOD. L’établissement compte 2500 élèves, Eddie le présente comme modestement innovant à Londres, en lutte constante avec l’extrême marchandisation que suppose le système éducatif britannique et la concurrence qui règne entre établissements.

L'utilisation du smartphone en classe

Il m’explique que l’utilisation du smartphone en classe est très encouragée depuis 2015, plus que les tablettes ou ordinateurs portables.

La direction ne donne pas de directive de travail aux enseignants, les laissant totalement libres de leur pédagogie, souvent décidée en équipes disciplinaires, ce qui fait naître une grande diversité de méthodes pédagogiques.

Un investissement de matériel conséquent en début d’année scolaire, permet de prêter des netbook, macbook ou autres, aux élèves les plus démunis. Cette solution est nettement préférée à un investissement en postes fixes jugé beaucoup trop couteux en maintenance.

Pour le niveau collège, qui correspond aux niveaux allant de la 6ème à la 3ème en France, les élèves bénéficient de 30 heures de cours par semaine. Or, au niveau lycée, les moyens financiers donnés par l’Etat (4.000 livres sterling par élève) décroissent  considérablement et les heures d’enseignement diminuent  alors à 17h par semaine, soit une diminution de près de 50% en face à face pédagogique.

Aussi est-il nécessaire de développer l’autonomie de l’élève afin qu’il puisse travailler seul et efficacement, de développer le travail en équipe, l’entraide et l’utilisation aisée du numériques.

Cette croissance de l’autonomie recherchée a donné naissance à des « skills centers » organisés et gérés par les enseignants ainsi qu’à un Centre de Culture et de Communication incroyablement élaboré et technique.

Le CCC est construit sur 3 étages où les élèves se répartissent en fonction du travail à faire et surtout du bruit occasionné par ce travail.

Le niveau un est l’étage du bruit accepté, du travail nécessitant la communication, le débat. Il est aussi l’étage de la socialisation, de la rencontre, de l’échange.

Le deuxième niveau est celui du travail en groupe. Le mobilier est adapté à cela, par exemple, une table ronde au centre de laquelle l’on peut brancher ses appareils connectés.

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Le troisième et dernier niveau est celui du silence total, la configuration permet l’isolement, des vitres anti-bruit permettent de se concentrer, la configuration y est donc plus individuelle, selon le modèle des universités américaines classiques.

 

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Le CCC nécessite le travail de 5 à 6 employés à temps plein, il s’agit principalement de bibliothécaires, formés au numérique et devenus experts.

D’un point de vue technique, ces nombreux usages du numériques nécessitent des ajustement constants de la vitesse de connexion, des serveurs élargis, des filtres sur l’ENT. Ces ajustements sont réalisés par un service externe « snodwall » qui coûte très cher à l’établissement. Au sein du collège, une « network team » s’est constituée et gère le réseau du collège, il s’agit principalement de membres de l’équipe pédagogiques et de l’équipe du CCC.

Après les examens de fin de lycée, 91% des étudiants continuent à l’université. Les autres commencent à travailler ou bien continuent vers un apprentissage.

L’expérimentation d’une démarche BYOD au collège date d’il y a plusieurs années.

Au départ, de fortes réticences de la part des enseignants se faisaient ressentir. L’objet était perçu comme étant un problème. Ce n’est plus le cas aujourd’hui car depuis 5 ans, une très forte transition s’est opérée, le smartphone est perçu comme un véritable outils de travail et de communication. Les enseignants qui ne souhaitent pas utiliser ces outils en classe le disent explicitement en début de cours, les élèves les éteignent et les rangent, voilà tout.

Le chef d’établissement note au passage que la politique du chargement des BYOD a changé dans l’établissement puisqu’auparavant, charger son smartphone ou son « laptop » aux frais du collège était inconcevable. Désormais, c’est l’inverse, le chargement des outils personnels connectés est facilité par de nombreuses commodités électriques. Avant, cela était perçu comme du vol, aujourd’hui c’est devenu un droit. « Tout a changé, mais cela est de moins en moins explicite » me dit Eddie. Ce qui signifie bien que cela est entré dans les us et coutumes de l’établissement.

Néanmoins, insiste Eddie Playfair, le smartphone peut préparer à la vie professionnelle et universitaire s’il est utilisé à bon escient, « passer 2h sur Instagram n’apporte rien à l’élève, le smartphone devient une distraction ». Il m’avertit également des risques d’addictions aux réseaux sociaux et du besoin d’organiser des événements de prévention pour utiliser les réseaux sociaux intelligemment, ne pas laisser les élèves se faire piéger par la criminalité, le terrorisme, l’extrémisme.

Il insiste aussi sur le fait que le smartphone est un moyen d’accès « au bon texte » mais que le livre demeure « le bon texte ». Aussi y a-t-il un apprentissage à faire et à continuer concernant les méthodes de recherches dans les livres, avec les livres. Le smartphone ne se substitue pas à la bibliothèque, il n’est pas « instead of ».  Selon lui, une théorie dit qu’éduquer avec de vieilles méthodes est toujours utile parce que cela permet de comprendre la structure de la recherche. Il faut et il faudra toujours des connaissances.

Delphine Roux

Principale-adjointe au collège Henri IV

Académie de Poitiers

Dernière modification le vendredi, 02 juin 2017
Roux Delphine

Deputy Head du collège EIB Monceau à Paris