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Cette contribution porte sur les objets connectés, innovation présente dans de nombreux domaines, et même dans celui de l’éducation spécialisée. En effet, l’éducation spécialisée pour les enfants polyhandicapés souffre du manque d’outils adaptés pour dispenser une activité.

Or, aujourd’hui des objets connectés interactifs peuvent être créés de manière très simple et rapide par les professionnels de l’éducation spécialisée (enseignants, éducateurs, instructeurs en locomotion, etc.), ce qui semble être une solution adéquate afin de répondre efficacement aux besoins des enfants polyhandicapés lors de leur scolarité.

Introduction

Ayant des troubles différents (visuels, auditifs, cognitifs, du comportement, etc.), chacun des enfants polyhandicapés a ses besoins spécifiques, ce qui rend l’adaptation de l’activité très difficile pour les professionnels de l’enseignement spécialisé.

Ces derniers peuvent vite se retrouver envahis d’outils pour répondre à chacun des besoins, sans pour autant les satisfaire efficacement. Ainsi, font-ils preuve d’imagination pour répondre aux objectifs éducationnels qu’ils doivent parfois inclure dans les activités quotidiennes des enfants, tels que les repas ou la toilette. Ils ont alors recours au jeu pour capter l’attention des enfants et les engager dans une activité. Par exemple, ils ont besoin de leur apprendre à manger des fruits à la texture désagréable pour les enfants (comme le kiwi) et à faire le lien entre la texture et le goût qui, lui, peut être agréable. Ceci dit, sans interactivité, il est très difficile de motiver l’enfant à s’engager dans l’activité.

C’est pourquoi les professionnels des établissements spécialisés sont sans cesse à la recherche d’interactivité pour garder l’attention de l’enfant sur la tâche d’apprentissage.

Or, avec l’arrivée de technologies sur le marché telles que les outils de prototypage rapide, des objets connectés interactifs peuvent être créés de manière très simple, rapide, et bon marché par les professionnels : puzzles interactifs ou jeux de reconnaissance d’objets, par exemple. De plus, ces supports pédagogiques interactifs peuvent améliorer le lien social entre l’enfant polyhandicapé et le professionnel mais également entre les enfants eux-mêmes, ce qui est un axe central dans le travail des enseignants et éducateurs.

Les objets connectés semblent alors pouvoir être des nouveaux outils d’apprentissage prometteurs pour concevoir et animer une activité auprès d’enfants polyhandicapés.

L’apport des objets connectés pour l’éducation spécialisée

Les objets connectés créés à partir d’outils de prototypage rapide peuvent être des outils d’apprentissage puissants pour les enfants handicapés.

Des chercheurs de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse et de l’Institut national de recherche en informatique et en atomatique de Bordeaux ont mené des expériences auprès de 24 élèves déficients visuels de l’Institut national des jeunes aveugles de Paris (INJA).

L’objectif était de comparer les cartes thermogonflées (support pédagogique utilisé habituellement en classe) aux cartes 3D interactives (objet connecté parlant) de la ville de Paris. Douze élèves manipulaient la version thermogonflée de la carte et douze autres élèves manipulaient la version 3D interactive de la carte.

A la fin de l’exploration de la carte, les élèves répondaient aux questionnaires historique et géographique permettant d’évaluer leurs capacités mnésiques et leurs capacités de représentations spatiales. Les résultats ont montré un bénéfice substantiel en faveur de la carte 3D interactive en termes de performances mnésiques et de représentation spatiale pour les enfants déficients visuels (Giraud, Brock, Macé & Jouffrais, 2017). Giraud et Jouffrais (2016) ont également montré une nette amélioration de l’engagement des enfants polyhandicapés lors d’une activité avec des objets connectés (alphabet braille interactif, formes géométriques interactives, modèle 3D interactif, fruits connectés, etc.) que ce soit pour des activités d’apprentissage du braille, de résolution de problèmes mathématiques, de prise de connaissance d’un quartier pour s’y déplacer, ou encore pour un atelier de diversification alimentaire.

En effet, suite à plusieurs observations en classe et entretiens, ces auteurs ont mis en évidence que les enfants s’engageaient dans l’activité et étaient capables de garder leur attention concentrée sur l’exercice plus qu’à l’accoutumée, leur permettant de travailler sur des concepts habituellement difficile à comprendre pour l’enfant polyhandicapé.

Plus récemment, ces mêmes auteurs (2017) ont évalué l’usage et la satisfaction des professionnels d’un institut spécialisé à partir d’un questionnaire réalisé à la suite de l’utilisation en classe des objets connectés créés lors des sessions de conception participative avec les enseignants et éducateurs.

Ces professionnels ont ainsi rapporté que les outils de prototypage rapide en créant des objets connectés interactifs leur permettent de répondre à des besoins qui étaient jusqu’alors insatisfaits. Ils étaient très satisfaits de l’utilisation de ces outils pour créer du matériel pédagogique mais également de l’utilisation des objets connectés interactifs en classe avec les élèves, c’est pourquoi ils les recommandaient vivement à leurs collègues.

Néanmoins, ils précisaient qu’une formation supplémentaire serait nécessaire pour mieux s’approprier ces outils et intégrer les objets connectés interactifs dans leur pratique professionnelle.

Ce type de formations peut être dispensé dans des Fablabs par exemple (lieux de partage de connaissances et de compétences sur ces technologies, formant un réseau mondial initié dans les années 1990 par Neil Gershenfeld, professeur au Massachusetts Institute of Technology).

Comment créer des objets connectés ?

De nombreux outils de prototypage rapide tels que les cartes microcontrôleurs bon marché (environ 50 euros) permettent de concevoir des objets connectés interactifs.

Des chercheurs du MIT Media Lab et d’Intel Labs ont montré qu’il était possible de concevoir des prototypes de manière flexible en incluant des matériaux organiques et vivants (une fleur ou le corps humain, par exemple), et sans compétences techniques à partir d’une carte microcontrôleur qu’ils ont créée (Silver, Rosenbaum & Shaw, 2012).

Cette carte est compatible avec tous les logiciels et ne nécessite pas de programmation ou d’assemblage de pièces électroniques. Elle est ainsi conçue pour un large public, des débutants aux experts. Les autres types de cartes existantes exigent davantage de compétences. Cependant, elles possèdent un processeur, une batterie et de nombreux connecteurs d’entrée-sortie, qui permettent de concevoir des applications mobiles (Hamidi, Baljko, Kunic & Feraday, 2014), ce qui peut être également intéressant pour l’utiliser dans différents environnements de classe selon le besoin du professionnel.

Ainsi, il pourra choisir la carte la plus appropriée en fonction de ses compétences et objectifs. Giraud et Jouffrais (2016b) présentent un aperçu des avantages de chacune des cartes existantes.

Ces outils de prototypage rapide peuvent facilement s’acheter sur internet ou se trouver dans n’importe quel Fablab de France.

L’atout d’un Fablab est qu’en sus du matériel à disposition, l’éducateur peut s’approprier les compétences de passionnés de l’informatique et de l’électronique pour l’aider à concevoir ses objets connectés. Dans ce sens, Giraud et Jouffrais (2017) ont mis en place des sessions de conception participative entre les professionnels d’un institut spécialisé et des volontaires ayant des compétences informatiques et ont montré la potentialité des outils de prototypage rapide pour créer un grand nombre d’objets connectés interactifs pour l’usage d’activités pédagogiques avec les enfants polyhandicapés.

En effet, de nombreux prototypes ont été conçus lors de ces sessions tels qu’un conte sensoriel interactif pour associer des expériences tactiles et sonores au conte, une frise chronologique interactive pour travailler sur les différents courants littéraires et artistiques de l’Histoire, une boîte sonore de substitution sensorielle pour apprendre la notion de taille, et bien d’autres en fonction des besoins des enseignants et des élèves.

Conlusion

Les objets connectés créés à partir d’outils de prototypage rapide permettent de répondre adéquatement aux besoins particuliers des enfants polyhandicapés de manière ludique.

Ces outils sont à la portée de tous ceux qui souhaitent créer des matériaux pédagogiques innovants de manière simple, rapide et bon marché. Ainsi, fournir ces technologies aux professionnels de l’enseignement spécialisé pour créer des objets connectés interactifs peut constituer un investissement bénéfique pour les établissements spécialisés de l’Éducation nationale ou les centres d’éducation privés. Certains instituts se sont d’ailleurs déjà équipés tels que l’INJA et l’Institut des jeunes aveugles de Toulouse.

Suite à l’intégration des objets connectés dans leurs classes, ils ont pu constater une amélioration de l’engagement des élèves, sans parler de la satisfaction des professionnels, qui a généré un engouement pour ces objets, à tel point qu’ils organisent eux-mêmes des sessions de conception participative pour concevoir davantage de matériel pédagogique novateur. Les objets connectés au service de l’éducation spécialisée pour les enfants polyhandicapés sont alors des outils potentiellement prometteurs à intégrer dans les classes.

Stéphanie Giraud, Docteure en psychologie et ergonomie cognitive
Date de publication : 2017

Recommandations

Favoriser la créativité des professionnels pour concevoir de nouveaux matériaux pédagogiques avec des objets connectés en mettant en place des sessions de conception participative :

  • relever les besoins des professionnels et des élèves ;
  • réaliser des ateliers de résolution créative pour répondre à un besoin spécifique ;
  • fournir aux professionnels les outils de prototypage pour le développement des objets connectés ;
  • offrir l’accès et, si besoin, des formations aux professionnels dans les centres Fablabs.
Voir aussi
Références
  • Giraud S., Brock A.M., Macé M. J-M. et Jouffrais C. (2017), “Map Learning with a 3D Printed Interactive Small-Scale Model: Improvement of Space and Text Memorization in Visually Impaired Students”, Frontiers Psychology, 8:930. doi: 10.3389/fpsyg.2017.00930
  • Giraud S. et Jouffrais C. (2016a), “Empowering Low-Vision Rehabilitation Professionals with ’Do-It-Yourself’ Methods”, Computers Helping People with Special Needs, LNCS 9759 (p. 61-68), Springer International Publishing.
  • Giraud S. et Jouffrais C. (2016b), « “Do-It-Yourself” : aider les professionnels spécialistes de la déficience visuelle à créer leurs propres supports pédagogiques interactifs », Proceedings of the 9th National Conference on Handicap.
  • Giraud S. et Jouffrais C. (2017), “’DIY’ Prototyping of Teaching Materials for Visually Impaired Children: Usage and Satisfaction of Professionals”, Proceedings of the 19th International Conference on Human-Computer Interaction.
  • Hamidi F., Baljko M., Kunic T. et Feraday R. (2014), “Do-It-Yourself (DIY) assistive technology: A communication board case study”, ICCHP 2014, 2014, vol. 8548 LNCS, no. PART 2, p. 287-294.
  • Silver J., Rosenbaum E. et Shaw D. (2012), “Makey Makey?: Improvising Tangible and Nature-Based User Interfaces”, TEI’12, 2012, p. 5.

Article publié sur le site : https://www.reseau-canope.fr/agence-des-usages/les-objets-connectes-au-service-de-leducation-specialisee.html
Auteur : Stéphanie Giraud, Docteure en psychologie et ergonomie cognitive

Dernière modification le jeudi, 12 octobre 2017
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Les usages du numérique éducatif : L'Agence nationale des usages du numérique éducatif est un site web de référence qui vise la compréhension des enjeux liés à l’évolution des pratiques professionnelles des enseignants dans un contexte numérique. Cette publication présente une veille sur les outils, ressources, services pédagogiques numériques pour l’Éducation, des résultats de la recherche internationale, des expériences d’utilisateurs dans la conduite des actions d’enseignement et d’apprentissage et une observation en continue des processus « usages » mis en œuvre dans le cycle de vie des projets technico-pédagogiques.

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