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L’AWT propose un regard "différent" sur l’apprentissage à l’école. Neurosciences et TIC(E) offrent l’opportunité d’améliorer l’apprentissage en activant les 4 étapes essentielles que sont l’attention, l’engagement actif, le retour d’information et la consolidation.

Un autre regard sur l’échec scolaire

Avec la rentrée des classes, les préoccupation des parents, des enseignants et de l’ensemble de la communauté éducative se tournent vers les challenges de cette nouvelle année scolaire. Beaucoup de discours mentionnent la "lutte contre l’échec scolaire" et il est évident que cette question mérite toute notre attention.

Ainsi, sans entrer dans une analyse détaillée des statistiques de l’échec scolaire, on observe, en consultant la dernière livraison des "Indicateurs de l’enseignement 2013" publiée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, qu’un nombre important de nos enfants sortent de l’enseignement primaire et secondaire avec une ou plusieurs années de retard. Ainsi en 2012, dès la fin de l’école primaire, près de 22% des élèves accusent déjà un retard d’une année au moins et 4% de deux ans ou plus. A la fin du secondaire, ils étaient 57% à avoir au moins une année de retard et 29% deux années ou plus.

Le taux de réussite, au terme de la première année, des élèves qui entreprennent des études supérieures de type court était globalement en 2011 de 53% pour les élèves "à l’heure" et de 32% pour ceux "en retard". Ces chiffres tombent à 44% et 29% pour l’enseignement supérieur de type long et à 44% et 22% pour les élèves ayant entrepris des études universitaires.

De nombreuses dispositions sont prises dans les écoles pour lutter aussi efficacement que possible contre cet échec scolaire, notamment pas la mise en place de structure de remédiation et par une meilleure différenciation voire une individualisation de l’enseignement. Mais ce discours ne se trompe-t-il pas de cible ? Ne faudrait-il pas changer le point de vue ? Au lieu de chercher à soigner le symptôme des difficultés d’apprentissage de nos élèves, ne faudrait-il pas chercher à assurer un meilleur apprentissage pour tous ?

Comprendre l’acte d’apprentissage

Poser cette question nécessite de s’interroger sur l’acte d’apprentissage et donc sur la façon dont le cerveau de l’enfant, de l’adolescent, voire de l’adulte, intègre de nouveaux savoirs et de nouvelles compétences. Or, précisément, nos connaissances sur ces processus sont restées très longtemps largement empiriques : le cerveau est l’organe dont le fonctionnement intime est resté mal connu voire mystérieux jusqu’il y a peu. Si le rôle de plusieurs grandes zones du cortex avaient été identifié depuis longtemps, ce n’est qu’avec le développement, à partir des années 80, des technologies d’imagerie médicale, essentiellement numériques, que l’on a enfin pu "voir" ce qui se passe dans le cerveau pendant qu’il fonctionne. Les interactions des quelques 100 milliards de neurones sont ainsi de mieux en mieux comprises et permettent enfin de pouvoir modéliser les comportements du cerveau, c’est-à-dire essentiellement de l’apprentissage et de la mémorisation. Ces nouvelles connaissances forment ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler les neurosciences cognitives.

Or, comme le signalait, en 2012, Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France :"il est stupéfiant de constater que beaucoup d’enseignants connaissent mieux le fonctionnement de leur voiture que celui du cerveau des enfants auxquels ils doivent enseigner". Il plaide ainsi pour que l’on donne aux enseignants les principes fondamentaux du fonctionnement cérébral et de ses conséquences sur les apprentissages. En effet, si nombres de "bonnes recettes" de la pédagogie se voient heureusement confirmée comme, par exemple, la nécessité de maximiser l’attention de l’élève, elle se trouvent souvent affinées.

On démontre ainsi que s’il faut "motiver" l’apprentissage, il faut éviter que cette motivation ne vienne distraire l’enfant et le fasse finalement manquer l’objet de l’apprentissage. D’autres pratiques sont par contre battues en brèche. Ainsi, lorsque l’on croit bien faire en présentant simultanément deux apprentissages similaires sous prétexte d’en bien montrer les différences, on crée sans le savoir le lit de le confusion car, lorsque le cerveau mémorisera durablement ces informations au cours du sommeil, il les stockera ensemble et favorisera ainsi la confusion !

Neurosciences et TICE

Les apports des neurosciences cognitives devraient éclairer et même renouveler profondément les pratiques d’enseignement. On en trouvera une présentation vulgarisée sur le blog "Mon cerveau à l’école" de l’équipe du Professeur Dehaene. Ce dernier, en introduction du symposium de novembre 2012 "Sciences cognitives et éducation", mettait notamment en évidence que l’apprentissage est plus facile et plus rapide si l’enseignant veille à quatre facteurs :

  • l’attention. Il faut captiver l’attention de l’enfant sur la tâche et éviter les éléments succeptibles de l’en distraire ;
  • l’engagement actif. L’enfant doit être actif et l’apprentissage est optimal lorsque l’enfant alterne apprentissage et test répétés de ses connaissances ;
  • le retour d’information. L’erreur ou l’incertitude sont normales et même indispensables et ne doivent entrainer aucune sanction : c’est en constatant qu’il ne sait pas (encore) que le cerveau peut apprendre ;
  • la consolidation. La répétition est absolument nécessaire mais doit être active : c’est l’enfant qui cherche à se "resouvenir" et non le professeur qui redit l’information une fois de plus. Il convient donc de distribuer l’apprentissage en petites séquences, idéalement quotidiennes.
Or, précisément, les technologies numériques peuvent justement aider l’enseignant à maximiser ces quatre facteurs essentiels de l’apprentissage durable.

Bien sûr, l’introduction des TICE, les "Technologie de l’Information et de la Communication au bénéfice de l’Education", ont toujours un effet attractif sur les enfants par le caractère de nouveauté qu’ils représentent dans l’école. Cet effet est particulièrement important au début mais peut être presque indéfiniment prolongé par l’incomparable richesse et diversité des ressources qui peuvent être exploitée en classe via le canal de l’ordinateur ou de la tablette. La référence à l’actualité, le rebond immédiat sur le vécu des enfants, voire les interactions via les réseaux sociaux sont autant de moyens mis à la disposition des enseignants pour captiver et cultiver l’attention des jeunes apprenants.

De même, les dispositifs numériques, bien plus que le cahier ou le tableau, permettent à l’enfant de s’impliquer de manière active et originale dans la co-construction des savoirs.L’écrit est bien plus valorisé lorsqu’il a d’autre lecteurs que le seul professeur (rédaction de blogs accessibles aux parents, de messages twitter, etc.) et se voit facilement complété par les images, les sons ou les vidéos qui peuvent être captés via les tablettes ou autres terminaux numériques. Cet engagement actif est aussi particulièrement développé via les applications interactives de simulation et d’exercices et tout particulièrement dans les "serious games", ces jeux développés spécifiquement ou détournés pour servir un objectif d’éducation.

L’erreur est indispensable à l’apprentissage et, à nouveau, les dispositifs basés sur les technologies numériques peuvent apporter une contribution particulièrement efficace dans le sens où, contrairement à la remarque du maître qui est souvent vécue négativement, le signalement de l’erreur peut être plus discret et partant, ne plus être un frein à la participation active de l’élève. Qui plus est, l’individualisation du rythme de travail des enfants, voire même l’auto-adaptation de l’application au niveau de compétence de l’apprenant, peut le confronter constamment avec des exercices dont la difficulté est suffisante pour maintenir son intérêt et reste assez limitée pour ne pas le décourager.

Enfin, puisque l’apprentissage n’a vraiment d’intérêt que s’il est durable, c’est-à-dire que s’il est accompagné de la mémorisation de la compétence ou du savoir, il en nécessite l’exercice répété plusieurs fois dans les jours qui suivent son acquisition. Ici aussi, les technologies numériques et la disponibilité de terminaux portables et/ou accessibles depuis le domicile des élèves représente aussi un formidable potentiel pour mettre en place des séquences de réinvestissement des apprentissages qui sont indispensables à une rétention à long terme.

Pour la plupart, les technologies numériques s’avèrent d’autant plus efficaces pour soutenir la démarche d’apprentissage qu’elles peuvent être individualisées. Rien d’étonnant donc à ce que les terminaux mobiles et tout particulièrement les tablettes tactiles soient souvent privilégiées pour constituer le "cartable numérique" de nos enfants même si elles restent complémentaires, et même indissociables, des outils de visualisation communs que sont les projecteurs vidéos et autres tableaux numériques interactifs.

L’ensemble de ces technologies, aussi riches et performantes soient elles, ne doit toutefois pas occulter le caractère indispensable des expérimentations plus concrètes et des interactions sociales dans la classe dont la valeur est reconnue depuis toujours. Les neurosciences montrent en effet qu’il est avantageux de démultiplier les canaux d’interaction et de stimulation pour soutenir l’attention et faciliter la compréhension. Les technologies numériques sont donc largement complémentaires des pratiques pédagogiques classiques et peuvent souvent en prolonger les bénéfices.

Les TIC comme levier pour l’enseignement

On le voit, les TICE, spécialement si elles sont mises en oeuvre en se référant aux apports des neurosciences cognitives, peuvent devenir un formidable levier d’amélioration de la performance de l’enseignement. Il ne faut cependant pas négliger que ces deux contributions représentent aussi un challenge considérable pour le corps enseignant qui doit nécessairement remettre l’ouvrage sur le métier et interroger ses pratiques pour les faire bénéficier de ces apports de la science et des technologies du XXIe siècle. C’est aussi un enjeu majeur pour le système éducatif dans son ensemble qui se doit d’accompagner et d’encourager les initiatives.

Le plan "Ecole numérique" adopté par le gouvernement wallon en mai dernier, et dont le nouvel appel à projets vient de collecter 480 propositions des écoles, est assurément un nouveau pas vers la mise à disposition des outils technologiques plus appropriés pour relever ces défis. Un effort de formation et d’accompagnement des enseignants est néanmoins absolument indispensable pour les encourager à se saisir plus résolument des TICE et à découvrir les apports des neurosciences au bénéfices de leurs élèves.

On peut alors escompter que ces efforts contribueront à mettre en place une véritable pédagogie du succès qui devrait aussi être beaucoup mieux acceptées par les enfants et les jeunes gens qui sont nés dans ce monde où les technologies numériques font partie intégrante de leur quotidien.


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Dernière modification le jeudi, 20 novembre 2014
An@é

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