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De longue date, mis à part quelques cas particuliers, la plupart des premiers cycles universitaires français furent globalement porteurs d'une très mauvaise réputation. L'une des conséquences de cette piètre image était - et est toujours en grande partie - qu'une majorité des meilleurs élèves de l'enseignement secondaire se détournaient, et se détournent encore fortement de cette catégorie de formations de l'enseignement supérieur. 

Cette mauvaise réputation - qui perdure en grande partie pour les licences simples - découle de diverses caractéristiques :

  • L'absence de sélection ou de la moindre régulation des flux à l'entrée de la première année qui fait que c'est là que se retrouvent la plupart des bacheliers les plus faibles, l'importance des effectifs d'étudiants durant les premières années du parcours d'études avec le trop faible encadrement et accompagnement qui en résulte
  • La modestie du volume annuel de formation (deux fois moins d'heures en moyenne que dans les IUT, STS, classes préparatoires, écoles ...), la faiblesse (quand ce n'est pas la totale absence) de toute prise en compte des réalités professionnelles (pas ou trop peu de stages, quasi absence de tout enseignement de nature technologique ou professionnelle ...)
  • L'épouvantable taux d'échec en première année (en moyenne, moins d'un tiers des étudiants de première année de licence passent en deuxième année sans redoubler, 45% seulement des entrants finissent par parvenir à se doter du grade de licence...).

Portés par la volonté de rendre cette catégorie d'études supérieures plus attractive, certains universitaires ont joué la carte de la création de formations de premier cycle sélectives.

C'est ainsi que sont nées l'université Paris-Dauphine, les universités de technologie de Compiègne/Belfort-Montbelliard/Troyes, diverses classes préparatoires universitaires aux grandes écoles... Il convient en outre de citer la vague plus récente de création des cursus "double licence", formations sélectives offrant de réelles garanties de haute qualité et de bons débouchés en deuxièmes cycles universitaires ou grandes écoles, puis dans la vie active.

Apparues il y a une dizaine d'années, les "doubles licences" sont des formations sélectives (sur dossier Parcoursup) à effectifs limités et bien encadrés. Elles ont pour cacteristique principale d'intégrer deux domaines complémentaires en un seul parcours d'études supérieures, par exemple le droit et les langues étrangères, la physique et la musicologie, les mathématiques et l'informatique, l'histoire et le latin/grec classique, la biologie et la philosophie, les sciences politiques et le droit, etc. Tout au long des trois années d'un tel parcours d'études, les étudianst bénéficient d'un volume horaire qui est de l'ordre du double de celui des licences simples. A l'issue de ces cursus à double formation et double volume de travail, il est délivré deux licences.

Ce dernier point distingue les doubles licence d'autres formations universitaires de premier cycle avec lesquelles on les confond souvent : les bi-licences ou les licences pluridisciplinaires.

Ces dernières s'efforcent également de rapprocher deux ou plusieurs domaines de connaissance en un seul parcours, mais ne délivrent qu'un seul diplôme (au lieu de deux), et les volumes horaires globaux proposés ne sont le plus souvent guère différents de ceux des licences simples, soit deux fois moins qu'en licences doubles. En outre, sauf cas particulier, ces formations ne sont pas sélectives à l'entrée, ce qui entraîne en première année des effectifs pléthoriques subissant un déficit d'encadrement et d'accompagnement personnalisé. Enfin, les taux d'acccès au grade de licence ne sont pas du tout semblables : 80 à 95% des étudiants entrés en première année d'une licence double parviennent à franchir positivement le cap du premier cycle, alors que ce n'est le cas que pour 40% en moyenne des étudiants entrés en première année d'une bi-licence ou d'une licence pluridisciplinaire.

Mais c'est sans nul doute à l'issue des premiers cycles universitaires que se constate la plus grande différence : une large majorité des étudiants passés par une licence double parviennent à entrer dans un deuxième cycle master réputé et sélectif ou dans une grande école sur procédures d'admission directes ou parallèles, alors que ceux issus des bi-licences ou des licences pluridisciplinaires sont proportionnellement beaucoup moins nombreux dans ce cas. Quand à ceux passés par une licence simple, ils ferment la marche en affichant les taux de prolongation d'études vers des deuxièmes cycles d'excellence les plus bas. Bien plus, diverses études ayant permis d'observer le processus de passage dans la vie professionnelle des étudiants ayant suivi un programme de type licence double, puis passés en deuxième ou troisième cycle d'études universitaires ou en grande école, témoignent de l'excellence des parcours d'une forte proportion d'entre eux. Pour ceux-là, un programme double licence s'apparente à un parcours accompli en classe préparatoire aux grandes écoles.

Il en résulte que, d'année en année, un nombre croissant de bons élèves issus de l'enseignement secondaire général frappent à la porte de ces formations de premier cycle. Ils y sont d'autant plus incités que ces cursus d'études supérieures sont pour la plupart proposés par des universités de statut public, et offrent donc un superbe rapport "qualité/quasi absence de prix" puisque les droits de scolarité sont le plus souvent modestes (de l'ordre de 180 euros par an dans la plupart des cas). Contrepartie évidente : la sélection à l'entrée est de plus en plus forte, malgré la création chaque année de plusieurs nouvelles doubles licences : nombre de ces formations disposent de plus de dix candidats pour une place.

Un problème cependant, que nous nous devons de mettre en lumière : en milieu universitaire, trop peu de doubles licences débouchent sur des doubles masters. Dans la plupart des cas, les deuxièmes cycles masters ne concernent qu'un seul champ disciplinaire, alors que beucoup d'étudiants issus de cursus de type double licence souhaitent pouvoir prolonger cette double valence au niveau master. Ce n'est pas trop gênant pour les étudiants qui sont parvenus à élaborer un projet professionnel en cours de premier cycle licence double, mais très contrariant pour ceux qui souhaitent disposer d'un peu plus de temps pour y parvenir, et ont pour cela besoin que se prolonge la bi discilinarité dont ils ont bénéficié jusque-là . Pour répondre à ce besoin, une poignée d'universités ont créé ou se préparent à créer des masters doubles. Elles sont cependant encore trop rares.

Les double licences ont indéniablement contribué à améliorer l'image des universités et contribué au fait qu'un nombre croissant de bons élèves issus de l'enseignement secondaire les demandent, et y trouvent des formations de bonne qualité, procurant à celles et ceux qui parviennent à s'y faire admettre un grand potentiel de réussite dans des formations de deuxième et troisième cycles, en université ou en grande école, puis dans la vie professionnelle. Elles ont ainsi contribué à modifier en profondeur, au profit des universités, le partage des meilleurs lycéens. Cependant, de plus en plus sélectives, ces formations souffrent du fait de n'offrir pour le moment qu'un nombre de places visiblement trop limité.

Bruno MAGLIULO

Article publié sur le site : https://www.linkedin.com/pulse/le-succ%C3%A8s-des-doubles-licences-ou-quand-luniversit%C3%A9-joue-magliulo/

Dernière modification le mercredi, 27 novembre 2019
Magliulo Bruno

Inspecteur d’académie honoraire -Agrégé de sciences économiques et sociales - Docteur en sociologie de l’éducation - Formateur/conférencier -

(brunomagliulo@gmail.com)

Auteur, dans la collection L’Etudiant (diffusion par les éditions de l’Opportun : www.editionsopportun.com ) :

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