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Une personne a-t-elle contribué fortement à votre décision d’enseigner ou à votre manière de le faire ?
Pour avoir eu de nombreuses fois la discussion, beaucoup d’enseignants souhaiteraient pouvoir suivre des cours de perfectionnement professionnel (en pédagogie par exemple).
A défaut, comment pouvons-nous être les acteurs de notre propre développement professionnel et de celui de nos collègues ? Une personne a-t-elle contribué fortement à votre décision d’enseigner ou à votre manière de le faire ?
Petit témoignage et ressenti personnel…
 
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Etant élève ingénieur en 1989, je n’avais jamais vraiment songé à être enseignant avant cela.
L’école d’ingénieurs dans laquelle j’étudiais (l’ENI de Brest) possédait un « filon » pour envoyer des ingénieurs en outre-mer (Martinique, Guadeloupe et Guyane), dans le cadre de leur service militaire. Parmi les missions proposées figuraient le travail au sein d’institutions ou l’enseignement.
 
Ne me voyant pas faire le service militaire sous sa forme conventionnelle, j’ai vite saisi cette opportunité de voyager, de visiter l’outre-mer et …d’enseigner.
Ma candidature a été retenue pour travailler au lycée Frantz Fanon à Trinité en Martinique, et j’ai enseigné durant 2 années magnifiques l’électronique, la physique et les mathématiques dans un lycée ou les courant-d’airs dans les salles étaient les bienvenus !
 
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J’ai commencé à comprendre ce que signifiait « être un enseignant » en donnant des cours de mathématiques à des classes de terminales littéraires, extrêmement opposées à cette matière. En dialoguant avec les enseignants de « Maths », je n’ai pas appris grand-chose sur la manière de réussir à intéresser, le constat étant que les choses étaient ainsi à présent et que le niveau baissait d’année en année...
 
Un jour, en discutant de pédagogie avec un enseignant de philosophie, voyant ma difficulté à gérer cette classe, il me dit :
 
« tu devrais envisager de changer d’approche ».
« Oui, mais pour faire quoi ? » lui dis-je.
« réfléchis à ce qui peut les intéresser, donne du sens à tes cours de maths et surtout parles leur langage »…
 
J’avoue que cette phrase m’a trotté pendant longtemps dans la tête avant que je n’en comprenne tout le potentiel.
 
Le déclic eut lieu durant un cours avec cette « fameuse » classe de terminale littéraire. Une étudiante me posa une question avec une tournure très riche ; j’ai aimé la beauté de la phrase, même si j’avoue ne pas avoir compris la question ! J’ai compris ce jour-là que ces personnes aimaient manier « la langue, les mots ». Il leur fallait conceptualiser les savoirs par des mots et apprendre une « langue ». Il fallait donc que je me mettre à parler leur langage…
 
Le cours suivant j’ai tout simplement lancé un débat sur « qu’est-ce qu’un cours de Maths pour vous ? ». Les résultats furent étonnants ! Nous définîmes ensemble le rôle des élèves, de l’enseignant, les attentes mutuelles, le type de cours souhaité, le mode d’emploi de la classe en quelque sorte ! Elles souhaitaient notamment des exemples concrets d’application des notions mathématiques à apprendre, ne voyant pas à quoi tout cela pouvait bien servir !
 
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La préparation des cours devint plus compliquée. Je débutais chaque cours par un exemple de la vie courante avec une problématique à formaliser (exemple : j’économise combien d’argent si j’achète cet article avec 20% de réduction au lieu de 10% ?) puis à traduire en langage mathématique, en insistant bien sur le vocabulaire (les mots) et sur la matière (les mathématiques) à apprendre comme une langue :
 
« Les mathématiques c’est comme une langue, avec sa grammaire, son orthographe, ses règles de conjugaisons (pour la priorité des opérations par exemple), son vocabulaire. Si vous voulez parler cette langue, il faut pratiquer le vocabulaire, former des phrases, les conjuguer…prêt pour parler « maths » ? » leur dis-je.
 
Cette approche plut ! Je n’ai plus eu avec cette classe aucun problème de vocabulaire mathématique, les mots et concepts illustrés étaient appris et compris et les résultats excellents pour une classe littéraire, provocant l’étonnement au sein du lycée. Cette classe est même allée au-delà du programme sur certains aspects.
 
Je pense que j’ai découvert via cette expérience le coté passionnant du métier d’enseignant et comment convertir ce que certains prendraient pour un handicap (un fort penchant pour les lettres) en force (une approche littéraire des mathématique). Rien n’est figé dans le marbre et il est souvent possible de faire avancer les étudiants, même les plus en difficultés. Le plus dur est de comprendre le blocage et le mode de réflexion de la personne…et d’avoir le temps. On n’accompagne pas une classe de 20 vers la reussite comme une classe de 35.
 
Le point de départ de tout cela fut une discussion éclairée avec un de mes collègues philosophe dont les propos m’ont bien aidé. Relisez sa réponse, en peu de mots elle formalise le métier d’enseignant :
 
- « réfléchis à ce qui peut les intéresser, donne du sens à tes cours de maths et surtout parles leur langage ».
 
Sans cet échange, je ne serais peut-être pas enseignant aujourd’hui. Cela m’a poussé à échanger sans relâche avec mes collègues, à monter des équipes pédagogiques pour lancer des projets de formation innovants, à vouloir sans cesse me renouveler à travers eux et aussi par mes expériences et ressentis face à mes classes. Il ne faut donc pas hésiter à tester de nouvelles modalités pédagogiques et à les partager avec ses collègues pour un développement de pratiques.
 
De nos jours avec les outils du Web2.0, il est encore plus facile d’intégrer des réseaux d’enseignants motivés par le partage de pratiques et de ressources. Je fais moi-même partie de plusieurs dizaines de réseaux pédagogiques. Ces réseaux me permettent de faire ma veille techno-pédagogique, d’envisager de nouvelles pratiques, d’apporter mon expérience.
 
Si vous avez du mal à collaborer avec vos collègues car les équipes ne sont pas soudées, vous pouvez aussi envisager un développement personnel de vos pratiques en vous appuyant sur ces réseaux sociaux d’enseignants connectés. Ils sont souvent constitués d’ailleurs par les enseignants les plus motivés pour intégrer du changement et de la technologie dans leur enseignement, partage de passion oblige.
 
Enfin les MOOCs sont de magnifiques outils de formation continue comme ce cours « Foundations of Teaching for Learning 2 : Being a Teacher », qui me permet d’évoluer dans ma perception de l’enseignement et que je vous recommande sur COURSERA.
 
Si vous cherchez à partager votre pratique de l’enseignement, vous êtes bienvenu dans mon réseau !
 
L’internet a déjà révolutionné notre manière d’enseigner et ce n’est que le début. La révolution majeure sera une révolution sociale, celle de l’enseignant 2.0, connecté à un réseau de millier d’autres enseignants qui partagent leurs expériences et ressources, réellement, en se formant mutuellement.
 
Connectez-vous, échangez, partagez, formez ! Vous êtes à présent un enseignant 2.0.
 
Jean-François CECI
Dernière modification le mercredi, 19 novembre 2014
Céci Jean-François

Jean-François CECI est enseignant en Humanités et culture numérique à l'UPPA (Université de Pau et des Pays de l'Adour) et responsable pédagogique du DUTM (Diplôme d’Université Techniques Multimedia). Il encadre également une option « Ingénierie de l’éducation et de la formation » en licence 3 professionnelle « Métiers de la Formation des Jeunes et des Adultes ». Au sein de cette licence, il dispense un cours intitulé « enseigner à l’ère du numérique » à de futurs enseignants. Praticien-réflexif, il expérimente les pédagogies actives, l’évaluation par les pairs et l’usage efficient du numérique éducatif.

Il mène des recherches en sociologie du numérique et de l’éducation au sein du laboratoire PASSAGES. Il s’intéresse plus particulièrement à l’hyperconnexion et l’apprentissage, du collège à l’université.

Dans le milieu associatif pour la refondation de l’école, il est administrateur à l'An@e (Association nationale des acteurs de l'école), éditrice du site http://www.educavox.fr

Comme directeur du service numérique, chargé de mission TICE puis conseiller numérique, il a participé à la vision stratégique et au pilotage politique et technique de son université, en matière de numérique éducatif.

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