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Article initialement publié en CC sur Open Education Europa
À quelques jours du European Moocs Stakeholders Summit à Lausanne et suite au lancement en France de la plateforme FUN (France Université Numérique), un collectif anti-MOOC s’est déjà créé. Le jour de gloire des MOOCs est donc arrivé…
 
Alors même que 80% des enseignants et 20% des élèves français avouaient il y a quelque mois ignorer tout ou presque des MOOCs (voir l’enquête du Ministère français), le remède à l’ignorance serait donc « l’annonce d’une mort annoncée ». Circulez il n’y a (plus) rien à voir…
 
Ce collectif n’est pas le premier à mettre en question le modèle pédagogique et économique des MOOCs (voir par exemple l’article de Diana Laurillard dans Times Education ou deux articles de mon blog sur l’avenir des MOOCs et sur le désengagement des étudiants), mais c’est sans doute la première fois que la critique sombre dans la manipulation pure et simple, alignant les arguments les uns à la suite des autres : l’effondrement des profits des universités américaines privées (pour les plus prestigieuses, des entités sans but lucratif !), l’inégalité d’accès à l’internet, la pénurie budgétaire, la concentration des moyens… Matthieu Cisel y répond précisément dans son article du Huffftington Post et je ne me lancerai donc pas dans une analyse critique de tout ce « manifeste ».
 
Une phrase retient toutefois mon attention : « Ces dispositifs devraient aussi soulever quelques interrogations sur le sens du métier d’enseignant. S’ils viennent à se diffuser, il ne s’agira plus de faire un cours adapté à une classe et en lien avec l’activité de recherche, mais d’expliciter un cours préfabriqué, aux dépens des interactions entre le professeur et sa classe. Le concept de liberté pédagogique n’aura tout simplement plus de sens puisque la répétition d’un contenu imposé remplacera les tâches de conception. »
 
La réflexion sur l’innovation en éducation conduit justement à mettre en question « le cours adapté à une classe » pour revendiquer « un cours adapté à chaque élève ». Lutter contre l’échec scolaire et pouvoir valoriser les compétences des jeunes supposent une personnalisation des parcours d’enseignement. C’est dans ce domaine que les MOOCs représentent une avancée car ils permettent de penser autrement la relation élève-enseignant. Ce n’est donc pas aux dépens des interactions entre le professeur et sa classe que s’exerce l’innovation mais bien en les renforçant. On lira avec intérêt le brillant article de Frank Damour en septembre 2013 par la Revue Etudes, Comment Internet m’a ré-appris pourquoi j’enseigne etsa recension.
 
En lisant entre les lignes du manifeste de ce collectif « anti-MOOC » on découvre cette peur de l’innovation qui paralyse toute initiative.
 
L’école Normale Supérieure ne fait pas que proposer « trois nouveaux cours en mathématiques, physique et philosophie enregistrés et mis en ligne sur la plateforme privée américaine Coursera ». Elle lance de concert avec les plus grandes universités francophones une plateforme expérimentale destinée à stimuler les « Formations en Ligne Ouvertes à Tous ». Ce projet OCEAN doit permettre de mieux comprendre les conditions de création de ces formations en ligne et de stimuler une offre en français. Si l’on comprend bien les auteurs du Manifeste, « oser » pour une grande école ou une université ne serait pas recevable ; entreprendre serait se faire le complice d’une démarche neo-libérale. Or les MOOCs ont réalisé une prouesse : convertir l’innovation en éducation en un « trendy topic » au point de se transformer en une « marque d’innovation ». Félicitons donc Normale Sup !
 
Plutôt que de condamner sur des motifs idéologiques une démarche innovante, il faudrait sans doute mieux s’interroger avec le chercheur canadien, Tony Bates, sur la nécessité d’intégrer dans la conception des MOOCs non seulement les acquis de 25 ans de recherche sur l’apprentissage en ligne mais aussi tout ce que les chercheurs en pédagogie nous ont transmis sur l’apprentissage en général. C’est le vrai sens de l’innovation en éducation : construire sur la base des acquis mais en aucun cas reculer !
Dernière modification le jeudi, 04 septembre 2014
An@é

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