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Mercredi 22 mars, l’UNSA-Education publiait sa grande enquête annuelle qui témoigne une fois de plus d’un profond malaise chez les enseignants. Ils sont de moins en moins nombreux à trouver du sens aux missions qui leur sont confiées.

Alors que près d’un quart des postes ne sont pas pourvus aux concours de l’enseignement, il est temps de réagir ! Les grandes réformes n’auront aucun impact si nous ne sommes pas capables de répondre à la crise des vocations éducatives et au malaise des enseignants. Oui, l’un des enjeux majeurs de la prochaine décennie est d’attirer, de former et de fidéliser les meilleurs talents au service de l’éducation.

Mercredi 22 mars, l’UNSA-Education publiait sa grande enquête annuelle qui témoigne une fois de plus d’un profond malaise chez les enseignants. Certes, parmi ceux qui ont répondu à l’enquête, près de 78% des enseignants affirment aimer leur métier. Mais ils sont de moins en moins nombreux à trouver du sens aux missions qui leur sont confiées. C’est le cas de 74% des professeurs en primaire et de seulement 65% au collège et au lycée. Et chiffre alarmant : seul un enseignant sur quatre conseillerait son métier à un jeune !

Alors que près d’un quart des postes ne sont pas pourvus aux concours de l’enseignement, il est temps de réagir ! Les grandes réformes n’auront aucun impact si nous ne sommes pas capables de répondre à la crise des vocations éducatives et au malaise des enseignants. Oui, l’un des enjeux majeurs de la prochaine décennie est d’attirer, de former et de fidéliser les meilleurs talents au service de l’éducation.

Priorité au sens !

Nous ne pourrons pas répondre durablement à ces défis de recrutement et de fidélisation des talents si nous sommes incapables de dire précisément ce que nous attendons de l’éducation au XXIème siècle et donc ce que nous attendons des enseignants et des éducateurs. Eduquer, oui. Mais à quoi ? Et surtout, pour quoi ?

Au cours des dernières décennies, la figure de l’enseignant, et plus généralement de l’éducateur, a été vivement remise en cause par de nombreux travaux sociologiques et philosophiques. Feu sur le « hussard noir », animé par une « vocation » (comme un décalque de la figure du « prêtre »), sorte de missionnaire laïc, dispensateur de savoirs, et promoteur de l’ascension sociale, à qui l’on vouait respect et gratitude !

Certains considèrent ainsi que l’éducation est de facto une relation de pouvoir, de domination, voire de dressage… et donc que l’éducateur est un dominant exerçant une violence symbolique sur le jeune. D’autres, constatant les inégalités sociales à l’école, font de l’enseignant un complice - volontaire ou non -  d’une domination culturelle produite par l’école pour justifier et reproduire des injustices. D’autres encore, insistant sur la capacité des enfants à découvrir par eux-mêmes des savoirs et des compétences (notamment via le numérique) invitent l’enseignant à devenir " animateur " en mettant au second plan la transmission d’un savoir académique dont la passion a pourtant conduit beaucoup d’entre eux à choisir ces métiers. S’il y a évidemment des enseignements à tirer des apports de ces travaux sociologiques et philosophiques, force est de constater qu’ils ont contribué à dévaloriser les fonctions éducatives dans notre société.

Plus globalement, les métiers de l’éducation souffrent d’un malentendu. Puisque de nombreuses personnes sont censées exercer des responsabilités éducatives – notamment comme parents – on finit par en déduire, à tort, que ce métier n’en serait pas vraiment un et que « tout le monde peut le faire ».

Quant aux professionnels, ils sont parfois pris dans les contradictions des vieux débats sur la séparation entre  instruction et éducation, alors que l’une et l’autre – bien que distinctes - sont inexorablement liées.

On peut relever un paradoxe majeur. Avant 1932, on parlait en France du ministère de l’Instruction Publique. Il était pourtant évident pour les enseignants qu’ils étaient beaucoup plus que des " instructeurs ". Mais alors que le ministère a officiellement revendiqué la dimension éducative de l’école, beaucoup d’enseignants se disent aujourd’hui mal à l’aise pour l’incarner.

Face à ces questionnements, il est urgent de clarifier le rôle et le sens du métier de professeur, en clarifiant au préalable les finalités des politiques éducatives.

Le défi des ressources humaines et de la reconnaissance

A partir de là, on pourra alors remettre à plat la « gestion inhumaine des ressources » de l’Education nationale.

C’est une souffrance pour beaucoup d’enseignants, d’être traités comme des pions, sans qu’on tienne compte de leurs aspirations et de leurs compétences. Le changement de management apparaît comme la priorité pour 52% des professionnels interrogés par l’UNSA-Education.

Saurons-nous sortir de la gestion de masse pour proposer à chaque enseignant des formations et des évolutions de carrière qui permettent à la fois de répondre mieux à leurs aspirations et aux besoins des jeunes ? Cela passe par davantage de responsabilité en matière de recrutement et d’évaluation au sein des établissements.

La question de la reconnaissance est également cruciale. Sur le plan symbolique : cessons les critiques récurrentes et redisons plus souvent aux équipes enseignantes ce que nous leur devons.  Sur le plan monétaire : si l’on peut regretter que l’argent soit devenu l’« étalon » de reconnaissance aux yeux de beaucoup, il faut regarder la réalité en face. 82,5% des enseignants sondés par l’UNSA-Education jugent que leur rémunération n’est pas « à la hauteur de leur qualification » (baromètre 2017). Il faut sortir du compromis salarial actuel qui ne satisfait plus personne : ayons le courage de revoir l’organisation du travail des enseignants – pour mieux intégrer leurs missions, hors heures d’enseignement -  en échange de meilleures rémunérations !

Pour sortir du flou : vers des Etats Généraux de l’Education ?

Ces différents sujets pourraient être abordés dans le cadre des Etats Généraux de l’Education que VERS LE HAUT et 23 organismes[1] demandent aux candidats à la présidentielle de lancer en début de prochain quinquennat.  

Sur le modèle du Grenelle de l’Environnement, les Etats Généraux de l’Education permettront de définir la feuille de route des réformes éducatives à entreprendre pour la prochaine décennie, en associant tous les acteurs : Etat, collectivités locales, associations de parents et familles, mouvements de jeunesse et d’éducation, acteurs associatifs, syndicats lycéens ou de salariés, entreprises… Il s’agira de redire aux éducateurs et aux enseignants la reconnaissance de la Nation, ce que nous attendons d’eux et plus largement d’acter ensemble une transformation de la gouvernance de notre système éducatif.


[1] Apprentis d'Auteuil, L’Armée du Salut, Associations familiales catholiques, Associations familiales protestantes, Bayard, Cercle Ecole et Société, Coexister, Comité Mondial pour les Apprentissages tout au long de la vie, Collège des Bernardins, Enquête, Entreprendre pour Apprendre, Fédération nationale des Ecoles de production, Fondation Entreprise Réussite Scolaire, Fondation Potentiels et Talents, Institut Télémaque, Parents Professeurs Ensemble, Printemps de l'éducation, Scouts musulmans de France, Secours Catholique, SOS Village d'Enfants, Sport dans la Ville, Union Nationale des Associations Familiales (UNAF), UNCLLAJ (Union Nationale des Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes).

Dernière modification le vendredi, 24 mars 2017
Vers le haut

VERS LE HAUT est un think tank dédié aux jeunes, aux familles et à l'éducation. Lancé en 2015, hors du champ partisan, il contribue au débat public à travers des propositions en impliquant des acteurs de terrain, des jeunes, des familles, des experts et des membres de la société civile. http://www.verslehaut.org/