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Article initialement publié le 20 juin 2013 sur Infobourg.
 
C’est avec cette question accrocheuse que le professeur Thierry Karsenti a introduit la présentation des principaux résultats d’une étude visant à identifier les avantages et les défis de l’outil, de plus en plus populaire dans les écoles du Québec et du monde entier. Compte-rendu.
Thierry Karsenti était enseignant au secondaire avant d’être reconnu pour son implication dans la recherche, notamment depuis qu’il est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les TIC en éducation.
 
À l’occasion du tout premier Sommet sur le iPad en éducation, tenu le 1er mai dernier à Montréal, il a présenté les principaux résultats d’une étude visant à mieux cerner les avantages et défis de l’utilisation de l’outil en contexte scolaire. Dès le début de sa présentation, il a tenu à expliquer pourquoi on avait choisi d’étudier le iPad : il y en aurait déjà plus de 6000 dans les écoles du Québec, soit plus que toute autre marque de tablettes mobiles.
 
Il a exprimé dès le départ sa préoccupation : « Le iPad est-il une planche de salut ou un outil marketing ? » Il a rappelé que le taux de décrochage au Québec est le plus élevé du pays. Dans certaines écoles de Montréal, 9 élèves sur 10 ne termineront pas leur secondaire. Sachant cela, il considère qu’il ne faut pas surtout reprocher aux écoles d’innover, mais il trouve important de le faire de façon réfléchie.
 
Pour cette étude, son équipe et lui ont ciblé différentes écoles vivant des « projets iPad », allant du chariot passé de classe en classe au déploiement de type « 1 élève, 1 iPad ». Il leur est même arrivé de suivre un milieu où les enseignants ont reçu leur iPad en même temps que les élèves. « Ouf », s’est-il exclamé, en référence à la joyeuse confusion que cela a dû provoquer !
 
L’équipe a aussi voulu faire une recension des études déjà existantes, mais elles sont peu nombreuses, puisque le produit est relativement nouveau. « On a trouvé des preuves d’avantages en lecture : l’expérience est plus intéressante. Quand ça peut l’être, pourquoi pas ? »
 
Il a poursuivi : « En mathématiques, lors de nos focus groups, plusieurs enseignants disaient qu’on ne peut rien faire avec le iPad. De l’autre côté, les élèves ne comprenaient pas pourquoi ils devaient acheter une calculatrice en plus, ou même un dictionnaire, puisqu’ils pourraient les avoir directement sur la tablette. Il faut dire que la calculatrice du iPad ne convenait pas à leur enseignant ! »
 
Des 6057 élèves participants à l’étude, on compte autant de garçons que de filles. De leur côté, les 302 enseignants avaient différents niveaux d’expérience en technologie et représentaient de nombreux domaines.
 
Avant de commencer, le niveau d’expérience des participants avec la tablette s’exprimait ainsi :

 
Du côté des élèves :
 
- 53,5 % n’avaient aucune expérience,
- 30,9 % l’avaient déjà manipulé à quelques reprises,
- et 15,5 % l’utilisaient très souvent.
 
Ils n’étaient donc pas nécessairement tous compétents.
 

Du côté des enseignants :
 
- 70,2 % ont répondu "Non à Très rarement" quant à leur utilisation,
- 14,5 % rarement,
- et seulement 15,2 % ont dit en faire une utilisation régulière.
 
Au terme de l’étude, l’équipe a demandé aux participants ce qu’ils faisaient avec la tablette.
 
À l’école :
 

- Travaux scolaires : 28 % du temps

- Recherche Internet : 14,6 % du temps

- Utiliser des jeux 12,7 % du temps.
 
Thierry Karsenti a ici attiré l’attention des gens présents au Sommet sur le iPad en éducation. « Presque 13 % du temps de classe est consacré à jouer à des jeux. On dit aux jeunes « tu peux jouer quand tu as fini ». »
 
À la maison :
 

Les jeunes confessent que moins de 25 % des usages sont consacrés à l’école. Ils préfèrent Facebook, la messagerie, les jeux, la photo, la vidéo, la recherche sur Internet…
 
Malgré cela, l’équipe de chercheurs a trouvé que certains enseignants arrivent réellement à faire apprendre avec le iPad, mais pas tous.
 
Douze avantages et quelques bons défis à l’utilisation du iPad à l’école ont été identifiés par le professeur Thierry Karsenti et son équipe dans le cadre d’une vaste étude sur le sujet.
 
Le contexte de l’étude du professeur Karsenti et son équipe se composait d’enseignants et d’élèves ayant d’importantes différences d’habiletés en technologie. Au terme de l’étude, 12 avantages à l’utilisation du iPad en contexte scolaire ont été identifiés :
 
1. La portabilité (encore faut-il l’exploiter !)
 
2. L’accès à l’information est facilité – Internet, Google Earth, etc.
 
3. Il favorise l’accès aux manuels scolaires. « Idéalement, ces derniers ne sont pas en ligne, ils sont téléchargeables, donc disponibles en toutes conditions. »
 
4. La motivation : « C’est comme Noël pour les élèves ! », explique-t-il à la blague.
 
5. La facilité à annoter des documents. « Avant, il était interdit d’écrire dans les manuels… maintenant, on l’encourage. »
 
6. La facilité à organiser son travail.
 
7. La qualité des présentations et travaux réalisés « Les élèves eux mêmes le disent : c’est plus joli, on peut placer des images facilement, ils se trouvent meilleurs ! »
 
8. La collaboration (grâce aux nombreuses applications de type « 2.0 »)
 
9. La créativité qu’il permet.
 
10. La variété des ressources accessibles (Il cite en exemple l’application permettant la dissection virtuelle d’une grenouille !)
 
11. La possibilité pour l’élève d’aller à son rythme
 
12 L’économie de papier réalisée (considérable, dans certains milieux.)
 
Il souligne enfin qu’en plus, la tablette mobile contribue au développement des compétences informatiques chez les élèves (« Ils apprennent à être meilleurs, pas juste à jouer. »)
 
Comme la recherche visait aussi à identifier les défis, voici les principaux.

 
- Apprendre tout en étant distrait ? Est-ce possible ?

- Gestion de classe : « Parfois, ils n’écoutent pas, ils font autre chose. Avec le iPad, les jeunes ne parlent plus entre eux, mais sont concentrés sur leur appareil ! Devrait-on bloquer Facebook ? Inutile, en 8 minutes ils trouvent un contournement et se le partagent. »

- Planification pédagogique : « Ça prend du temps, des idées. Doit-on faire la course aux applications ? Non !! Il ne faut pas espérer trouver une application pour tout, car ce n’est pas le cas. Aussi, parfois, les élèves apprécient les moments sans iPad. »

- Gestion des travaux des élèves : Elle peut devenir complexe, surtout si l’enseignant n’est pas particulièrement à l’aise.

- Méconnaissance des ressources : Il revient sur l’exemple d’enseignants de mathématiques qui croient qu’on ne peut rien faire avec le iPad dans leur matière.

- Apprentissage de l’écriture : seulement 15 % des participants disent faire régulièrement des productions écrites à l’aide de l’outil.
 
Parmi les recommandations formulées par les enseignants, on retrouve notamment des souhaits liés à l’augmentation du temps de formation et d’appropriation, ainsi qu’à l’établissement de politiques d’utilisation, d’investissement financier et de création d’une communauté de pratique.
 
Thierry Karsenti trouve très positif qu’après seulement 1 an, 50 % des enseignants sont en faveur de la poursuite de l’intégration du iPad dans leur classe. Du côté des élèves, trois mots sont revenus pour décrire leur sentiment : « cool » à 56,7 %, « utile » à 30,6 %, et « inutile » à 12,8 %.
 
Pour le professeur Karsenti, la liste des avantages liés à l’utilisation du iPad en classe dépasse les défis. Le défi majeur, selon lui, est le facteur de distraction. Il cite cependant une enseignante dont les élèves étaient toujours sur Facebook ou iMessage (l’application de messagerie instantanée). Au lieu de se décourager, elle a commencé à circuler plus régulièrement parmi les élèves et s’est rendue compte qu’il y avait un grand potentiel d’apprentissage et de collaboration dans ces outils. Cela lui a donné le goût de changer sa façon traditionnelle d’enseigner pour les intégrer.
 
Alors, en conclusion, l’organisateur de l’événement a établi que le milieu scolaire a deux choix concernant l’innovation : ignorer les problèmes ou faire face aux défis rencontrés, tout en ne perdant jamais de vue la mission de l’école.
 
Thierry Karsenti en a aussi profité pour inviter les gens intéressés à surveiller la prochaine édition duSommet, prévue le 1er mai 2014.
 
Il est possible de revoir la présentation complète en format vidéo :

 

 

Miller Audrey

Sur Twitter : @millaudrey
Audrey est rédactrice en chef de L'École branchée. Elle s'implique dans l'organisation d'EdCamp Québec et du Rendez-vous des écoles francophones en réseau (REFER), ainsi qu'au sein du conseil d'administration de l'AQUOPS. En dehors de cela, elle est consultante en communication et formatrice en technologie éducative.