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Dans un monde où « La connectivité est devenue notre réalité », où les constats en terme statistique donnent des perceptions globales, catégorisent et  nient les singularités, dans les architectures closes des lieux de pouvoir, de culture et d’éducation, dans des perspectives alarmistes d’une planète qui épuise chaque jour son capital et stigmatise des populations ou des " catégories ", quels sont les repères pour l’éducation ?

Hubert Guillaud a publié récemment un article sur l’ouvrage de l'artiste et essayiste James Bridle (@jamesbridle) qui s’intéresse depuis longtemps aux dysfonctionnements de notre monde moderne. Il démontre " combien la complexité technique que nous avons construite s’entremêle pour produire des effets en réseau, complexes, profonds, intriqués,  que nous ne parvenons plus vraiment à démêler ".

Nous évoluons dans un univers qui possède ses propres dimensions d’espace et de temps. " La connectivité est devenue notre réalité "

Pour Bridle, la technologie n’est pas la solution à ces défis, elle est devenue le problème. Il nous faut la comprendre plus que jamais, dans sa complexité, ses interconnexions et ses interactions : mais cette compréhension fonctionnelle ne suffit pas, il faut en saisir le contexte, les conséquences, les limites, le langage et le métalangage.

Trop souvent, on nous propose de résoudre ce manque de compréhension de la technologie par un peu plus d’éducation ou son corollaire, par la formation d’un peu plus de programmeurs. Mais ces deux solutions se limitent bien souvent en une compréhension procédurale des systèmes.

Et cette compréhension procédurale vise surtout à renforcer la « pensée computationnelle », c’est-à-dire la pensée des ingénieurs et des informaticiens qui n’est rien d’autre que le métalangage du solutionnisme technologique : " la croyance que tout problème donné peut-être résolu par l’application de solutions de calcul ".

Or la pensée des ingénieurs, la pensée informatique, intègre plus que toute autre le solutionnisme : elle ne parvient pas à voir le monde autrement qu’en terme computationnel. Dans ce mode de pensée, le monde est un système qu’il faut décoder… Et c’est là notre erreur de perspective principale, estime James Bridle.

Toutes nos activités sont " de plus en plus gouvernées par une logique algorithmique et policées par des processus informatiques opaques et cachés ". Cette emphase de production physique et culturelle du monde par l’informatique masque les inégalités de pouvoir qu’elles induisent, reproduisent et amplifient.

La pensée computationnelle s’infiltre partout : elle devient notre culture.

Elle nous conditionne à la fois parce qu’elle nous est illisible et à la fois parce que nous la percevons comme neutre émotionnellement et politiquement. Les réponses automatisées nous semblent plus dignes de confiance que celles qui ne le sont pas…

A lire l’article d’Hubert Guillaud initialement publié sur InternetActu :

Technologie, l’âge sombre : https://www.educavox.fr/alaune/technologie-l-age-sombre

Comment les écoles et les organisations vont former à ce monde qui vient ?

De nouvelles manières d’enseigner, oui mais comment ?

" Concevoir de nouvelles manières d’enseigner, c’est un impératif si l’on veut aider les étudiants à appréhender les bouleversements induits par les évolutions sociétales et technologiques, et leur apprendre à s’adapter à un monde qui évolue très vite ".

" Qu’elle soit une rupture par rapport aux pratiques individuelles ou locales, ou qu’elle rompe totalement avec les traditions de l’enseignement supérieur, l’innovation pédagogique doit faire face à toute une série d’écueils ".

Emmanuelle Villiot-Leclercq, Enseignant-Chercheur en Education et pratiques pédagogiques de l'enseignement supérieur, Grenoble École de Management (GEM) et de Lionel Strub Enseignant-chercheur - Chaire Mindfulness, bien-être au travail et Paix économique, Grenoble École de Management (GEM) dans cet article publié dans The Conversation et repris sur Educavox formulent des propositions qui ne peuvent porter leurs fruits que dans « une dynamique collective » :

Des difficultés et des moyens d’innover en pédagogie

https://www.educavox.fr/innovation/pedagogie/des-difficultes-et-des-moyens-d-innover-en-pedagogie

L'information et l'accès aux écrans

Hubert Guillaud cite encore Bridle : " Sur YouTube, ni les algorithmes ni l’audience ne se préoccupent du sens. Tout l’enjeu de la recommandation est de vous montrer le plus de vidéos possibles et de préférence celles qui devraient le plus vous plaire – parce qu’elles ont plu au plus grand nombre.

Le problème de cette recommandation automatisée est de fonctionner sur des rapprochements sans signification. Les contenus de confiance, comme ceux produits par des marques ou chaînes officielles, conduisent, via les recommandations automatiques, à des contenus similaires, mais qui ne leur ressemble en rien. C’est le même processus qui est à l’oeuvre sur FB ou Google : le contenu est rapproché de contenus similaires ou proches, mais cette proximité n’est pas de sens, mais est faite de mots clés, d’audiences… Les contenus inappropriés se mêlent ainsi à tous les autres".

C'est à cela aussi que sont exposés les jeunes...Hors de l'école...

Formations et mise en oeuvre

La formation aujourd’hui n’a pas encore trouvé l’équilibre entre les formations à distance ou présentielles, ne réussit pas vraiment à articuler les questions transversales avec les domaines disciplinaires. Elle se trouve confrontée aux contraintes de territorialité, d’espaces et de temps pour une compréhension et une appropriation des enjeux et des mises en œuvre de nouvelles pratiques.

Alain Jeannel souligne : " Une construction collaborative de mise en commun de textes sur la vie scolaire dans un réseau d’information horizontale ne peut suffire ".

Le réseau d’informations horizontal n’est qu’écriture et échange formel sur l’application des textes officiels. Il y a nécessité de poursuivre la confrontation des expériences, des points de vue  des praticiennes et  des praticiens. Qu’ils soient structurés en  grand groupe, moyen groupe ou petit groupe, en présentiel ou à distance, les échanges et leur diversité irriguent les projets motivés par la volonté de se renouveler sans cesse pour répondre de mieux en mieux aux besoins qui se créent et aux questionnements qui se font jour,  avec la nécessité d’avoir un coup d’avance sur les évolutions que l’on pressent.

Et il n’est pas aisé d’innover ! A lire cet article empreint d’humour publié par Jennifer Elbaz :

Innovation, innovation... est-ce que j'ai une tête à innover ?

https://www.educavox.fr/accueil/reportages/innovation-innovation-est-ce-que-j-ai-une-tete-a-innover

Le bruissement des réseaux et le foisonnement des initiatives

On ne peut cependant, malgré ce focus sur les interrogations et les aspects inquiétants de notre avenir ne pas rester optimiste ! Particulièrement lorsqu’on est acteur dans la sphère éducative, sinon ce serait lier le sort des enfants à un déterminisme sombre. Tout l’espace social résonne d’expériences, d’initiatives multiples, de recherches de solutions.

"Nous n’avons jamais autant parlé de coopération, collaboration, de faire. Ce changement va jusque dans la manière de penser l’espace comme les espaces.

Le numérique est un territoire où l’on habite, où l’on échange, où on produit du moi, de l’identité. Il invente de nouveaux espaces, les hackerspaces, infuse la ruralité dans les espaces de coworkings et peut même réinventer les communautés dans les Tiers-lieux. L’outil numérique est devenu producteur culturel."

C’est ce que souligne Nicolas Le Luherne dans cet article où il livre également des doutes, et pose des questions qui se posent à tout éducateur aujourd’hui: " Le discernement, l’esprit critique sont des compétences indispensables aux citoyens de demain comme à ceux d’aujourd’hui. Il y a un autre aspect dont on parle peu : la responsabilité sociale ".

Pédagogie et Numérique : un peu de design fiction

https://educavox.fr/innovation/pedagogie/pedagogie-et-numerique-un-peu-de-design-fiction

Collectivités, ministères, associations, mode économique, lieux de médiation, chacun réinvente des codes.

L’univers culturel nous éclaire. Arrêtons-nous par exemple sur les regards des artistes… Du 22/9 au 30/12 Exposition PANORAMA 20 : Le rendez-vous annuel de la création du Fresnoy à Roubaix

Il suffit de parcourir l’agenda (non exhaustif) des manifestations pour comprendre que tous les acteurs de la société réinventent leurs conceptions Agenda ou les brèves

Peut-être faudra t-il croiser tous ces mondes parallèles…En attendant, si les fondamentaux restent inchangés, – lire, écrire, compter, respecter autrui-  ces outils cognitifs indispensables ne peuvent se construire qu'avec quelques repères sur un monde qui lui,  est totalement différent !

Michelle Laurissergues

Dernière modification le dimanche, 16 septembre 2018
Laurissergues Michelle

Présidente et fondatrice de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.