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Publié par Yann Leroux sur son blog

Yann Leroux : Le premier effet des images violentes sur les enfants est le choc. L’enfant est submergé par des émotions qui dépassent ses capacités actuelles. Parfois il n’arrive pas à identifier le malaise dans lequel il se trouve. D’autres enfants sont pris par un kaleidoscope d’émotions, d’images et de pensée qui les plonge dans le chaos. Il s’agit donc d’une expérience traumatique qui ébranle profondément l’enfant.

Trois raisons de l’effet traumatique des images violentes

 
Les images violentes sont traumatiques pour plusieurs raisons. La première est tout simplement une question de quantité. Les images, et les histoires qu’elles traduisent, sont trop fortes pour l’enfant. Elle dépassent trop largement ses capacités de symbolisation.
 
Les images violentes sont traumatiques parce qu’elles sont faites pour les adultes. Il y a beaucoup de situations violentes dans les contes de fées et les mythes. Mais ces situations ne font pas violence à l’enfant car elles lui donnent des représentations de ses craintes : la peur d’être abandonné, dévoré, de perdre l’affection des siens, d’être surclassé sans aide… font partie du quotidien des enfants. Les images violentes sont des traduction directes d’angoisses qui peuvent être comprises et transformées par des adultes. Pour des enfants, elle réalisent une confusion des langues, c’est-à-dire l’imposition par des adultes d’un langage inélaborable pour lui
 
Enfin, les images violentes sont traumatiques pour l’enfant parce qu’elles mettent à mal sa capacité à s’illusionner. Les enfants ont besoin de passer par une phase d’illusion dans laquelle ils vivent un sentiment d’omnipotence en toute sécurité. Dans ces moments, ils vivent une expérience de controle de l’environnement. Ces expériences sont décisives dans le développement de l’enfant, car elles conditionnent à la mise en place de la possibilité du jeu
 

Les solutions au traumatisme des images violentes

 
Les enfants ont à leur disposition plusieurs solutions pour traiter le problème posé par les images violentes.
 
La première est l’identification à l’agresseur. L’enfant fait subir à un autre ce qu’il a vu à l’écran. Il peut s’agir d’un compagnon de jeu, d’une poupée, d’un animal ou d’un parent.Cette identification à l’agresseur cache souvent une contre-identification secrète à l’agressé. 
 
La seconde issue aux images violentes est l’identification à l’agressé. L’enfant trouve dans cette identification une légitimation à ses fantasmes dépressifs et à son masochisme. Dans cette identification, s’il est battu ou puni, c’est d’abord parce qu’il l’a mérité. En d’autres termes, son monde interne colore ses perceptions.
 
La troisième issue est l’identification héroïque. L’enfant s’imagine en héros venant au secours des victimes. Il fait en lui une place pour le Héros, pour celui qui se dresse contre les injustices et qui met la violence au service d’un idéal.
 
La quatrième issue est l’identification au spectateur. L’enfant éloigne les émotions violentes et contrastées suscitées par les images violentes. Il utilise sa pensée pour envelopper l’image et en faire un objet esthétique. Il isole méticuleusement la perception des images et les émotions. Par exemple, il va prêter beaucoup d’attention à la manière dont les images sont construites, il va commenter les effets spéciaux. S’il ne critique pas les images, il va les esthétiser en s’émerveillant de leur rendu. Dans les deux cas, le but est le même : traiter l’impact émotionnel des images comme “non-arrivé”
 
Reprenons les choses autrement. Face à des images qui lui font violence parce qu’elle dépassent ses capacités de compréhension ou d’intégration, l’enfant ressent l’urgence de transformer la perception de ces images.
 
Pour ce faire, il peut être amené a traiter la perception traumatique en la traduisant en actes, en émotions, ou en paroles. Dans le premier cas, l’enfant s’agite, ou refait dans un jeu les images qu’il vient de voir.
 
Dans le second cas, l’enfant fabrique des images avec lesquelles il va tenter de trouver une solution aux problèmes que lui ont posé les images violentes. Ces images peuvent prendre la forme des cauchemars. L’enfant peut également utiliser des rêveries éveillées pendant lesquelles il repense aux images violentes. Enfant, dans le troisième cas, l’enfant parle à un proche des images qui lui font problème.
 
En fonction de sa personnalité, et des habitudes familiales, il va tenter de traduire dans un autre système ce qui fait pour lui problème. Il s’agit d’un travail de symbolisation qui se fait selon l’une des trois modalités de symbolisation définies par Serge Tisseron : la symbolisation sensori-motrice, émotionnelle et imagée et verbale.
 
Il est bien évidement souhaitable de ne pas exposer les enfants à des images qui leur font violence. Mais lorsque cela arrive, il ne faut pas perturber le travail de symbolisation de l’enfant mais l’accompagner. Trop souvent, les parents prennent l’excitation des enfants pour un problème alors qu’il est en train de chercher une solution. Ainsi, lorsqu’un enfant s’agite devant un poste de télévision ou un jeu vidéo, devient soudainement silencieux, ou ne cesse de parler, il vaut mieux éviter d’obtenir une quelconque discipline mais prendre le temps avec lui d’explorer ce qui lui pose problème et l’aider à le résoudre.
 
Article initialement publié sur le blog :

Dernière modification le mercredi, 12 décembre 2018
An@é

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