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En faisant le choix d’intégrer dans ma classe de CP le robot Nao prêté par Canopé Versailles pour une période d’un mois j’avais alors une vague vision de ses possibilités pédagogiques. Comme toute situation expérimentale, la prise de risque est importante et suppose une phase d’investigation personnelle, de réflexivité et de recherche.
Le choix Pédagogique :

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Alors Nao une simple tablette sur pattes ? Non de manière affirmative, beaucoup plus et il a fallu peu de temps pour mesurer la place affective que cet objet pouvait prendre pour certains enfants de ma classe : un aspect qu’il fallait anticiper pour penser la fonction que j’allais donner à ce nouvel outil.
 
 Dans une classe déjà hautement connecté avec tablettes, PC et TNI les choix pédagogiques à cibler étaient primordiaux. Mon expertise en tant que pédagogue restait avant tout mobilisée par une seule grande question : Comment cet outil pouvait apporter une plus value à mon travail d’enseignante ?
Cette interrogation centrale a guidé mes choix et conduit à optimiser la présence de cet outil durant les quatre semaines de prêt car jusqu’au dernier jour, Nao était programmé dans mon cahier journal de classe. Une manière de répondre à la demande des enfants qui se sont vite habitués à cet atelier supplémentaire mesurant la chance qu’ils avaient de pouvoir interagir avec un robot et de travailler autrement.
 
En tant que pédagogue, j’avais conscience qu’il me fallait démystifier de leur imaginaire le robot vivant des dessins animés. Une première étape pas évidente même avec des élèves de 7ans. Ils devaient comprendre et accepter que Nao aussi fluide et interactif qu’il pouvait l’être lorsqu’il était bien programmé, n’était qu’une machine qui répondait à des commandes qu’on lui donnait via un logiciel de programmation.

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Première désillusion terrible chez certains qui malgré de longues explications techniques souhaitaient encore que Nao puisse les accompagner à la sortie de classe.
Les démonstrations collectives de l’outil de programmation ont permis alors aux élèves d’appréhender cet aspect du robot. Le logiciel « chorégraphe » se présente avec des boîtes de codage déjà disponibles qui renvoient chacune à des actions précises et que l’on associe entre elles pour programmer une suite d’action ou de dialogue ; ce travail rendu visible via le TNI a facilité la mise en pratique des propositions faites par les enfants. Les exemples présentés ont aidé à mieux comprendre le fonctionnement de la machine.
 
Mais à part cette démonstration de début de période je n’ai pas fait le choix de poursuivre sur le codage du programme avec mes élèves de CP ; Le logiciel en anglais facilement accessible à des adultes pouvait devenir plus long et contraignant à faire partager à toute une classe de CP en 4 semaines.
C’est pourquoi, j’ai entrepris d’intégrer Nao comme un outil de travail collectif. Cela a supposé de concevoir en amont un important travail de scénarisation pédagogique.
 
Les conditions d’enseignement :
Mon principal point d’appui dans le dispositif choisi pour intégrer cet outil a reposé sur les habitudes de travail installées tout au long de l’année. Les groupes bien structurés, l’organisation par atelier, l’autonomie et l’implication des élèves dans les différentes activités étaient le cadre idéal pour envisager une nouvelle situation pédagogique avec Nao. Le robot est ainsi venu tout naturellement compléter notre panoplie technologique.
 
L’espace de travail avec Nao s’est construit simplement et le beau volume de ma classe a été un paramètre non négligeable à son installation physique.
 
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En effet, chaque matin Nao devait répondre à des objectifs d’apprentissage différents en fonction de la progression que j’avais construit. Ce travail de programmation, de l’outil qu’il a fallut apprendre, a été nourri par la précieuse aide technique apportée par toute l’équipe de Canopé Versailles.
 
Le dispositif privilégié :
Restant fidèle à la raison principale qui m’a conduite à introduire les technologies dans mon enseignement, mon choix a été conditionné par une contrainte majeure auquel devait répondre Nao : à savoir permettre aux élèves une fois sensibilisés à l’outil de travailler seuls et en toute efficacité ; ce qui me permettait de différencier et de me rendre disponible auprès d’un groupe à besoin.
 
Cette contrainte est un gage de rentabilité qui pouvait me conduire à penser que l’outil avait sa place dans la classe.
 
Ainsi, j’ai installé Nao au centre d‘un groupe de tables entouré de 7 élèves avec un enfant responsable de l’atelier qui prenait la place de l’élève maitre pour dérouler en interaction avec le robot la séance programmée. Le robot lançait et poursuivait le programme en fonction des interactions qu’il recevait de l’élève maitre. Il pouvait le faire en appuyant sur certaines parties du corps du robot ou en répondant par oui ou non ; Celui-ci devait aussi contrôler et vérifier que tous ses camarades étaient prêts avant de poursuivre. Un petit groupe en autonomie, un élève maitre qui interagit pour dérouler le scénario pédagogique : cet ensemble responsabilisait chaque élève devant le travail proposé. Le regard entre pairs suffisait à réguler le fonctionnement du groupe ; j’étais ainsi disponible pour m’occuper d’un autre atelier.
 
Les séquences pédagogiques scénarisées :
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Chaque séance avait une durée de 15 à 20 minutes en moyenne ; un temps suffisant 
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-Une histoire lue par Nao suivie de questions de lecture avec correction. Les élèves complétaient une grille à choix multiples en trouvant seuls la réponse à la question posée par Nao.pour rendre l’atelier efficace : parmi les objectifs envisagés sur la période j’avais ciblé :
-Des dictées de mots avec la correction : Nao proposait un mot, le petit maitre pouvait relancer la consigne en cas de doute et la correction était proposée par le robot qui épelait l’écriture de chaque mot.
-Du calcul mental exactement comme je pouvais le proposer mais avec une validation entre paires et une correction par le robot

Une chasse au trésor pour consolider le tableau à double entrée. Chaque élève partait avec une somme de 5 pièces d’or à placer dans une grille. Le robot gagnait une pièce d’or à chaque fois qu’il désignait la bonne case cochée dans la grille de l’élève. Le petit maitre avait alors un rôle important dans la gestion de l’atelier. (distribution des pièces, vérification, ramassage des pièces perdues pour les donner à Nao, comptage des pièces restantes pour désigner le vainqueur de la partie). 
 
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La reconstitution du bon nombre à l’aide des cartes Montessori : au nombre sollicité par le robot les enfants devaient sélectionner les bonnes cartes, les montrer et le petit maitre validait les réponses de chacun.
 
Bilan de cette expérimentation :
On peut certainement aller plus loin, et les limites sont seulement celles de notre créativité pédagogique et des compétences visées. Mais elles se heurtent tout de même à la somme de travail qu’a représenté la construction des programmes pour chaque atelier. Prototyper une séquence pédagogique était une activité nouvelle, elle supposait d’anticiper les réactions des élèves, de tenir compte des temps de réalisation des tâches, des aides et des répétitions de consignes à envisager. Un travail hautement réflexif qui imposait une phase de préparation non négligeable pour ne rien omettre. Il fallait prévoir chaque geste professionnel pour permettre au scénario d’être efficace.
 
Réflexivité, découpage, mise en cohérence avec une durée à sélectionner, choix des consignes, phases d’interaction avec l’élève-maitre puis avec le groupe. Cet ensemble d’éléments que j’avais l’habitude de vivre spontanément au quotidien dans la classe, je devais l’anticiper pour le rédiger et le transformer en programme. Un travail important au début mais qui avec l’entrainement et la possibilité de copier des morceaux de programmes précédents pour les introduire dans de nouveaux s’amenuisait à chaque séance.
 
Conclusion :
Je garderai de cette expérience pédagogique le souvenir d’une ambiance de classe magique ou en toute autonomie des élèves assistés par un robot ont pu consolider des compétences en collaborant entre pairs sans adulte.
Travailler avec Nao, interagir avec pour être le petit-maitre de l’atelier était une situation gratifiante et valorisante. L’élève pouvait faire la classe à un petit groupe sans faire semblant mais en travaillant réellement. Chacun à pu s’essayer au moins deux fois ; Une fierté et une responsabilité qui transparaissaient dans le regard de tous et peut -être encore plus chez mes élèves les plus fragiles.
Pour ma part, il me semble que le travail de scénarisation est formateur, il met à l’épreuve notre anticipation sur de nombreux gestes professionnels de quoi envisager, peut-être dans un proche futur, le métier d’ingénieur pédagogique en scenarii robotisé.
Dernière modification le lundi, 20 octobre 2014
Alouani Malika

Conseillère pédagogique au numérique éducatif.

Délégation académique au numérique éducatif - Académie de Versailles -