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Directement du pays du Père Noël, en cette fin d’année 2019, proclamée par l’UNESCO, Année internationale des langues autochtones, je présente l’inuktitut.  J’ai vécu quelques semaines au Nunavik ᓄᓇᕕᒃ, une région du grand nord du Québec où l’inuktitut est parlé, écrit et enseigné.  Taamusi Qumaq, cet homme au service son peuple, les Inuits, est un exemple de détermination dans la préservation de sa langue l’inuktitut et pour la conservation des langues autochtones.

L’Unesco écrit : « Les langues jouent un rôle crucial dans la vie quotidienne de tous les peuples, étant donné leurs implications complexes en termes d'identité, de diversité culturelle, d'intégration sociale, de communication, d'éducation et de développement. À travers les langues, les gens participent non seulement à leur histoire, leurs traditions, leur mémoire, leurs modes de pensée, leurs significations et leurs expressions uniques, mais plus important encore, ils construisent leur avenir

Les Inuits

Les Inuits forment des populations qui vivent depuis plusieurs millénaires dans le nord de la taïga ainsi que dans la toundra. On les retrouve dans les régions arctiques du Groenland, du Canada et des États Unis et de la Russie. 

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Conseil circumpolaire Inuit Wikipedia

Ils partageant entre eux des similarités culturelles et des origines ethniques.  Ils étaient historiquement des chasseurs nomades.  Maintenant sédentarisés, plusieurs vivent encore de chasse et de pêche. 

Les inuits du Nunavik, cette région nordique qui représente 1/3 du territoire québécois, parlent inuktitut.  Dans cette langue,  le mot «inuit» signifie «le peuple». 

ᐃᓄᒃᑎᑐᑦ

i-nu-k-ti-tu-t

Inuktitut

L’inuktitut est un des grands ensembles de dialectes partiellement intercompréhensibles parlé par les Inuits.   Au Nunavik, 99% des inuits parlent l’inuktitut  et l’encyclopédie canadienne écrit : Parmi les peuples autochtones au Canada, les Inuits remportent la palme du plus grand pourcentage d’individus sachant parler une langue autochtone.

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Carte de langue inuite
Source : L’encyclopédie canadienne, les Inuits

L’inuktitut était traditionnellement une langue orale.  C’est au 19ème siècle qu’on commença à la transcrire. L’écriture de l’inuktitut varie selon les régions : écriture syllabique au Nunavut et au Nunavik, caractères latins dans le reste du Canada, en Alaska et au Groenland et alphabet cyrillique en Sibérie.

Le syllabaire inuktitut utilisé au Nunavik est une adaptation du syllabaire cri par le révérend Edmund James Peck (1850-1924). vers la fin du 19ème siècle.  Le syllabaire est l’écriture officielle de l’inuktitut au Nunavik. L’inuktitut du Nunavik se caractérise par l’ajout d’une quatrième orientation des symboles pour les sons «ai». 

Inuttitut Syllabics

Le son initial détermine le signe utilisé, la voyelle étant représentée par une orientation spécifique de ce signe. Chaque syllabe, hormis celles qui ne comportent aucune voyelle, peut être courte ou longue : une syllabe longue est représentée à l'aide d'un point au-dessus du signe. L'écriture des phrases se fait de gauche à droite. (WIKIPÉDIA)

L’inuktitut est polysynthétique, les mots ont un degré de complexité plus important que dans les autres langues.  On y trouve par exemple le processus de l’incorporation nominale où par exemple le verbe -liuq- «faire» doit être attaché à l’objet fabriqué tel iglu «maison».

iglu-liuq-tunga

Maison-faire-déclarative 1ps

Je construis une maison

L’inukltitut est une langue gutturale mais très douce à l’oreille et au son agréablement monotone. 

Taamusi Qumaq

Taamusi Qumaq est né en 1914 dans un iglou, sur l’île de Niqsiturlik, dans la Baie d’Hudson, au nord de Inukjuak. Il a été nommé Chevalier de l’Ordre national du Québec pour son exceptionnelle contribution à la défense et la protection de la langue et la culture inuite. Il n’est jamais allé à l’école et ne parlait que l’inuktitut.

qumaq taamusi

J'ai chassé de tout, partout : phoque, caribou, renard. J'adore l'omble arctique. J'aime l'oie des neiges, mais elles sont aujourd'hui plus futées qu'autrefois. Aujourd'hui et depuis longtemps, mon stylo est mon outil. J'aime écrire, cela fait partie intégrante de ma vie. Peut-on lire dans son autobiographie traduite en français : Je veux que les Inuits soient libres de nouveau, publiée aux  Presses de l’université du Québec .

Taamusi Qumaq est important à plusieurs égards.  Il a participé activement à la création de la première coopérative indépendante dans l’arctique canadien.  La coopérative de Puvirnituq gère non-seulement le magasin d’approvisionnement, mais aussi un restaurant et un hôtel au village, donnant ainsi aux inuits la gestion de leurs biens. Il est membre fondateur de la première Caisse populaire inuit au Québec.

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Il a contribué à la création de la première station de radio inuite.

Il fonde le premier conseil de village et en sera le chef, c’est-à-dire qu’il a été le premier «maire» de Puvirnituq.

Il met sur pied la première radio communautaire.

Il a mené le mouvement de dissidence à la Convention de la Baie de James et a dirigé l'Association Inuit Tungavingat Nunamini (Debout sur nos terres)

Il fonde le premier musée ethnographique inuit au Québec, à Puvirnituq et en sera le premier conservateur. 

Et pourtant, de toute sa vie il n’a parlé que l’inuktitut du Nunavik aussi nommé le nunavimmiutitut comme le nomme les Nunavimmiut inuit.

Il est l’auteur de l’encyclopédie du savoir inuit : Sivulitta Piusituqangit, malheureusement pas encore traduite en français ainsi que de l’unique dictionnaire de définitions en inuktitut existant : Inuit Uqausillaringit. Par son travail, il a su maintenir et enrichir les connaissances de sa langue maternelle, l’inuktitut,  source de fierté et porteur d’une longue histoire plurimillénaire  comme l’écrit Louis de Goujon Matignon (2019) et qui est maintenant enseignée dès le primaire dans les écoles du Nunavik.

L’Institut culturel Avataq

L’Institut culturel Avataq est un organisme consacré à la protection et la promotion de la langue et la culture des Inuits du Nunavik et qui reçoit son mandat de la Conférence des aînés du Nunavik.

Toutes les langues évoluent pour s’adapter aux changements des sociétés.  Le français par exemple n’a créé, reconnu et défini le mot  «ordinateur» qu’en 1955  et le mot  «informatique» a été utilisé pour la première fois en 1962.

Avataq travaille présentement à une révision du dictionnaire de l’inuktitut pour y incorporer à la fois les termes anciens qui avaient été oubliés ainsi que les termes rendus nécessaires par les nouvelles réalités de la société inuite.

Aumaaggiivik — le Secrétariat des arts du Nunavik

Dans le contexte de l’Année internationale des langues autochtones https://fr.unesco.org/IY2019, le Secrétariat des arts du Nunavik a mis en valeur, à chaque mois, le travail d’un artiste inuit qui crée en utilisant l’inuktitut.  La page Web tarqitamaat.ca partage des œuvres magnifiques et fascinantes qui s’inspirent d’une vision du monde bien spécifique.  L’inuktitut est une langue riche avec laquelle les artistes inuits du Nunavik parviennent à exprimer des réalités qui ne peuvent se nommer autrement.

L’ oeuvre de Taamusi Qumaq et le travail de l’institut Avataq sont des exemples dont peuvent s’inspirer plusieurs populations qui parlent une langue en danger de disparition.

Merci à Louis Gagnon de l’Institut culturel Avataq pour l’information relative au Secrétariat des arts du Nunavik :  Aumaaggiivik collabore avec l’UNESCO https://tarqitamaat.ca

À voir :

Neige, histoire(s) d’inuit, une réalisation du Musée des confluences, Folimage conjointement avec le réseau Canopé.  https://www.youtube.com/watch?v=ASoj9SS4u7M&feature=emb_logo
Au sujet de l’inuktitut https://tusaalanga.ca/fr/node/2502

Lexique inuktitut/français :
Inuit (2019), Louis de Goujon Matignon, édition l’Harmattan, Paris

Du pays du Père Noël, Joyeuses fêtes à tous les lecteurs d’Éducavox et que la nouvelle année 2020 soit empreinte de sérénité.

Dernière modification le mercredi, 15 janvier 2020
Ninon Louise LePage

Sortie d'une retraite hâtive poussée par mon intérêt pour les défis posés par l'adaptation de l'école aux nouvelles réalités sociales imposées par la présence accrue du numérique. Correspondante locale d'Educavox pour le Canada francophone.