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De septembre 2015 à octobre 2016, le projet FuturEduc a conduit une réflexion sur le futur de l’éducation placée sous le double signe du numérique et de l’imaginaire. Ce travail collectif animé par la Fing et Éducation & Territoires s’est appuyé sur trois groupes d’acteurs de l’éducation (directeurs d’établissement, professeurs, ingénieurs pédagogiques, chercheurs) en France, au Canada et en Suisse.

La réflexion de FuturEduc s’est faite au niveau de l’établissement scolaire et non du système éducatif national lui-même. Les actions proposées n’impliquent donc pas une refonte globale de celui-ci. Lorsque nous parlons du « système école », il s’agit des éléments constitutifs de l’école (cursus, programme, temps, espace, professeurs, élèves…) et de son environnement (communautés, acteurs autour de l’établissement - collectivités territoriales, entreprises, acteurs associatifs…).

Pourquoi le numérique ?

Le numérique[1] n’est ni une solution à tous les problèmes auxquels l’institution éducative fait face, ni une menace existentielle. En revanche, il devient un outil essentiel dans la production de connaissances, l’accès à l’information, le travail et la communication. Cela en fait un bon point d’entrée à partir duquel penser le futur de l’éducation.

Dans le travail de réflexion avec ces trois groupes d’acteurs de l’éducation, le numérique suscite des enthousiasmes, du plaisir, de l’envie, il ouvre et décloisonne, il incite au collectif, il fournit des outils pratiques. Il suscite également des inquiétudes chez certains d’entre eux, comme la disparition des professeurs. Il n’y a pas un seul numérique mais plusieurs. C’est ce potentiel que nous avons exploité et exploré.

Pourquoi l’imaginaire ?

L’avenir de l’éducation ne se décrète pas. L’école du futur ne résultera pas du brainstorming d’un groupe d’experts et pas davantage de l’imagination d’un pédagogue inspiré. En revanche, l’avenir de l’école peut s’imaginer de façon collective et le fruit de ce travail d’imagination peut s’incarner en projets et en actions concrètes.

La réflexion collective au sein des trois groupes, nourrie par les apports d’une communauté élargie d’acteurs gravitant autour du champ de l’éducation, a ainsi permis de dégager des visions partagées et de dessiner des leviers de changement sur lesquels l’école à l’ère numérique pourrait se déployer.

Des visions partagées

Les trois groupes ont convergé vers trois visions partagées du futur de l’école :

  • "L’école engageante et ouverte" systématise la démarche de projet, comme entrée dans le savoir et la culture, permettant à l’élève de s’engager pour lui-même et au service d’un collectif, selon ses goûts, ses envies, ses capacités.
  • "L’école de l’autonomie" permet à la fois d’individualiser les apprentissages et d’impliquer les élèves aux projets de l’établissement. L’école fournit à chaque élève les instruments les plus sophistiqués de contrôle et de pilotage de ses apprentissages.
  • Dans "Le lycée à la mesure des élèves", les lycéens, assistés de leurs professeurs, décident ensemble de leurs parcours. Ils l’organisent avec des temps d’apprentissage présentiels, en ligne, des choix d’approfondissement et des savoirs à la demande. C’est la fin des diplômes au profit de badges.

Des leviers de changement

L’école dans son environnement

Pour assurer la sérénité de l’apprentissage et pour limiter les déterminismes sociaux, l’école s’est largement coupée de son environnement - local, social, économique, écologique. Sans l’ouvrir à tous les vents, peut-on en abaisser les murs, en ouvrir les fenêtres ? Un apprentissage à base de projets par exemple, sera plus efficace (et exigeant) si ces projets ont un public et/ou un usage dans la vie réelle, ce qui suppose de collaborer avec des acteurs extérieurs à la classe.

Dans l’établissement et alentour, il est également possible d’éprouver (ou d’acquérir par l’expérience, avant de les formaliser) la plupart des compétences et connaissances scolaires. Un tel décloisement relierait mieux les connaissances à leurs usages ; il permettrait plus aisément à différents types d’élèves de trouver les chemins vers la connaissance ; il aiderait les élèves à décrypter le fonctionnement de leur établissement comme de ce qui les environne, et à s’en penser comme acteurs. Nous suggérons donc de relier la classe à l’établissement, l’établissement à son environnement, les classes et les établissements entre eux...dans des configurations multiples, toutes au service de l’apprentissage.

Les données

Les données sont de plus en plus nombreuses, elles augmentent à un rythme sans précédent. Elles sont la matière première de la connaissance, de la décision, de l’administration et de la gestion, et éventuellement de la délibération collective (si l’on sait l’interpréter). Les données font l’objet de débats et de tensions, à propos de leur propriété et de leur accès, de la vie privée, du degré de confiance à leur accorder - ainsi qu’aux décisions dont elles forment le support, etc.

L’école en tant qu’institution n’échappe ni à l’avalanche de données, ni à ces débats. Mais ceux-ci restent extérieurs à l’enseignement proprement dit. Nous pensons qu’il est nécessaire et possible de mettre fin à cette dissociation. Nous proposons de faire des données de l’institution elle-même (la gestion de l’établissement, les évaluations, le fonctionnement du système, etc.) des objets et des supports, d’une part de l’enseignement, et d’autre part de l’implication de tous (élèves compris) dans le fonctionnement de l’établissement.

Individuel-collectif

Le numérique est incontestablement un vecteur d’individualisation : apprendre à son rythme, ajuster ses parcours en empruntant des chemins divers, être son propre pilote, accompagné par ses professeurs. Le numérique est un vecteur de socialisation.

Apprendre à travailler à plusieurs, coopérer au sein de groupes et entre groupes, en présence et à distance. Tout à la fois, le numérique sépare et relie. Nous suggérons de rendre cette tension productive. D’une part, en pensant l’individualisation, non pas comme une transformation de l’élève en consommateur d’éducation, mais comme un empowerment, une capacitation : rendre l’élève capable de formuler et de partager ses objectifs, d’évaluer les moyens de les atteindre, et d’agir au sein du collectif. D’autre part, en s’appuyant sur le numérique pour faciliter et encourager la collaboration et plus encore, l’investissement dans le collectif : la réalisation de projets, mais aussi l’implication dans la vie et la gestion de l’établissement.

Des pistes d’action prioritaires

Nous en avons déduit 9 pistes d’action très concrètes qui pourraient être engagées (pas toutes ensembles !) par un ou plusieurs établissements, une collectivité locale, etc. Tout en soumettant ces pistes et en invitant les acteurs de l’éducation à s’en saisir, nous ne pensons évidemment pas avoir défini à nous tout seuls l’avenir de l’éducation. Nous croyons avoir expérimenté une méthode originale et féconde pour y réfléchir, par-delà les idiosyncrasies de chaque système éducatif.

Nous avons donc fait oeuvre utile si :

  • certaines des pistes que nous dégageons connaissaient un début de mise en oeuvre ;
  • d’autres groupes, dans nos pays et dans d’autres, mettaient en oeuvre (et amélioraient) la même méthodologie pour en tirer leurs propres conclusions

[1] Nous entendons ici le terme numérique au-delà de la technologie, nous nous intéressons globalement au phénomène technique (pour simplifier, l’informatique et les réseaux), cognitif (pour simplifier, la “data” comme support essentiel de la production d’informations, de connaissances et de décisions), social et culturel (formes de communication, de socialisation, d’expression, de travail...) et économique (au sens large, réunissant toutes les formes de coopération et d’échange).

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Dernière modification le dimanche, 29 janvier 2017
An@é

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