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Quoi de plus juste que de prendre la boussole comme métaphore pour parler de numérique.
Depuis qu’internet est dans notre paysage éducatif nous cherchons à inventer une nouvelle pédagogie. 
Pour cela, nous avons commencé par caboter afin d’éviter de perdre de vue les côtes. Nous avons appelé cela, le bricolage ou le bidouillage (le l@b et les bidouilles numériques étaient présents à Cenon pour nous le rappeler). Nous devons maintenant prendre notre vitesse de croisière, nous éloigner des rives protectrices des habitudes, des routines et traverser l’océan (quitte à affronter des tempêtes) pour enfin explorer les nouveaux espaces de notre Far Web pédagogique.
 
Cenon a été l’occasion d’interroger la façon dont nous devons cadastrer ces espaces du savoir (I), les espaces réels (A) et les espaces numériques (B)Se fixer comme objectif de bâtir des espaces, de les rendre signifiants, de construire des pédagogies plus coopératives, plus collaboratives ne se décrète pas. Il faut inscrire l’innovation dans le temps et concilier des temporalités parfois contradictoires (II)
 
Nous nous sommes réunis à Cenon car, si le potentiel du numérique est important @Brainpop en citant les IGEN twittait « "tout n’est pas si simple"... IGEN  ». Pas simple mais pas impossible ! si nous savons suivre l’aiguille qui nous fixe le nord.
 
Le mot boussole viendrait de l’italien bussola (la boussole) et bossolo (la boite et le buis) et du belge Bruxula le mot « doit par conséquent avoir été emprunté d’une de ces deux langues par des matelots ignorants  » dit Eloi Johanneau in Mélanges d’origines étymologiques et de questions grammaticales.
 
Les petites boites de buis (bossolo) ont été remplacées par le silicium, le plastique et autres composantes mais elles nous servent encore à chercher le cap. Un cap qui pourrait tendre vers les idées généreuses de savoir, de connaissance et de démocratisation.
 

1) L’espace

 
A. L’espace physique
 
Ce mot peut paraître simple d’expression. Il l’était, en tout cas, dans l’ère pré digitale puisque l’acte d’enseignement se résumait à la pédagogie frontale du maître face à ses élèves, le principe de la tragédie grecque cimenté par l’unité de temps, de lieu et d’action fait mètre étalon. L’enseignant était « Celui qui répète ce qui est dans le livre » face à celui que doit apprendre. La simplicité n’a pas résisté au temps, nous évoluons désormais dans un espace dual mélange subtil de réel et de numérique (certains diront virtuel par simplification). Les débats de Cenon ont conforté cette prémisse. Les divers intervenants nous l’ont montré. Espaces physiques et espaces numériques ont été présentés non comme le champ des possibles dans un futur plus ou moins proches mais comme le quotidien du monde éducatif. 
 
En pemière intention je voudrais parler de l’espace physique d’enseignement et d’apprentissage.
 
Vincent Feltesse nous a dit que « l’évolution des usages numériques et des pratiques pédagogiques nécessitent un réaménagement physique de la classe  ». Le repère spatial historique de l’école se transforme. Qu’est ce qu’une classe, un amphithéâtre aujourd’hui ? Nous sommes les héritiers directs des expériences de Marly le Roi, nous prolongeons la réflexion. Les transformations des relations entre les enseignants et les élèves modifient l’agencement de la salle de classe, de l’établissement. À propos des nouveaux collèges @Le pageGilles dit « nouveaux collèges : pas de modèle type, évolution constante des besoins » S. Loiseau renchérit : « la classe où on rassemble des élèves pendant 1 heure à-t/elle encore un sens ? ».
Il y a déjà quelques temps Educavox nous présentait le lycée d’Orestad une façon de répondre à @lepagegilles qui posait la question suivante « nouveaux collèges : que fait la Finlande ? » à défaut de savoir ce que font les finlandais les Danois nous renseignent.
 
Ce n’est bien évidemment pas l’établissement qui est remis en cause mais son espace intérieur. L’architecture doit correspondre aux nouveaux rapports qui s’établissent entre les acteurs. Les questions qui se posent sont nombreuses, comment intégrer les technologies dans les établissements. Les technologies « officielles » fournies par l’État et les collectivités locales et celles qui constituent le BYOD (bring your own device). Ne perdons pas de vue que l’outil ne se suffit pas à lui même, il faut que les enseignants sachent convoquer les fonctionnalités en rapport avec le projet pédagogique et que les cadres sachent initier une réelle politique d’établissement.
 
Proposer une nouvelle ergonomie des salles en revisitant par exemple, le concept de la chaise, c’est ce que proposait notamment la société steelcase. Le nouvel établissement numérique c’est penser un lieu dédié, ce peut être le 3C (centre de culture et de connaissance) comme l’a précisé Jean-Louis Durpaire. Est-il d’ailleurs encore la solution au moment où l’informatique se fait pervasive ? on peut émettre l’idée après avoir écouté les propos prospectifs d’Antoine Chotard de l’AEC. Là encore la seule solution technologique ne peut suffire car ce sont les interactions sociales qui seront le liant (ou le dissolvant) des progrès à venir. Bien que le sujet n’ai pas été abordé, il faudra que l’aiguille de la boussole s’oriente vers la discipline du design social (pour 2014 ?)
 
Notre boussole s’agite à cet instant de la réflexion, dans quels espaces physiques allons nous évoluer ? Quelle sera la structure des nouveaux établissements ? Le changement n’est-il encore que dans nos esprits ? Les collèges numériques sont-ils des vecteurs du changements, a t-on réellement changé leurs espaces ? C’est la question que pose @michelguillou « L’architecture des nouveaux collèges dits numériques est-elle changée ?  ». En lançant ces réflexions nous inscrivons déjà la question du temps en filigrane. Modifier les espaces c’est penser le long terme et gérer des temps contraires, le temps long de la construction des bâtiments, le temps long du changement des habitudes, le temps court des changements de technologies, le temps probablement idéalisé des décideurs qui aimeraient (parfois, trop souvent ?) que les transformations s’opèrent du seul fait de l’intention.
 
La question des espaces physiques était omniprésente dans les débats et dans les solutions présentées par les exposants. J’ai pu m’entretenir avec les représentants de la structure départementale qui se charge de mettre en place le plan du numérique dans les collèges (la fibre notamment). Il lui faut amener les « tuyaux » dans les espaces ruraux les plus éloignés, l’espace rural confronté à la question du modèle économique. La France en général doit assurer la continuité numérique dans les espaces. Au risque de plagier un célèvre ouvrage de 1947 rédigé par Jean-François Gravier « Paris et le désert français  » ne prenons pas le risque des « Villes numériques et les déserts ruraux » 
 

B. Les espaces numériques

 
C’est Didier Paquelin de l’université Michel Montaigne de Bordeaux qui a précisé le cap en proposant la chose suivante « Essayons d’imaginer les espaces, les espaces numériques fonctionnent bien s’ils sont articulés avec des espaces physiques.  »
 
Le réel Vs le virtuel est une question qui agite encore largement les débats. Marion Haza[1] de l’université de Poitiers était là pour nous rappeler que l’on se socialise dans l’un et l’autre de ces espaces. Apprendre et enseigner est un acte de socialisation, nous l’exercons dans les espaces physiques ET dans les espaces numériques.
 
La rencontre de Cenon était une nouvelle fois l’occasion de s’interroger sur le rapport entre les ENT (espace numérique de travail) et les EPA (espace personnels d’apprentissage) ou PLE (personal learning environment). 
 
Gilles Lepage dans son atelier intitulé « L’initiation au travail collaboratif  » nous a montré une construction d’un environnement basé sur des google apps (mur de messages, google agenda, hangout, messagerie gmail …) pour permettre à des apprenants de formation continue d’apprendre par procédé collaboratif instrumentés @Rferentnumerique le traduisait ainsi « des outils : google agenda, Gmail, Hangout, DropBox, Padlet  ». J’aimerais préciser qu’au-delà de l’outil il y a la (ou les) fonctionnalité(s) associée(s).
 
Dans le même temps le département de la Gironde informait sur sa solution ENT : Léa[2]. Ce type d’espace numérique très présent dans les usages du secondaire (collège et lycée) pose la question de sa structure et de ses usages. Solution administrative instrumentant notes et cahier de texte ou véritable instrument pédagogique ?
 
Dans quel espace intervenir ? L’institutionnel bordé par un cadre juridique sécurisant comme l’a évoqué Thierry Lavigne responsable des affaires juridiques et Cédric Favre l’expert juridique de l’AEC. Le mash-up créé par les enseignants, beaucoup plus souple, léger et probablement plus interopérable mais dépendant des logiques juridiques de la silicon valley ?
 
@ceci synthétise cette dualité en twittant ainsi « Pourquoi construire des plateformes coûteuses quand cela existe ailleurs gratuitement" quoi par exemple ?  »
 
L’espace institutionnel a été central dans les réflexions, de nombreuses interventions ont gravité autour de cette thématique. Tout d’abord le pilotage du changement car le numérique permet d’enseigner hors les établissements, la posture du « everywhere and anytime » bouleverse les modes de travail. Qu’en est-il du temps de travail hors l’établissement ? Comment peut-on qualifier cet espace ? @LepageGilles dit : « Collaboration online hors temps scolaire pour les profs : même pratique pour les cadres ? Quel contrôle ?  »
 
Un espace social
 
Les plus grandes innovations sont peut être celles qui passent le plus inaperçues. Aux boussoles du numériques les élèves ont été conviés à s’exprimer. J’ai l’habitude de participer à des colloques, des séminaires qui parlent d’éducation mais … très généralement c’est une affaire d’experts. À Cenon les élèves se sont exprimés, ont parlé de leur école et du numérique à la même table du savoir que les spécialistes. J’aime à penser que c’est un cap à suivre et une réponse à une interrogation de @michelguillou « À quoi ça sert d’expérimenter encore ? A-t-on des doutes encore sur les apports du numérique ? »
 
Un espace juridique
 
Les espaces que les enseignants et les apprenants investissent sont signifiants, ils sont des espaces de formation, des espaces de socialisation, je l’ai déjà précisé. Nous sommes en train de les investir, de les cadastrer. J’ai osé le terme de Far Web parce que les espaces sont à découvrir mais nous n’y sommes pas des desesperados, des Calamity Jane ou des billy the kid du numérique. L’espace est à investir pour créer des usages innovants mais il est balisé par le droit. De nombreux tweets nous l’ont précisé :
 
@clemibordeaux « snapchat et ses images éphemères. Appli utilisée par les jeunes. Alternative aux autorisations droit à l’image », @lepagegilles « la meilleure idée : des élèves forment les élèves et les parents au droit de l’Internet », @JFCeci « Trop de règles tue la créativité ? On passe plus de temps à chercher ce qu’on peut faire que ce qu’il serait intéressant pedago  » ‪@lepagegilles Utilisation de photo ou vidéo d’un enfant : obligation de l’autorisation expresse des 2 parents
 
Un espace de collaboration et d’apprentissage
 
L’atelier xxx a été un moment très fort pour comprendre la construction de cet espace de formation. Une école et un collège dans une « ZEP ++++  » qui collaborent grâce à twitter. Les deux écoles sont « séparées par un terrain vague  » dit une intervenante. Si l’espace physique est peu engageant, les enseignants ont su investir les espaces physiques et notamment twitter pour assurer la liaison école-collège. Les objectifs disciplinaires sont les suivants : Découvrir des auteurs, des œuvres, travailler l’imaginaire, écrire des Haïkus
 

2) Le temps

 
Il est difficie d’évoquer les espaces sans évoquer le temps. Nous sommes ici, et les entretiens de Cénon l’ont démontré, dans l’expression d’une forme de tension entre les divers acteurs et les diverses institutions. Je crois que c’est le cœur des enjeux du numérique à l’heure actuelle. À ce propos @JulieBlancard twittait « Pr J.L Durpaire 2 priorités : Repenser les lieux et les tps d’apprentissage et penser une éducation aux médias et au numérique »
 
Entre volonté politique, pratique de terrain des pionniers innovants, pratiques de la grande masse, le temps est convoqué, il est un axe central des politiques à venir. Le temps courts et temps longs s’imbriquent et sont le terreau de notre quotidien pédagogique. Je ne propose pas d’opposer ces temps mais bien de les amalgamer, de les faire dialoguer car le risque de confusion n’est jamais loin. Pendant Cénon je twittais pour exprimer mon point de vue : « prendre du temps avec des technologies de l’instantanné tel est notre défi  ».
 
Sur ce socle d’opposition entre court et moyen terme, Cenon nous a donné des pistes pour structurer nos réflexions. Je vous propose une selection de tweets à ce sujet :
 
‪Le temps de la formation @JulieBlancard twittait « il faut repenser le temps de formation : Inclure l’auto-formation dans le temps de travail des enseignants.  »
 
Le temps de la formation est un temps long évolutif. Emmanuel Davidenkoff a souligné la possibilité de l’« industrialisation des méthodes prônant l’individualisation de la pédagogie »
 
‪@JulieBlancard J.L Durpaire revient sur les CCC comme lieu et tps d’apprentissage different pr les élèves.
 
‪@patvigier ouvrir le Cdi après 22h = zéro bouchon sur la rocade : chiche !
 
Du temps de la bricole au temps de la généralisation sera le terme conclusif de cette sous partie.
 
Nous connaissons tous dans notre entourage des enseignants enthousiastes qui s’engagent dans l’innovation. Il a été souligné que certains de ces enseignants se sont découragés au cours du temps. Peut-être faut-il changer les modes d’évaluation de ces pratiques ? Comment l’institution peut (doit) elle tenir compte de ces engagements pour le service public ? J’ai déjà essayé de donner des pistes dans de nombreux billets :
  • La prise en compte des compétences acquises
  • Une nouvelle stratégie des corps d’ inspections pour détecter et valoriser les innovations
  • La prise en compte du temp numérique dans les services. 
En lançant ces pistes je sais que les marges de progrès s’inscrivent sur le long terme. Je crois fermement qu’il faut engager la réflexion et prendre position sur le numérique quitte à prendre des risques en pariant sur l’avenir. Le risque doit être mutualisé par le corps enseignant et par les politiques, notre avenir est à ce prix 
 
En ces temps de refondation, le temps et l’espace sont deux marqueurs forts pour le volets du numérique. Ils entrent dans les réflexions pédagogiques et dans les réflexions politiques. Merci aux boussoles de nous avoir donné le temps de la réflexion pour élargir notre espace réflexif.

[1] Marion Haza http://capsea4050.labo.univ-poitiers.fr/marion-haza/
 
[2] Léa http://catice.ac-bordeaux.fr/index.php?id=12622
 
Photo JRBrousse An@é- La classe de première du lycée Jay de Beaufort de Périgueux
Dernière modification le mercredi, 01 novembre 2017
Moiraud Jean-Paul

Cherche à comprendre quels sont les enjeux des perturbations du temps et de l'espace dans les dispositifs de formation en ligne. J'observe comment nous allons passer du discours théorique sur les bienfaits des modes collaboratifs à l'usage réel. Entre collaboration sublimée et usages individualistes de pouvoir, quelle place pour le numérique ?
 
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