En France, dans les années 1960, des expérimentations pédagogiques se sont développées comme l’expérience de télévision en circuit fermé (circuit fermé de télévision, CFTV) en 1963 au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Ces expériences avaient pour but de proposer un usage de la vidéo à destination des élèves, celle-ci étant appréhendée comme un support pédagogique ou un moyen de diffusion de connaissances.
À partir de la fin des années 1990, sous l’impulsion des travaux menés au sein du Columbia Imaging and Vision Laboratory de l’université de Columbia (États-Unis), notamment ceux de Nayar (1997) et Nayar et Boult (1998), une technique de captation vidéo à 360° à l’aide d’un objectif catadioptrique est développée afin de créer des vidéos panoramiques. La vidéo 360° renvoie à un enregistrement vidéo où l’image est enregistrée dans toutes les directions en même temps (360°), permettant ainsi de « naviguer » dans la vidéo. Cette technologie est demeurée adressée à des usages très spécifiques et n’a commencée à être développée à destination du grand public qu’à partir des années 2010, date de la mise sur le marché de la Sony Bloggie (dotée d’une seule lentille à 360°), première caméra grand public à enregistrer des images panoramiques complètes à 360°. Cependant, si l’enregistrement à 360° était possible, le visionnage des images ainsi produites ne pouvait se faire qu’en format panoramique, sans possibilité d’interaction, ni de changement d’angle de vue en cours de lecture.
À partir de 2015, la commercialisation de nouvelles caméras, équipées de deux objectifs, a permis la captation d’images à 360° dans les deux plans horizontal et vertical. À la même date, YouTube et Facebook ont rendu possible le visionnage de vidéos 360° en ligne, alors que ces dernières ne pouvaient être visionnables que sur un ordinateur et ne pouvaient pas être partagées et visionnées en ligne. À compter de 2015, de nombreuses modalités de visionnage se sont développées, permettant ainsi le développement des usages de la vidéo 360° dans le domaine de l’éducation.
Aussi, notre contribution rendra compte des usages possibles de la vidéo 360° en classe et des effets du recours à cette technologie sur les apprentissages des élèves. Un second article (à paraître) s’intéressera, quant à lui, plus spécifiquement à la conception des vidéos interactives afin de faciliter les apprentissages.
Des possibilités de visionnage multiples
La vidéo 360° offre une variété de possibilité pour le visionnage. En effet, Roche et al. (2021) ont identifié quatre modalités de visionnage possible :
- sur écran d’ordinateur, la vidéo étant hébergée en ligne et partagée ou bien déposée sur l’ordinateur ;
- sur smartphone ou tablette (vidéo déposée en ligne) ;
- dans un visio-casque pour smartphone (vidéo déposée en ligne) ;
- dans un casque de réalité virtuelle (RV ; vidéo déposée en ligne ou bien dans le casque).
Bien que diverses modalités de visionnage soient possibles, des études ont montré que le visionnage en casque de RV pouvait susciter chez des sujets adultes une sensation d’immersion plus intense et augmentait aussi le sentiment de présence dans la situation (Van den Broeck et al., 2017).
Cependant, les constructeurs de casques de RV ne recommandent pas leur usage avant 10-12 ans et, si aucune recherche ne fait consensus sur ce point, un principe de précaution s’applique. Aussi comment intégrer de la vidéo 360° en classe avec des élèves afin de permettre des apprentissages chez les élèves ? Quelle doit être la durée des vidéos ? Faut-il visionner seulement avec un casque ?
Usages et effets
Visionnée seulement sur écran d’ordinateur, la vidéo 360° demeure un outil intéressant à utiliser, par exemple pour découvrir et observer la complexité de situations de classe dans le cadre de la formation initiale des enseignants (Roche et Gal-Petitfaux, 2017) ou encore en classe avec des élèves pour découvrir un contexte spécifique difficilement accessible, comme un volcan ou le fond des océans.
De plus, le visionnage de ce type de vidéo peut constituer un moyen de réaliser des sorties sur le terrain (ou des « voyages scolaires »).
En effet, Garcia et al. (2023) ont exploré le potentiel d’une visite virtuelle utilisant des vidéos 360° comme alternative aux sorties scolaires « physiques » dans l’enseignement primaire, avec des élèves de 8-9 ans (180 participants). Deux groupes ont été constitués, un groupe contrôle qui visionnait des vidéos traditionnelles et un groupe test qui visionnait des vidéos 360° sur écran d’ordinateur. Le contenu, identique, des deux types de vidéo était relatif à des lieux dans lesquels sont communément réalisés des sorties scolaires, comme des fermes, des usines, des musées, zoos, parcs animaliers, ainsi que des sites historiques.
Après le visionnage de chacune de ces vidéos, qui a eu lieu tout au long de l’année, un test de rappel du contenu en dix points a été effectué.
Les résultats indiquent de meilleurs scores de rappel de contenu pour le groupe vidéo 360° par rapport au groupe vidéo traditionnelle. Les chercheurs ont attribué cette différence à la capacité des vidéos 360° à créer des opportunités d’apprentissage authentiques et à impliquer les élèves de manière plus réaliste en leur permettant de faire leurs propres découvertes en explorant les lieux visionnés grâce aux fonctionnalités de la vidéo 360°. Enfin, Garcia et al. (2023) soulignent que le recours à la vidéo 360° est intéressant, qui permet de compléter et enrichir (en amont ou a posteriori) les visites réelles sur le terrain.
De plus, Fokides et Vlachopoulou (2024) ont mené une étude auprès de 44 enfants de 4 à 6 ans afin de rendre compte de l’effet du recours à des vidéos 360° pour permettre à des élèves de construire des connaissances relatives au monde animal.
L’étude a été réalisée sur une durée de 9 séances au cours desquelles les élèves ont visionné les vidéos 360° avec un visio-casque pour smartphone. Le recours à ces dernières a été comparé à l’usage de documents imprimés et de vidéos traditionnelles. Des tests d’évaluation ont été utilisés pour mesurer l’acquisition des connaissances, tandis que des questionnaires ont servi à recueillir des données relatives à la motivation des élèves, au plaisir et aux sentiments positifs, à l’immersion et à la facilité d’utilisation de la vidéo 360°.
Les résultats obtenus ont montré que, comparées aux documents imprimés, les vidéos à 360° améliorent l’acquisition des connaissances.
Cependant, cet avantage ne s’étend pas à la comparaison avec les vidéos traditionnelles. De même, alors que le plaisir et la motivation étaient plus élevés pour le visionnage de vidéos 360° que pour l’usage de documents imprimés, ces aspects n’ont pas été supérieurs lors de l’utilisation de vidéos traditionnelles. Les chercheurs ont conclu que l’intérêt majeur de la vidéo 360° était relatif à l’immersion dans le milieu observé, permettant une rétention des informations visionnées supérieure aux documents imprimés et à la vidéo traditionnelle. Cet aspect avait aussi été démontré par Araiza-Alba et al. (2021) dans le cadre d’une étude visant à rendre compte du recours à la vidéo 360°, la vidéo traditionnelle ou des documents imprimés afin d’apprendre les risques relatifs aux courants marins à 182 élèves âgés de 10 à 12 ans.
Conclusion
La littérature nous indique un intérêt à utiliser la vidéo 360° afin de faciliter la rétention de connaissances, mais aussi afin de susciter un engagement plus important dans les tâches proposées à partir de la vidéo 360°. Il semble donc que les enseignants pourraient tirer des avantages à intégrer de façon plus conséquente cette ressource dans leur enseignement. À cette fin, ils peuvent aussi bien utiliser des vidéos 360° déjà disponibles en ligne ou encore produire eux-mêmes leurs propres vidéos 360°. De plus, les enseignants peuvent aussi produire des vidéos 360° interactives afin de faciliter les apprentissages. Ces aspects seront présentés lors d’un prochain article.
Lionel Roche,
Professeur au département des sciences de l’activité physique, université du Québec, membre du GRAPA (UQAM), chercheur régulier au CRIFPE.
https://www.reseau-canope.fr/agence-des-usages/integrer-lusage-de-la-video-360-en-classe.html
Recommandations
Quelques recommandations à destination des enseignants :
- Lors du visionnage de vidéos 360° (sur écran d’ordinateur ou avec visio-casque), donner des consignes précises sur ce qui doit être observé dans les vidéos afin que la rétention d’informations soit accrue.
- Permettre à des élèves de visionner des vidéos 360° avant une sortie scolaire permet de limiter une possible anxiété relative au fait de se rendre dans un lieu inconnu (sentiment d’immersion suscité par la vidéo 360°).
- Visionner des vidéos 360° à la suite d’une sortie scolaire permet aux enseignants de plus facilement réactiver des souvenirs de cette visite afin de favoriser un travail de verbalisation des élèves.
- La vidéo 360° peut être utilisée par les enseignants pour accéder virtuellement à des lieux difficilement accessibles avec des élèves et peut se substituer partiellement à des visites scolaires.
- Utiliser des vidéos 360° d’une durée maximale de 5 minutes, afin de ne pas occasionner une surcharge cognitive.
Bibliographie
- Araiza-Alba, P., Keane, T., Matthews, B., Simpson, K., Strugnell, G., Chen, W. S., & Kaufman, J. (2021). The potential of 360-degree virtual reality videos to teach water-safety skills to children. Computers & Education, 163, 104096. https://doi.org/10.1016/j.compedu.2020.104096
- Fokides, E., & Vlachopoulou, C. (2024). Little learners go 360: Evaluating the impact of 360° videos on kindergarten students’ understanding of wild animals. Applied Sciences, 14(14), 5996. https://doi.org/10.3390/app14145996
- Garcia, M. B., Nadelson, L. S., & Yeh, A. (2023). “We’re going on a virtual trip!”: A switching-replications experiment of 360-degree videos as a physical field trip alternative in primary education. International Journal of Child Care and Education Policy, 17(1), 4. https://doi.org/10.1186/s40723-023-00110-x
- Nayar, S. K. (1997). Omnidirectional video camera. Proceedings of the DARPA Image Understanding Workshop, 1, 235‑241.
- Nayar, S. K., & Boult, T. (1998). Omnidirectional vision systems: 1998 PI report. Proceedings of the DARPA Image Understanding Workshop, 1, 93‑100.
- Roche, L., & Gal-Petitfaux, N. (2017). Using 360° video in physical education teacher education. In P. Resta & S. Smith (éd.), Proceedings of Society for Information Technology & Teacher Education International Conference (p. 3420-3425). Association for the Advancement of Computing in Education (AACE). https://www.learntechlib.org/primary/p/178219/
- Roche, L., Kittel, A., Cunningham, I., & Rolland, C. (2021). 360° video integration in teacher education: A SWOT analysis. Frontiers in Education, 6. https://www.frontiersin.org/article/10.3389/feduc.2021.761176
- Rocher, P. (2014). Chapitre 3. L’enseignement par l’image : l’invention d’un autre patrimoine cinématographique. In J.-F. Condette & M. Figeac-Monthus (éd.), Sur les traces du passé de l’éducation… Patrimoines et territoires de la recherche en éducation dans l’espace français (p. 45‑53). Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine. https://doi.org/10.4000/books.msha.657
- Van den Broeck, M. V. den, Kawsar, F., & Schöning, J. (2017). It’s all around you: Exploring 360° video viewing experiences on mobile devices. Proceedings of the 25th ACM international conference on Multimedia, 762‑768. https://doi.org/10.1145/3123266.3123347
Article publié sur le site : Intégrer l’usage de la vidéo 360° en classe - Réseau Canopé
Lionel Roche, Professeur au département des sciences de l’activité physique, université du Québec, membre du GRAPA (UQAM), chercheur régulier au CRIFPE.