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Plaisir d’exception pour quelques uns, addiction tenace pour beaucoup d’autres : plus d’un milliard d’êtres humains sont fumeurs moins de 5 siècles depuis que la consommation de tabac s’est répandue dans le monde après avoir été popularisé par Jean Nicot en France en 1560.

Un peu d’histoire

Rapportée des premières explorations en Amérique au XVIème siècle cette « herbe » est d’abord cultivée en France puis elle est introduite en Turquie et en Russie, en Inde au Japon, aux Philippines, en Indochine… C’est à partir de la deuxième partie du XVIIème siècle que le tabac est cultivé sur pratiquement toute la planète.

La production, la commercialisation et la distribution des produits à base de tabac s’organisent dans une « industrie » au XVIIIème siècle avec des acteurs nationaux dont la concentration a engendré à un oligopole actuellement dominé par 5 entreprises multinationales : China National Tobacco Corporation (CNTC- Chine), Philip Morris International (États-Unis), British American Tobacco (Royaume Uni), Japan Tobacco International (Japon), Imperial Brands (Royaume Uni).

En 2022, la production mondiale de tabac s’est élevée 5,8 millions de tonnes à partir des quelles ont été vendues près de 6000 milliards de cigarettes (Statista); le marché planétaire des produits du tabac était estimé à 782 milliards de dollars US (719 milliards d’euros) en 2021.

Tabac et santé

Il a fallu attendre 1950 pour que soit publiée la première étude épidémiologique faisant état la relation entre tabac et cancer du poumon. On sait maintenant que suite à la production de produits toxiques émis lors de la combustion du tabac, leur inhalation ou ingestion sont responsables d’autres maladies, notamment le cancer de la vessie et la bronchopneumopathie chronique obstructives (BPCO) – aussi appelée bronchite chronique.

C’est en 1964 qu’est lancée le première campagne de prévention aux États-Unis. En France, les premières mesures de lutte contre le tabagisme apparaissent avec la loi du 9 juillet 1976 (loi Veil).

La cigarette électronique apparue en 2010 a été qualifiée « d’incontestablement nocive » par l’OMS en 2019 appelant alors les gouvernements à la réglementation de ces nouveaux produits qui peuvent provoquer l’irritation des voies respiratoires, de la gorge et des yeux, des pneumopathies et des pathologies cardiovasculaires.

Le tabagisme est responsable de plus de 7 millions de décès chaque année dans le monde (OMS) et le coût mondial du tabagisme en matière de soins de santé (coûts directs) est évalué à plus de 400 milliards de dollars (soit pas moins de 5,5 % des dépenses de santé au niveau mondial) alors que les coûts indirects s’élèvent à plus de plus de 350 milliards de dollars US pour la morbidité et 650 milliards de dollars US pour la mortalité. Au total, cela représente un coût économique total du tabagisme de 1400 milliards de dollars par an.

Lutte contre le tabagisme

Le dernier rapport de l’OMS sur le tabagisme publié le 6 octobre 2025 montre que le monde fume moins : le nombre de fumeurs est passé de 1,38 milliard en 2000 à 1,2 milliard en 2024. Cette baisse ne doit pas occulter que, le tabac continue de rendre accro un adulte sur cinq.

Les femmes sont plus nombreuses à arrêter de fumer que les hommes.

Alors que la consommation de tabac a régulièrement diminué, tant chez les hommes que chez les femmes, toutes tranches d’âge confondues, entre 2000 et 2024, les femmes ont été les premières à se sevrer du tabac. La prévalence du tabagisme chez les femmes est passée de 11 % en 2010 à seulement 6,6 % en 2024, et le nombre de consommatrices de tabac est passé de 277 millions en 2010 à 206 millions en 2024.

En revanche,, plus de quatre consommateurs de tabac sur cinq dans le monde sont des hommes, et un peu moins d’un milliard d’hommes continuent de fumer. Si la prévalence chez les hommes est passée de 41,4 % en 2010 à 32,5 % en 2024, cette baisse est trop lente rapportée au nombre absolu de fumeurs.

Typologie régionale

Asie du Sud-Est : la baisse de la prévalence chez les hommes est la plus massive : elle a presque diminué de moitié, passant de 70 % en 2000 à 37 % en 2024. Cette région représente plus de la moitié de la baisse mondiale.

Afrique : la prévalence est la plus faible de toutes les régions, avec 9,5 % en 2024. Toutefois, en raison de la croissance démographique, le nombre absolu de fumeurs continue d’augmenter.

Amériques : la région a enregistré une réduction relative de 36 %, la prévalence tombant à 14 % en 2024.

Europe : c’est maintenant la région où la prévalence est la plus élevée au monde, avec 24,1 % des adultes consommant du tabac en 2024, les femmes européennes affichant la prévalence mondiale la plus élevée, avec 17,4 % (France, prévalence chez les adultes : 33,6 %, chez les femmes 31,2%).

Méditerranée orientale : la prévalence est de 18 %, et le tabagisme continue d’augmenter dans certains pays (Égypte, Jordanie, Liban)

Pacifique occidental : avec 22,9 % d’adultes consommant du tabac en 2024, contre 25,8 % en 2010, cette région enregistre les progrès les plus lents. Si la prévalence est faible chez les femmes (2,5 %), celle des hommes est la plus élevée de toutes les régions (43,3 %).

Comme on peut le constater des millions de personnes arrêtent de fumer, ou ne commencent pas à fumer, grâce aux efforts de lutte antitabac déployés par les pays du monde entier. Cependant, en riposte à cette forte baisse de la consommation, l’industrie du tabac promeut de nouveaux produits à base de nicotine, ciblant activement les jeunes.

Cigarette électronique (e-cigarette)

L’OMS a estimé l’usage mondial de la cigarette électronique et les chiffres sont très inquiétants : plus de 100 millions de personnes dans le monde vapotent désormais. Parmi elles :

– Adultes : au moins 86 millions d’utilisateurs, principalement dans les pays à revenu élevé (les prévalences les plus fortes sont observées en Croatie, en Estonie, aux États-Unis, en France, au Luxembourg, en Irlande, en Nouvelle Zélande, au Royaume Uni, en Serbie et en Tchéquie.

– Adolescents : au moins 15 millions d’enfants (13-15 ans) utilisent déjà la cigarette électronique. Les enfants et adolescents sont, en moyenne, neuf fois plus nombreux à vapoter que les adultes (es pays où la prévalence est la plus élevée sont la Bulgarie,l e Costa-Rica, l’Estonie, la Pologne, la Lettonie, la Lituanie,. la Tchéquie

L’industrie du tabac n’a de cesse de proposer de nouveaux produits et de déployer de nouvelles techniques de vente pour commercialiser de la dépendance à la nicotine, notamment avec des cigarettes électroniques, des sachets de nicotine, etc., qui sont autant nuisibles que le tabac en termes de santé particulièrement chez les nouvelles générations.

Présentées comme des moyens innovants pour réduire les risques liés au tabagisme, les cigarettes électroniques déclenchent l’addiction à la nicotine chez les plus jeunes ce qui compromet des décennies de travail pour réduire le nombre absolu de fumeurs.

En conclusion

Pour diminuer significativement le nombre de fumeurs, il est indispensable de poursuivre la lutte antitabac, de combler les lacunes qui permettent aux industries du tabac et de la nicotine de cibler les enfants et de réglementer les nouveaux produits à base de nicotine comme les cigarettes électroniques. Cela passera aussi par l’augmentation des taxes sur le tabac, l’interdiction la publicité et le développement les services de sevrage tabagique afin que des millions de personnes supplémentaires puissent arrêter de fumer chaque année.

Article publié sur le site : https://hommesetsciences.fr/tabagisme-dans-le-monde-baisse-en-trompe-loeil/
Xavier Drouet
Photo : © Catawba Valley Healthcare

Dernière modification le lundi, 13 octobre 2025
Drouet Xavier

Xavier DROUET, 63 ans, est ancien élève de l'École Normale Supérieure où il a étudié la Physique et la Biochimie. Il est aussi Docteur en Médecine.
Après une carrière scientifique dans la recherche académique, appliquée et industrielle, il a dirigé plusieurs sociétés à fort contenu technologique pendant 15 ans et consacré 8 années à soutenir la recherche, l'innovation et le développement économique au niveau régional et national à des postes de direction au ministère de la Recherche et dans les services du Premier Ministre en France.
Depuis 2015 il exerce une activité d'expertise et de consultant pour accompagner des projets de créations ou de croissance d'entreprises de la microentreprise unipersonnelle à la start-up «techno».
Il est également auteur et conférencier (sciences, économie, stratégie) pour le compte d'entreprises, d'organisations de diffusion de la culture scientifiques et de media d'information pour les professionnels ou le « grand public ».

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