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Influence invisible des algorithmes, privatisation rampante, fracture géopolitique avec un accès à l’IA inégal dans le monde, risques de domination technologique, complexité organisationnelle, nécessité de former des citoyens capables de juger, de comprendre et d'inventer, les inquiétudes se dessinent et questionnent l'éducation tout entière …Quelques éclairages à travers les contributions récentes.

Clément Fantoli : les algorithmes de recommandation

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A force de concentrer notre attention sur ce type d’Intelligence Artificielle visible et spectaculaire, on en oublie une autre, bien plus discrète, mais peut-être plus influente encore : les algorithmes de recommandation. Ceux qui agissent dans l’ombre, dans les téléphones de nos élèves (et les nôtres), dans leurs usages du soir et du week-end. Ceux qui ne répondent pas à leurs questions, mais qui sélectionnent ce qu’ils vont voir, écouter, consommer ensuite.

Ces IA ne produisent rien, mais elles organisent tout. Présentes sur TikTok, YouTube, Instagram, Spotify, Netflix, elles déterminent, sans bruit, ce que nos élèves verront dans l’instant qui suit. Et elles ne le font pas pour les aider à apprendre, mais pour les garder captifs le plus longtemps possible.

Il est urgent qu’on s’y intéresse.

On ne peut pas reprocher à nos élèves de manquer de volonté. Ce serait injuste. Ce qu’ils affrontent, ce sont des dispositifs conçus pour être irrésistibles.

Derrière chaque vidéo qui s’enchaîne, il y a une architecture bien pensée : le scroll infini, l’autoplay, les sons calibrés, les couleurs optimisées. Tout est fait pour éviter le vide, pour supprimer la possibilité de dire "stop".

Je le ressens aussi comme adulte. Je me surprends parfois à rester plus longtemps que prévu sur une plateforme. Et je suis censé être un adulte averti, formé, capable de recul. Alors imaginons ce que cela produit sur un enfant de 12 ou 14 ans.

Ce constat peut sembler décourageant. Mais je crois au contraire qu’il est mobilisateur.

Nous devons intégrer ces réalités dans notre mission éducative. Pas en interdisant, pas en diabolisant, mais en expliquant. En rendant visible ce qui ne l’est pas.

Dès le plus jeune âge, les élèves doivent comprendre :

Qu’un fil d’actualité est construit par une machine.

Que ce qu’ils voient n’est pas le fruit du hasard, ni de leur liberté.

Que leur attention est monétisée, instrumentalisée.

Voir ce qui ne se voit pas !

Je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Mais en tant qu’enseignant, en tant qu’adulte, je pense que nous devons regarder ailleurs. Pas seulement du côté des IA qui font du bruit. Mais aussi de celles qui façonnent les comportements sans un mot.

Ces IA ne sont pas des ennemies. Mais elles ne sont pas neutres. Elles influencent nos élèves bien plus qu’on ne le pense. Et elles le font à travers leurs goûts, leurs routines, leurs fragilités.

Former des citoyens éclairés à l’ère de l’IA, ce n’est pas uniquement leur expliquer comment utiliser ChatGPT. C’est leur apprendre à reconnaître quand une machine les influence, les oriente, les enferme.

Voir ce qui ne se voit pas, c’est le point de départ. Ensuite vient l’envie de choisir, de comprendre, de ralentir. Et c’est peut-être cela, le vrai défi de l’éducation à l’intelligence artificielle.

Clément Fantoli : Et si l’intelligence artificielle qui influence le plus nos élèves n’était pas celle qu’on croit

https://www.educavox.fr/accueil/debats/clement-fantoli-et-si-l-intelligence-artificielle-qui-influence-le-plus-nos-eleves-n-etait-pas-celle-qu-on-croit

 

Au cœur des établissements, une vie scolaire complexe !

En voici un tout petit exemple

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Index Education, filiale de Docaposte, est éditeur du logiciel de vie scolaire PRONOTE. Ses réponses ne concernent donc pas les espaces numériques de travail (ENT).

Plutôt qu’une interdiction stricte après 20h, qui ne correspond d’ailleurs pas à ce qui est demandé par le Ministère dans sa circulaire de rentrée, PRONOTE privilégie une approche souple, permettant aux établissements de définir leurs propres règles de fonctionnement, tout en respectant les principes de déconnexion numérique promus par le Ministère.  

D’un point de vue réglementaire, le paramétrage des fonctionnalités de Pronote (publication des notes, emploi du temps, messagerie, travail à faire…) est placé sous la responsabilité du chef d’établissement.

Le chef d’établissement a donc la responsabilité de l’activation ou non de chaque fonctionnalité, en fonction :

  • Des spécificités locales,
  • Du projet pédagogique de l’établissement,
  • Et des besoins exprimés par les équipes éducatives et par l’ensemble des utilisateurs.

Concrètement, les parents et les élèves pourront toujours se connecter à PRONOTE quand ils le souhaiteront pour accéder aux emplois du temps, au cahier de textes et à leurs résultats. 

Concernant la messagerie, le chef d’établissement a la possibilité d’en interdire l’accès en fonction d’une plage horaire. 

Concernant les devoirs, le chef d’établissement a la possibilité de bloquer la saisie par les enseignants de devoirs en dehors du temps autorisé.

Quant aux notes, elles sont affichées par défaut le lendemain de la saisie à partir de 7h pour les élèves, et 24h plus tard pour les parents. Cette fonctionnalité est également paramétrable par les établissements.

De plus, il n’y a jamais de notifications dans PRONOTE lors d’une nouvelle note ou d’un nouveau travail à faire.  

Dans PRONOTE, la rubrique « Travail à faire » comme les contenus pédagogiques déposés par les enseignants sont toujours disponibles. Seule la saisie d’un travail à faire par un enseignant peut être bloquée par le chef d’établissement en dehors du temps autorisé. 

Les élèves pourront toujours indiquer qu’un travail est « fait » dans PRONOTE dès lors que ce travail apparait dans la liste des travaux à réaliser.

La messagerie proposée par PRONOTE est désactivée par défaut entre 20h et 7h. Le chef d’établissement peut choisir un autre paramétrage. Pour la messagerie comme pour l’ensemble des fonctionnalités de PRONOTE, le chef d’établissement a la possibilité d’en adapter les paramétrages en fonction des spécificités de son établissement et de son projet pédagogique.

https://www.educavox.fr/accueil/interviews/rentree-2025-pronote-de-nouvelles-fonctionnalites-a-propos-de-deconnexion-quelques-questions

 

Rentrée scolaire 2025, les Régions engagées : « Une période de profonde transformation »

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Les Régions déploient leur action éducative partout sur les territoires, en partenariat quotidien avec le ministère de l’Éducation nationale, dans les lycées d’enseignement général et technologique comme dans les lycées professionnels, et jusqu’au collège pour leurs dispositifs sur l’orientation

François BONNEAU, Président de la Commission Éducation Orientation, Formation Emploi : 

« Nos territoires traversent aujourd’hui une période de profonde transformation, marquée par une triple transition : numérique, environnementale, mais aussi – et peut-être surtout – démographique.
Cette transition démographique n’est pas une fatalité. C’est un défi, certes, mais c’est aussi une opportunité pour repenser l’action publique au plus près des réalités locales. Cela exige un changement de méthode, un changement de regard.

Il nous faut penser le territoire à 360°. Repenser le rôle du lycée, non plus seulement comme lieu d’enseignement, mais comme véritable levier d’animation du territoire. Repenser la formation tout au long de la vie, les mobilités, l’internat : ce n’est qu’en créant des ponts entre les politiques publiques que nous pourrons répondre aux besoins de nos territoires et de leurs
habitants.
Cela suppose davantage de décentralisation. Nous ne pouvons plus nous contenter de structures satellites. Nos territoires ont besoin de structures associées : la cohésion entre les acteurs publics est essentielle. Nous devons être capables de produire ensemble une action publique en mouvement, agile et à la hauteur des enjeux. »

https://www.educavox.fr/accueil/breves/conference-de-presse-de-rentree-dans-les-locaux-de-regions-de-france

Orientation : affaiblissement du service public ?

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Il faut remarquer d’emblée que l’écosystème privé de l’aide à l’orientation s’est développé à une vitesse fulgurante ces dernières années [2]. Parcours Métiers, HelloWork, les modules d’orientation intégrés à Pronote ou École Directe se présentent comme plus « modernes » et « personnalisés » que les outils publics. Curieusement, ces plateformes ont toutes un point commun méconnu : elles reposent à 80-90% sur les données open data de l’ONISEP.

Les 600 fiches métiers détaillées, l’atlas des formations, les statistiques d’insertion professionnelle, les passerelles entre diplômes : tout ce socle informationnel que l’ONISEP a patiemment constitué depuis des décennies alimente aujourd’hui une multitude d’outils privés vendus aux établissements ou aux familles.

Le processus révèle une logique économique implacable. Une start-up reprend les données publiques gratuites, les « emballe » dans une interface séduisante, ajoute quelques fonctionnalités (chatbot, QCM de personnalité, algorithme de recommandation), et vend le tout comme une solution « innovante » aux établissements ou aux parents inquiets.

Cette réutilisation massive des données publiques par le secteur privé crée une situation paradoxale : plus les acteurs privés prospèrent en s’appuyant sur l’ONISEP, plus ils contribuent à fragiliser l’opérateur public qui leur fournit leur matière première. Comment ? En captant une partie de la demande et en alimentant la critique d’un service public « dépassé ».

L’ironie est totale : les mêmes données, produites par l’ONISEP avec des deniers publics, deviennent payantes une fois reformatées par le privé. Les familles se retrouvent à payer pour accéder à des informations qu’elles financent déjà par leurs impôts.

Bernard Desclaux : https://www.educavox.fr/accueil/debats/l-onisep-la-poule-aux-oeufs-d-or-menacee-de-disparition

 

Ce qui frappe, c’est la tension universelle

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Thierry TABOY, co fondateur Educavox, membre du CA Impact AI : 

"L’IA attire par ses promesses d’efficacité mais inquiète par son opacité. Or, dans l’éducation, ce n’est pas seulement un enjeu de performance, c’est une question de confiance collective. Les choix faits aujourd’hui conditionnent la capacité du système éducatif français à intégrer l’IA sans perdre ce qui fonde sa légitimité : former des citoyens capables de juger, d’inventer et de comprendre." 

https://www.educavox.fr/alaune/thierry-taboy-ia-et-education-entre-divergences-nationales-et-enjeux-communs

 

Géopolitique des Intelligences Artificielles et partition du monde

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Une équipe de scientifiques de l’université d’Oxford a publié en juin 2025 une liste les 24 pays*, à peine plus de 10 % des nations du monde, qui disposent des infrastructures de stockage de données nécessaires pour entraîner l’intelligence artificielle (IA). Un tel déséquilibre en dit long sur le fossé de plus en plus profond qui tend à fracturer le monde pour l’accès à une technologie majeure. *Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Australie, Autriche, Bahreïn, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Chine, Corée, Émirats arabes unis, Espagne, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Irlande, Israël, Italie, Japon, Taïwan, Thaïlande.

Sans surprise le Top 3 des pays ou régions les mieux équipés sont les États-Unis, la Chine et l’Union Européenne. Réciproquement l’Amérique Latine et l’Afrique sont les grands perdants de cette course technologique pendant que les pays du golfe investissent à tout va la richesse tirée de leur sous-sol afin de préparer la transition vers une économie post-pétrole

Xavier Drouet : https://www.educavox.fr/formation/analyse/geopolitique-des-intelligences-artificielles-et-partition-du-monde

Conclusion

L’enfant devient le centre absolu, vénéré par les adultes et les écrans, dans une société anxieuse. L’IA peut être discrète mais puissante : Les algorithmes de recommandation influencent les comportements sans bruit, en dehors du cadre scolaire. Comment alors rendre visible l’invisible, expliquer aux élèves que leur fil d’actualité est construit, orienté, monétisé ?

En orientation voilà qu’apparait un paradoxe économique : Les familles paient pour des données qu’elles financent déjà par l’impôt : La fragilisation de l’ONISEP met en péril l’égalité d’accès à l’information d’orientation.

Numérique, environnement, démographie : Les Régions doivent repenser l’éducation comme levier territorial avec une action publique agile, coordonnée, et pensée à 360°.

Et le monde n’offre guère de ressources : A peine plus de 10 % des nations du monde, qui disposent des infrastructures de stockage de données nécessaires pour entraîner l’intelligence artificielle (IA). Un tel déséquilibre en dit long sur le fossé de plus en plus profond qui tend à fracturer le monde pour l’accès à une technologie majeure.

L’éducation aujourd’hui exige de concevoir des dispositifs d’apprentissage intégrant le numérique, de piloter son intégration dans les pratiques pédagogiques, d’aider les élèves à naviguer dans les outils d’orientation et à comprendre les algorithmes… mais aussi doit assurer un accompagnement parental… Comment naviguer entre pédagogie, technologie, éthique et accompagnement ?

Comment penser l’éducation en écosystème coordonné, avec des rôles clairs, des formations qui ne se limitent pas à des informations ou à de l’auto-formation, avec des accompagnements, des espaces de dialogue et de co-construction, et avec une gouvernance souple mais ambitieuse ?

Michelle Laurissergues

Dernière modification le mercredi, 10 septembre 2025
Laurissergues Michelle

Fondatrice et présidente de l’An@é, co-fondatrice et responsable éditoriale d'Educavox.