Le choix a été de creuser les questions éducatives en partant des usages numériques plutôt que d’explorer en premier lieu les problématiques purement matérielles et technologiques (…) Les questions éducatives changent de forme avec les technologies actuelles et pour bien des cas, les itinéraires de réponses éducatives restent à inventer. Le titre lui-même invite à prendre de la hauteur, de l’avance et à imaginer, pour aujourd’hui, les classes de demain. »
Je vous invite à la visionner non seulement parce que les images sont époustouflantes, mais aussi parce que les exemples d’usages numériques dans un futur proche sont très concrets, et surtout parce qu’au centre de toute cette histoire, il y a… l’humain.
L’humain et les valeurs humaines ont été le point névralgique du colloque.
Le programme complet du Printemps se trouve dans une application, disponible par ici :
Vous y trouverez en autres :
- Le programme : Conférences et ateliers
- La TV du printemps : vidéo d’introduction (citée juste avant), des interviews (27 au total) de personnalités diverses et variées
- Les podcasts des interventions
- Les photos, vidéos et pensées dans lesquels vous trouverez les contributions du public en images, lettres et son : des clins d’œil de ce temps passé tous ensemble.
Côté plénières :
Le discours d’ouverture fût l’occasion d’un passage de relais (symbolisé par un bâton de berger, un vrai, qui a été donné sur scène) entre la précédente édition du Printemps du Numérique (qui s’était tenue à Biarritz en 2012) et celle-ci. Dans ce type d’évènement il est rarement pris le temps d’écouter les personnes parler de leur région, des valeurs qu’elles se sont fixées de transmettre.
Une vision de la pédagogie 3.0 a été partagée au cours de cette introduction : la pédagogie 3.0 englobe non seulement des mots entre les internautes, mais aussi des relations, et des actions. La pédagogie 3.0 se construit avec ; c’est « inventer ensemble des itinéraires pédagogiques », pour et avec digital natives et digital migrants.
Digital Natives : génération née avec outils numériques et connexion internet.
Digital Migrants : génération qui a dû/doit s’adapter aux outils numériques et qui a vu naître internet. (Aïeuh, le moment de se souvenir des photos reçues par mail s’affichant par saccades, du modem émettant le son caractéristique de la connexion plus ou moins rapide, le temps de connexion qui s’écoulait de manière visible pendant que l’on surfait puisque l’offre était bâtie sur un temps de connexion, et du téléphone que l’on ne pouvait pas utiliser en même temps que l’on surfait… c’était hier pourtant, non ?)
Cette introduction a posé les jalons de ce colloque : « garder la maîtrise du temps dans cette frénésie de temps », « ensemble pour donner sens et cohérence ».
Cette phrase a été citée (et elle m’a marquée donc je la partage ici) : « Ne demande pas ton chemin a quelqu’un qui le connaît, tu ne pourrais t’égarer »
L’intervention de Marcel Lebrun : Quels repères pour développer une Pédagogie 3.0 ? En quoi les MOOCs et la classe inversée sont-ils les leviers pour apprendre autrement ?
Pour trouver les éléments cherchés sur le blog de
M@rcel : une carte heuristique-sommaire : http:
//lebrunremy.be/WordPress/wp-content/uploads/2011/03/
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Et sinon quelques éléments ici-même :
Apprendre c’est :
-Ecouter le professeur,
-Acquérir des connaissances,
-Accroitre ses connaissances,
-Mémoriser, étudier et reproduire des connaissances,
-Comprendre plutôt que connaitre par cœur,
-Construire et organiser ses connaissances par son action propre,
-Stocker des connaissances à mettre en pratique,
-Acquérir des faits et des méthodes qui sont retenus et réutilisés si nécessaire,
-Commettre des erreurs,
-Modifier ses représentations,
-Dégager du sens,
-Percevoir les relations à l’intérieur de la matière et entre la matière et la réalité,
-Interpréter et comprendre le monde,
-Agir et interagir avec son environnement,
-Interagir avec ses pairs,
-Interagir avec des personnes extérieures,
-Se développer personnellement,
-Améliorer sa qualité de vie.
Enseigner c’est :
-Transmettre de l’information,
-Faire passer un savoir
-Gérer des interactions
-Accompagner l’apprentissage,
-Favoriser un changement de conception
Une Flipped Classroom ou « classe inversée » est une stratégie pédagogique où :
- La partie transmissive de l’enseignement (exposé, consignes, protocole…) se fait à distance en préalable à une séance en présence, notamment à l’aide des technologies (exemple : vidéo en ligne du cours, screencast, lecture de documents papier, préparation d’exercice…) ET
- Où l’apprentissage basé sur les activités et les interactions se fait « en présence » (ex : échanges entre l’enseignant et les étudiants et entre pairs, projets de groupe, activités de Laboratoire, séminaires, débats, peer instruction et evaluation…)
Hybridation et Innovation : une nouvelle considération des concepts présence/distance et enseigner/apprendre… d’espace (mobilité)/de temps (flexibilité)
La vidéo de Bernard Stiegler et Michel Serres contenue dans l’exposé de Marcel Lebrun :
« L’individu se trouve « obligé » de s’adapter à des modèles pseudo-sociaux qu’il n’a pas produit lui-même (et qui n’ont donc rien de « sociaux »). Ce n’est pas la technique qui est toxique mais notre incapacité à la socialiser correctement . » Bernard Stiegler
« Avec le numérique, des processus… intra-psychiques se trouvent extériorisés, objectivés. On n’a pas le cerveau vide… on a le cerveau libre. » Michel Serres
L’intervention de Serge Tisseron : Quels sont les territoires numériques investis par la jeunesse aujourd’hui ? Qu’est ce qui se joue dans les nouveaux réseaux sociaux ? Dans quelle mesure est-il nécessaire d’apprivoiser les écrans ?
La culture du livre : une culture de l’Un :
Un seul lecteur / Un seul auteur / Une seule tâche réalisée à la fois / Chaque tâche est réalisée avec le souci qu’elle soit « unique » / La relation aux savoirs s’exerce dans un seul sens : vertical.
La culture numérique : une culture du multiple :
Plusieurs écrans simultanés / Plusieurs spectateurs / Plusieurs créateurs (créations collectives) / Plusieurs tâches sont menées en parallèle / Les tâches sont toujours inachevées et provisoires / La relation aux savoirs se déploie dans des directions horizontales (sur le modèle Wikipédia)
Prendre en compte la révolution numérique, c’est : Encourager le travail collaboratif des élèves : la classe inversée, le tutorat.
Côté pensée : La culture du livre : elle favorise :
La pensée linéaire fondée sur la temporalité sur le modèle du langage / les apprentissages par pratique répétitives
La culture numérique : elle favorise :
La pensée spatialisée / les apprentissages par changement de stratégie et inhibition des apprentissages antérieurs.
Prendre en compte la révolution numérique c’est :
1. Utiliser des supports visuels scolaires et extra scolaires (valoriser les productions numériques des jeunes : « une école, un site, des jeunes pour l’alimenter »)
2. Favoriser le passage du visuel au narratif.
Faire raconter les expériences d’écran (jeux vidéo).
« Jeu des 3 figures » : part des images, construire des histoires
En terme d’identité : La Culture du livre :
L’identité est stable, unifiée / donne un statut d’exception aux formes verbales de la symbolisation : parole et écriture (le mot de symbolisation leur a d’ailleurs longtemps été réservé)
La culture numérique :
L’identité est définie en référence à l’espace social. Valorise les formes non verbales, imagées et sensori-motrices, de la symbolisation et de la communication.
Exemple des réseaux sociaux :
Changement d’identité,
Penser que son point de vue peut intéresser,
Communiquer en utilisant à la fois des mots, des images et des pantomimes.
Prendre en compte la révolution numérique, c’est :
-Encourager la fabrication d’objets multimédias associant du texte, de la mise en page, des images fixes ou animées,
-Encourager les débats et les controverses entre 2 élèves qui défendent chacun un point de vue opposé en jouant un rôle,
-Le jeu des 3 figures : fait jouer successivement plusieurs rôles aux enfants.
En terme de liens : la culture du livre :
Les liens privilégiés sont de proximité physiques et/ou généalogiques (famille),
L’autorité est assurée par la reconnaissance que donne le pouvoir centralisé.
La culture numérique :
Les liens privilégiés sont organisés par le fait de partager un intérêt,
L’autorité est fondée sur la reconnaissance des pairs : projets bottom up,
La régulation repose sur tous les participants.
Exemple des jeux vidéos :
-Changement d’identité
-Prise collective des décisions
-Autorité fondée sur la compétence
-Tutorat
Prendre en compte la révolution numérique, c’est :
1. Encourager les débats et les controverses dans lesquelles 2 groupes (et plus seulement 2 élèves) argumentent des points de vue opposés
2. Favoriser le tutorat entre pairs : le meilleur apprentissage est celui qui passe par la reformulation des savoirs
Dangers : Culture du livre : Réduction des compétences aux apprentissages par cœur => inhibe la créativité
La culture des écrans : Dispersion (pensée zapping) personnalité immergée dans chaque situation nouvelle sans recul cognitif ni temporel, et donc sans conscience de soi.
Avantages : culture du livre : Développe la pensée narrative, apprend à s’approprier sa propre histoire en s’en faisant narrateur
Culture des écrans : développe la pensée spatialisée, apprend à faire face à l’imprévisible
Conclusion : l’avenir appartient aux enfants qui seront à leur aise A LA FOIS avec la pensée visuo spatiale des écrans et la pensée narrative de la culture du livre. Et capables de passer de l’une à l’autre.
L’intervention d’Eric Viennot : les pratiques numériques inventent-elles de nouveaux modes d’écriture ?
Eric Viennot est directeur de la création du studio Lexis Numérique, auteur des « Aventures de l’Oncle Ernest » et concepteur de démarches transmédias.
Eric Viennot nous a montré l’évolution des récits et des structures narratives, l’introduction de l’interactivité, ses débuts, son évolution et maintenant la construction fascinante d’un récit avec les joueurs/lecteurs/visionneurs, comme Alt-Minds. On commence spectateur de la série, et on en devient protagoniste.
« La littérature raconte des histoires. Le cinéma filme des histoires. Les jeux vidéo permettent d’interagir avec l’histoire » Dan Houser, créateur de la série GTA.
Le transmédia qu’est-ce que c’est ? C’est l’art de raconter une histoire en utilisant différents médias simultanément et de manière complémentaire.
Exemple de structures narratives interactives : 3 choix différents, 10 étapes, 88 573 fins différentes. Bienvenue dans le monde de l’action et de la création (combien de neurones assembles faut-il pour imaginer, créer et réaliser tout cela ?...)
Les nouvelles écritures sont : Non linéaires, Interactives, Participatives, Engageantes, Transmédia.
Regarder passivement une série ne disparaîtra peut être pas, mais le spectateur deviendra de plus en plus un protagoniste de l’histoire… jusqu’à devenir auteur ?! (je pense de fait à l’intervention d’Antoine Chotard sur les Boussoles de Cenon 2013, le second écran qui voulait être 1er écran à la place du 1erécran)
Intervention de Jean-Luc Velay : Podcast complet de l’intervention et interview vidéo à disposition dans l’application du PDN.
Quelques liens : un mini-sujet traité lors du journal de France 2 qui résume beaucoup mais finalement plutôt bien l’intervention de JL Velay :
Des publications supplémentaires de l’auteur :
Bon voilà, je ne vous cache pas que j’attendais beaucoup cette conférence, juste pour avoir une réponse. Une réponse claire, net et précise : alors l’écriture manuscrite, on arrête ou on continue ?
Et finalement, c’est pas si simple. (Forcément)
On peut noter que pour mener son étude, Jean-Luc Velay a eu du mal à trouver des enfants scolarisés qui n’avaient pas encore commencé à apprendre à écrire. C’est sûr, il y a une pression pour que les enfants « produisent » dès qu’ils franchissent le seuil de l’école maternelle : écrire son prénom étant la 1ère grande étape (pour les parents)…
Nos mouvements façonnent nos représentations cognitives. Quand on écrit à la main on développe certaines facultés, certaines zones de notre cerveau s’activent. Ecrire (manuellement) permettrait de mieux lire, car on reconnaît les lettres que l’on a façonnées et aussi peut être de parler : "les commandes motrices de l’écriture sont émises par hémisphère qui gère le langage".
Les interactions avec les outils numériques changent les mouvements, et les réduisent, aussi bien sur les actions d’écriture, de dessin ou de lecture. « L’investissement corporel est moindre quand on utilise les outils numériques ».
Les avantages de l’écrite dactylographiée (par clavier) :
- Plus facile : permet aux personnes qui ne peuvent écrire manuellement pour des raisons diverses ou variées de pouvoir écrire (cf travaux de David Hébert
http://www.slideshare.net/fullscreen/DavidHebert/zrc-41/1) et donc de favoriser leurs apprentissages. Permet aussi, dans la mesure où l’écriture est un geste compliqué (que l’on apprends sur plusieurs mois/années) de placer les apprenants dans une situation de succès et non d’échec, donc d’avancer plus vite sur d’autres apprentissages (on libère de l’action de cerveau – cf Michel Serres et Bernard Stiegler)
- Le texte produit est toujours lisible : donc on s’attache à ce qu’il raconte et non à la forme qu’il peut avoir.
En conclusion : JL Velay précise bien qu’il faut absolument prendre du recul avant toute mesure générale qui viserait à développer l’écriture dactylographique uniquement, car nous ne connaissons pas l’impact réel sur les gestes induis par l’écriture manuscrite. (lecture/langage)
Il pose toutes ces questions : « Peut-on continuer à enseigner une façon d’écrire qui est de moins en moins utilisée ? » « Quel est le rôle de l’enseignant ? » « L’écriture est-elle simplement un outil de communication ? » « Quid des mathématiques ? » « Quel est l’avenir de l’écriture en général avec les progrès de la reconnaissance vocale ? »
Intervention de Milad Doueilhi : historien des religions et titulaire de la chaire de recherche sur les cultures numériques à l’Université de Laval à Québec, Auteur de « pour un humanisme numérique »
La culture numérique nous conduit-elle vers un nouvel humanisme ? Quelle place pour l’Homme derrière les écrans ?
Milad Doueilhi a commencé par délimiter les notions d’informatique et de numérique.
« Informatique : c’est une science particulière, elle est récente et est devenue une industrie. Cette industrie est devenue culture depuis une dizaine d’années, en mutant et en transformant à la fois le social, la temporalité, et les rapports avec l’espace. L’informatique nous a invité au début, incité plus tard et maintenant nous oblige à modifier notre regard sur notre héritage (patrimoine, histoire, archives) et à réfléchir autrement sur la manière dont notre identité se décline et transforme le lien social. »
« Les effets du numérique ont modifié le rapport avec le temps et la temporalité. Nous avons constaté accélération, rapidité, augmentation des flux, immédiateté : ça a modifié notre rapport à l’espace et la spatialité.
L’humanisme : L’humain ne peut exister dans l’espace sans le modifier. On est nés architectes. Notre rapport avec le corps, dans sa présence, son comportement et son statut, dans l’espace et la civilisation jouent un rôle important de valorisation et d’orientation culturelle et symbolique, ce qui modifie le rapport au travail, au privé, au social. Et donc le rapport à l’apprenant et à l’espace d’apprentissage. »
« En prenant pour exemple l’œuvre de Claude Levi-Strauss, quand on regarde les grandes mutations de la civilisation : l’émergence d’une invention est toujours associée à une forme d’humanisme :
1/ La renaissance => humanisme, jugé par C Lévi-Strauss comme aristocratique est associé à une pratique culturelle et linguistique qui n’est pas accessible à tous et à la majorité => le statut du document à ce moment-là : le modèle du document est alors défini par sa généalogie et sa transmission par les autorités jugées compétentes (ceux qui les jugent compétentes peuvent être considérés comme des « happy few ».)
2/ 19eme siècle jugé par Claude Lévi-Strauss : siècle bourgeois et exotique. « Exotique » : l’iinde et la chine ont amené la méthode comparative et incité à revisiter la chronologie, la manière de se raconter sa propre histoire => le statut du document s’est donc élargi, il n’est plus restreint, il peut être modifié.
3/ 3ème étape définie par C Lévi-Strauss : Démocratique : durant laquelle l’oralité fait son apparition, l’écrit n’est plus seul et de fait, le mythe, la structure du mythe va démocratiser la structure humaniste. Le statut du document est ainsi celui-ci : il accueille et accepte des variations
Pour Milad Douheilhi, on peut donc maintenant définir une 4ème étape : l’étape numérique : invite à revisiter et remodifier la manière dont on a pensé les documents : la relation humaine est devenue le document par excellence, on est passé du contenu à une survalorisation de la relation humaine : exemples concrets : les « like » et les « followers ».
Si on fait une analogie avec la phénologie :
1. Naissance de la rationalité : philosophie grecque
2. Siècle des lumières : optimisme de la pensée
3. Clivage entre les sciences humaines et sociales ; sciences de l’esprit et les sciences exactes.
Ce sont les sciences exactes qui ont modélisé les critères de la véracité par la mesure et la précision. Comment maintenant valoriser l’apport des sciences humaines et sociales ? On est entré dans une ère de la mesurabilité. Donner du poids, du pouvoir, de la pertinence.
Pour Milad Douheilhi : le Paradigme de l’index : le moteur de recherche est comme un index qui pointe ce que l’on cherche. L’algorythme de Google a déjà beaucoup évolué.
« On est passé aujourd’hui de l’index à un modèle de recommandation sémantique : associer des catégories formelles, logiques pour donner un identifiant à un objet qui existe dans les archives.
Ce contexte de pertinence évolue, et à cette recommandation sémantique s’ajoute le réseau social de l’identité de qui cherche quelque chose : géolocalisation, réseau personnel propre. Le modèle de l’aide à la prescription change. On passe du modèle de l aide a un modèle de prescription informatisé" (du hasard a la nomination). On réinvente la sociabilité. Cela va considérablement changer l’accès et la valorisation des connaissances.
Nos enjeux seront de faire coïncider les datas archivées (traces numériques) aux valeurs sociales et humaines. »
Le mot de la fin a été le suivant, prononcé par Françoise Maine : "Continuons à Oser, lever les peurs, colporter les bonnes pratiques..."
Voilà … c’est fini… enfin non, pas du tout en fait. Rien ne se fini vraiment jamais… :
Pour suivre les actualités numériques de l’enseignement catholique c’est par ici :
Dernière modification le dimanche, 24 juillet 2016