Voilà. C’est fait, cela doit être la saison, la morosité ambiante, les manifs des bonnets rouges, que sais-je ? Il fallait s’y attendre, je suis atteint du syndrome de la page blanche. Ou de l’écran blanc. Comme vous voulez.
Il fallait s’y attendre, vous dis-je, c’est bien arrivé aux plus grands…
J’ai sous le coude pas moins de cinquante-cinq (55 !) brouillons de billets qui sont là, à attendre sagement que je les finisse, que j’aboutisse enfin à traiter le sujet qui a motivé que je les commence… Bien souvent, il ne s’agit que d’idées, comme ça, ou de liens vers d’autres articles sur lesquels je me sens obligé de réagir… Ou encore ce sont des grognements, des agacements, des prurits, des frissons que j’ai du mal à traduire en vrais et grands coups de gueule…
Je me propose aujourd’hui d’en faire le tour, l’un après l’autre, du plus ancien au plus récent. Et puis, après tout, si vous avez des idées, faites m’en part, j’essaierai peut-être de développer tout ça… À l’occasion.
1. Quelques errances de la pédagogie avec le numérique avaient commencé à sérieusement m’agacer, le B2I, sur lequel je suis revenu plus tard et certains jeux, ces fameux « serious games » qui servent de produit d’appel éducatif à l’industrie du divertissement… Passons. C’est trop tard.
2. Je voulais m’attarder sur la grande solitude du professeur dans sa classe, une drôle de situation, non ? Un anachronisme, sans doute.
3. Commenter la énième enquête du Credoc, c’était alors mon propos… Encore trop tard !
4. Écrire pour être lu… C’est le titre que j’avais choisi pour ce billet, allez savoir pourquoi ! C’était un jour où, sans doute, la lecture de certains tweets où leur auteur est manifestement en mode « écriture seule » m’avait un tantinet agacé…
5. « Arrêter de parler pour mettre les élèves au travail… », une belle phrase que j’avais lue dans je ne sais plus quel billet et que je voulais commenter. J’y ai renoncé. C’est une phrase un peu cruelle certes, mais qui, chacun le sait bien, peut s’appliquer à nombre de professeurs. Malheureusement…
6. C’est un brouillon de billet que j’avais titré « Le numérique éducatif, pourquoi ça traîne » où j’énumérais les raisons qui me semblaient répondre à cette question, un sujet sur lequel je suis revenu plus tard.
7. Cet article était intitulé « L’Internet ouvert, neutre, interopérable, à très haut débit, pour tout le monde, tout de suite… » un jour où je devais être en mode rêveur et bisounours…
8. J’étais résolu ce jour-là de m’adresser « À mes camarades les profs docs » dont le comportement de veille craintive, parfois, sur les réseaux sociaux, avec des comptes verrouillés, m’agaçait au plus haut point… et m’agace toujours car rien n’a changé.
9. Appeler dans ce billet à la désobéissance pédagogique, c’était ma façon à moi de soutenir les collègues à qui une administration sourcilleuse cherchait des noises parce qu’ils utilisaient Twitter avec leurs élèves. Mais Sabine Blanc l’a dit tellement mieux que moi !
10. Écoute-moi et reste assis… Une bonne image vaut mieux qu’un long discours.
11. C’était un long billet argumenté à propos du jeu trouble auquel me semblent prendre part les 7 lobbys que j’avais repérés et qui freinent des quatre fers pour l’introduction du numérique à l’école. Sans doute le plus long billet auquel j’ai finalement renoncé.
12. Je voulais m’attarder sur le pilier 4 du socle, dont la présence m’apparaît toujours comme incongrue. J’en ai parlé plus tard, différemment.
13. En deux mots, je voulais évoquer le statut de l’erreur et du brouillon à l’ère du numérique. Mais, encore une fois, d’autres l’ont dit mieux que moi.
14. « Enseigner avec les Tice, c’est d’abord enseigner tout court… », une évidence dont j’ai beaucoup parlé par ailleurs.
15. « Moins on parle des Tice, mieux se porte le numérique éducatif » disais-je ensuite, pour compenser, sans doute.
16. « Pourquoi il faut apprendre à coder à tous nos élèves » disait Delphine Régnard, dans un billet qu’elle a beaucoup remanié depuis. Je voulais réagir alors en lui proposant d’envisager les choses de manière différente « Voilà pourquoi il faut tout apprendre à nos élèves… ». Coder, pourquoi pas ?, mais publier aussi et surtout, et s’exprimer encore…
17. Je voulais parler des réactionnaires. Qui étaient-ils à l’époque ? Ils sont si nombreux !
18. Des commentaires à faire sur l’enquête Profetic… auxquels j’ai renoncé.
19. « S’il vous plaît, puis-je enseigner ? ». De quoi s’agissait-il ?
20. « L’arnaque de haute volée ». C’est comme les réactionnaires, il y en a tellement ! De laquelle s’agissait-il ? Je n’avais que le titre.
21. Il était alors question de réagir à un article d’Emmanuel Davidenkoff qui notait que les professeurs prenaient volontiers la parole et que cette dernière pesait enfin dans le débat éducatif. J’avais titré mon billet « On n’est jamais mieux informé que par soi-même… ». N’est-ce pas ?
22. « Le numérique signe-t-il la fin du manuel scolaire ? » m’interrogeais-je ensuite… Il faudra que je finisse mon propos avant qu’on entende les premiers cris de la lente mais certaine agonie.
23. Avec d’autres dans l’actualité du moment, je me demandais comment il était possible d’éduquer à Internet sans avoir accès à Internet. Curieux paradoxe que vivent tous les jours de nombreux professeurs qui souffrent de l’étroitesse et de l’encombrement des tuyaux qui les connectent, eux et leurs élèves, à Internet. J’y reviendrai, mais on part de très loin sur ce sujet.
24. Je souhaitais alors poser la question du désir de formation qui me semblait bien absent des mentalités de certains professeurs face au numérique.
25. Voici les six premières lignes que j’avais écrites « Le numérique contribue en effet à améliorer l’efficacité des enseignements. Il constitue un pilier de la refondation pédagogique : il permet notamment de développer des pratiques pédagogiques plus adaptées aux rythmes et aux besoins de l’enfant, de renforcer l’interactivité des cours en rendant les élèves acteurs de leurs propres apprentissages, d’encourager la collaboration entre les élèves et le travail en autonomie » à propos du débat des rythmes scolaires qui me semblait bien dévoyé.
26. Je voulais plaider pour une nouvelle nétiquette…
27. Fréderic Taddéi faisait le constat, sur Newsring, que seul l’art n’avait pas changé depuis vingt ans. J’osais poser la question : l’école avait-elle vraiment changé depuis 20 ans ? Je n’ai pas encore répondu.
28. En tout cas, si elle n’avait pas changé, je me demandais ensuite si le numérique ne la contraignait pas à avancer et à innover.
29. Convient-il alors, pour la faire avancer, de hacker l’école ? La réponse est oui.
30. Hadopi m’avait fait, une fois de plus, beaucoup rire en publiant à l’époque, en février dernier,une étude sur les « digital natives ». Tenez-vous bien, l’étude, de laquelle Hadopi tire des conclusions sérieuses, portait sur un panel de… 6 groupes de 4 à 5 participants (sic). Bon, on ne tire pas sur l’ambulance.
31. « Faire classe ouverte », qu’est-ce que ça veut dire ? J’en ai déjà parlé, il faut pouvoir déplacer les murs de la « classe », faute de pouvoir les casser vraiment…
32. J’avais à peine alors commencé un article sur les ENT auquel j’ai renoncé pour ne pas avoir à me fâcher avec beaucoup de monde…
33. Plusieurs articles m’avaient fait réagir, à l’époque, et m’avaient incité à commencer un billet à propos de l’écrit dont Internet, contrairement à tous les pronostics des exégètes et des zélateurs du multimédia, a définitivement scellé la prééminence. Qui aurait pu croire ça ?
34. Un autre jour de pessimisme me faisait écrire, à propos de coopérer et de collaborer, entre enseignants : « Personne, jamais, contrairement à d’autres formes de travail, ne pourra imposer à un professeur de coopérer. C’est trop compliqué, ça remet en cause le pouvoir d’être seul. Le problème, c’est que cette solitude est une désespérance. » Comme bien souvent lorsque les professeurs ont aussi parfois tendance à me désespérer, je finis par renoncer. Je manque de courage.
35. Lors du dernier colloque qui rassemblait les auteurs d’Educavox, Gilles Braun, conseiller du ministre pour le numérique, justifiait l’option ISN, informatique et sciences du numérique, par la volonté du gouvernement de résorber le chômage et de répondre aux besoins de l’industrie. Si, si. Ça m’a passablement énervé. Et puis je me suis calmé.
36. Alexandre, jeune collégien, avait accepté sur le blog d’é.l@b, d’écrire un billet plutôt étonnant et intéressant sur ce qu’il pensait de l’engagement numérique de l’école. J’avais eu envie de lui répondre et de débattre avec lui…
37. « Le risque, c’est la vie. On ne peut risquer que sa vie. Et si on ne la risque pas, on ne vit pas ». Cette citation d’Amélie Nothomb est reprise dans un un superbe document élaboré par les Belges de yapaka.be qui traite des adolescents et des risques qu’ils prennent. J’avais eu, à l’époque, l’idée de réagir à ce sujet, de dire plutôt mon plein accord avec l’essentiel des réflexions qui y sont avancées.
38. Le numérique est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seules mains des informaticiens… Et puis je me suis arrêté là… Je sens que je vais encore me faire des amis.
39. Je me suis interrogé, en lien avec l’actualité, si on n’allait pas, dans les académies, vers la gouvernance numérique par les collectivités. Une question restée sans réponse mais sur laquelle il faudra bien revenir, car même les collectivités n’y croient pas, elles-mêmes. Et pourtant
40. « Le danger, c’est vous. Vous qui vivez terrés dans la peur d’une cyber-menace indéfinie. » disait Loïc Gervais en s’adressant aux professeurs des écoles ou des collèges qu’il visitait à leur demande. J’ai commencé un article dans lequel j’apportais mon soutien et des éléments de compréhension. Et puis, comme d’habitude lorsqu’il s’agit des collègues enseignants, je n’ai pas eu le courage de leur faire de nouveaux reproches.
41. Mon propos était de réagir, de manière assez confuse, ce qui m’a obligé à finalement renoncer, à la parution de l’arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation. Ce qui était en rapport avec lescompétences pour Intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice du métier me semblait représenter une vision strictement utilitaire et bien réductrice. J’ai eu l’occasion d’évoquer ces aspects dans d’autres billets depuis ce jour-là…
42. J’avais commencé à collecter un certain nombre de liens à propos d’un événement qui avait défrayé la chronique : les propos étonnants du ministre de l’éducation concernant le traitement de l’actualité à l’école — en l’occurrence les manifestations pour ou contre le mariage des homosexuels. Je voulais rappeler que parler de l’actualité a toujours été au centre des préoccupations de ceux qui, par l’éducation aux médias, tentaient d’améliorer les compétences citoyennes des élèves… J’aurais voulu le rappeler…
43. « Il s’agit d’éduquer les citoyens pour qu’ils ne soient pas que des consommateurs, » répondait Bernard Benhamou à propos des internautes dans une interview à Libération. J’aurais aimé appuyé ce propos et militer, moi aussi, pour un Internet plus citoyen que consommateur, changer l’approche trop souvent convenue…
44. Internet est là, et il restera là. Changez. Ou disparaissez. Je ne sais plus à qui s’adressait une telle diatribe. Je devais être passablement énervé. J’ai oublié…
45. Chic ! Une liste… J’ai commencé ensuite — c’est plus récent — un billet où je proposais ironiquement 10 trucs pour s’engager dans le numérique sans matériel, lassé sans doute d’entendre se plaindre pour cette seule raison tous ceux qui se contentaient de regarder les trains passer…
46. Encore un coup de sang contre les penchants utilitaires et consuméristes du numérique : « Les outils qui cachent l’inculture ». C’est tout de même incroyable, tous ces gens qui s’attardent sur ces outils pour des raisons diverses et sont incapables de parler d’autre chose ! J’apprends aujourd’hui qu’au ministère, on réfléchit à l’usage des tablettes ! On réfléchit ! Eh bien tant qu’on ne fait que réfléchir, le numérique n’avance guère et, à supposer qu’on ait fini de réfléchir, n’envisager que les usages des tablettes ne fera pas non plus avancer le schmilblick…
47. Encore un autre marronnier qui m’agace au plus haut point : le cyberharcèlement, dont le traitement, par ailleurs fort utile, est aussi utilisé par tous les contempteurs du numérique pour dénoncer les turpitudes de l’Internet. Toujours le même réflexe : casser le thermomètre quand on a la fièvre ! Et si on parlait d’abord d’autre chose ?
48. La maintenance des matériels semble devoir être enfin confiée aux collectivités. Mais rien n’avance, sur ce sujet comme sur bien d’autres. Quelle entreprise accepterait que son matériel informatique ne soit ni administré ni maintenu ? Quel gâchis d’argent et de ressources humaines !
49. L’école au croisement des chemins : un beau titre pour réagir à un bouquet de billets sur les enjeux de l’engagement numérique de l’école. J’ai déjà tant écrit sur ce sujet…
50. Ce jour-là, j’étais sans doute encore en colère ! Allez, je vous livre ce que j’avais écrit sans me rappeler ce à quoi ça correspondait : « Que ceux qui n’innovent pas veuillent bien faire autre chose ! ».
51. Un autre sujet qui me tracasse et à propos duquel il y a sans doute tant à dire : peut-on être prof à vie ? Je n’ai pas encore la réponse circonstanciée. Je penche néanmoins pour le non. Si.
52. J’avais déjà fait ça une fois — n’est-ce pas @anne_id ? — mais j’ai eu envie de réagir à ce qu’avait écrit dans son profil ma 3 326e abonnée sur Twitter (non, vous ne saurez pas son nom) : « Je n’enseigne pas le numérique. J’enseigne avec le numérique. Et d’autres outils. ». Houlà, avais-je commencé à écrire ! J’aurais aimé, si j’avais pris mon temps, lui dire que le numérique n’était pas un outil et que je trouvais dommage qu’elle ne l’enseigne pas, surtout quand on est, comme elle, professeur des écoles en maternelle. Oui, dommage !
53. Alors, celui-là, il est tout récent, et je pressens que je ne vais pas l’écrire tout de suite. Je l’ai intitulé provisoirement : « Éducation en ligne : on se calme, on réfléchit… ». Je n’aime pas les modes et les consensus et le discours ambiant sur l’e-éducation (quelle horreur !) et sur les MOOC. Trop de contentement de soi, de certitudes, d’économie louche derrière la façade, trop d’erreurs aussi avec la confusion de l’enseignement à distance et de l’enseignement en ligne qui n’ont pas grand-chose à voir l’un avec l’autre, trop d’indifférence voire de mépris pour l’enseignant et l’enseignement en présentiel, les yeux dans les yeux, trop de bidouilles et si peu de pédagogie ! Il y a trop d’articles sur tout ça en ce moment. Je réagirai plus tard, quand tout le monde sera calmé.
54. Un corpus incohérent de ressources non validées et non didactisées… Ça, c’est l’internet. Et tout le monde s’en sert, fort heureusement. Et les éditeurs et leurs copains des ministères continuent à vouloir nous vendre des corpus cohérents de ressources validées et didactisées ! Ils n’ont rien compris. J’y reviens bientôt, promis.
55. « C’est nul, ici, il n’y a pas de Wi-Fi », disait une jeune fille de 10 ans en présence de Laurence Bee. Ça m’a fait beaucoup rire ! Sans doute cette même phrase a-t-elle été pensée déjà des milliards de fois et prononcée aussi par des millions de collégiens dans leurs classes respectives ! Je vous en reparle bientôt.
Vous êtes bien aimables de m’avoir lu jusqu’au bout. Je vous en remercie sincèrement. Soyez encore plus gentils, aidez-moi à sortir de l’impasse dans laquelle je suis devant mon écran : de quoi souhaitez-vous que je vous entretienne en priorité ?
Retrouvez Michel Guillou sur Twitter : @michelguillou
Dernière modification le vendredi, 10 octobre 2014