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Photo Credit : giulia.forsythe via Compfight cc - Article publié le 12 juin 2013 par Matthieu Cisel sur son blog EducPros. Accès à l’article.
Le 25 mars, le Monde publiait un article au titre provocateur "Les MOOC à l’assaut du mamouth". Il faisait référence à l’attaque en règle menée par les plus prestigieux des établissements américains sur l’enseignement en ligne. 
La libération du code de la plate-forme edX il y a moins de deux semaines vient de changer les règles du jeu et permettre à une nouvelle catégorie d’acteurs d’émerger : les particuliers. Tout professeur armé de suffisamment de temps et de volonté peut désormais organiser un cours pour l’ensemble de la planète, à condition qu’il dispose d’un peu de soutien. Ce privilège n’est plus réservé aux enseignants d’établissements prestigieux qui ont la chance de pouvoir aller sur Coursera. Cette décision donne potentiellement des ailes aux édu-hackers. Retour sur cette catégorie méconnue d’hacktivistes, désormais en mesure de devenir des acteurs de poids dans le champ de l’éducation et de l’enseignement supérieur.

La définition de édu-hacker est assez flexible. Le terme peut désigner aussi bien des acteurs institutionnels qui proposent de nouvelles méthodes d’enseignement, que des personnes rattachées à l’institution mais qui n’agissent pas dans ce cadre, ou même des personnes n’appartenant pas à l’institution. Ils partagent en général les valeurs du mouvement hacker : licences libres (comme c’était le cas du MOOC GdP), esprit d’initiative et débrouillardise. Alors que le terme est surtout associé aux pirates informatiques dans l’imaginaire collectif, il s’est étendu depuis quelques années à beaucoup d’autres domaines : comme l’électronique avec le mouvement Arduino, la biologie (cf. le mouvement DIY Bio et La Paillasse), ou d’autres disciplines scientifiques.
 
Dans le domaine de l’éducation, le concept est plus flou. En effet, il est difficile de définir un profil type d’édu-hacker tant les pratiques et les motivations des uns et des autres sont diverses. Plutôt que de dresser une liste formelle de critères, je préfère présenter quelques personnages qui s’inscrivent dans la mouvance. J’ai découvert le mouvement au Centre de Recherches Interdisciplinaires de François Taddei. Parmi les personnes qui m’ont marqué au sein des jeunes générations, il y a par exemple Stéphania Durga ; elle a fondé Hackidemia, et organise à travers le monde des ateliers au cours desquels les enfants apprennent en construisant. Le projet, d’inspiration constructionniste, s’inscrit dans la philosophie du Learning by Doing. Les enfants apprennent à mettre au point des appareils simples avec le matériel à leur disposition, fait de bric-à-brac, d’électronique, etc. Stéphania va de ville en ville, du Nigéria au Brésil en passant par l’Europe, construisant peu à peu un réseau d’ateliers, cherchant ainsi à diffuser cette pratique.
 
Parmi les enseignants que j’ai rencontré qui s’inscrivent dans cette mouvance, il y a Muriel Epstein, qui s’intéresse aux jeunes en décrochage scolaire (elle a fait sa thèse sur le sujet). Elle monte le projet Transapi  ; l’idée est de mettre en place un lieu de travail et de rencontre à Paris ouvert à tous les jeunes qui souhaiteraient réintégrer le système mais pour qui les solutions offertes par les pouvoirs publics n’ont pas marché. Les lycéens sont en première ligne, sans que cela leur soit exclusivement réservé.
 
Revenons à edX. N’importe qui peut désormais installer la plate-forme et lancer son MOOC. Les premiers concernés sont bien sûr les établissements d’enseignement supérieur, qui peuvent mettre en place leur propre portail. A l’échelle d’une université, on peut citer l’exemple de l’University of Western Australia, qui a organisé par ses propres moyens une demi-douzaine de MOOC avec la plate-forme Class2go, avant que celle-ci ne rejoigne edX. On peut également imaginer que des établissements se regroupent en consortiums pour acquérir plus de visibilité, ou même une plate-forme nationale basée sur edX, comme nous l’avions évoqué dans le billet MOOC, a-t-on besoin d’une plate-forme française ? Cependant, n’oublions pas que les établissements ne sont pas les seuls à pouvoir adopter cette tactique.
 
Les édu-hackers n’ont certes pas la puissance de feu des établissements ni des pouvoirs publics, mais ils disposent d’un avantage non négligeable : la vitesse. Dans la mesure où ils restent dans la légalité, ils n’ont pas de contraintes administratives, et sont flexibles dans leur organisation. Certains se lanceront peut-être seuls et mettront en place leurs propres cours, mais je suis sceptique quant aux succès de telles initiatives, car réussir un MOOC il faut de la visibilité, et une équipe de 4-5 personnes, sans compter l’administration de la plate-forme. Les édu-hackers n’auront une chance d’exister que s’ils se regroupent et se spécialisent. Nous discuterons dans de prochains billets des modes d’organisation possibles.
 
Concernant les méthodes d’enseignement, il y a alors plusieurs stratégies possibles : la première consiste à se placer dans le cadre de l’innovation pédagogique et d’une démarche très éloignée de l’approche institutionnelle. Les MOOC serviraient alors d’une part d’expérimentation, d’autre part d’outil de diffusion de ces idées. La seconde option consiste à suivre une pédagogie plus traditionnelle, une logique transmissive, comme nous l’avions fait pour le MOOC Gestion de Projet. Cette dernière option me semble plus stratégique, car je ne pense pas que l’on puisse faire évoluer un système éducatif simplement en proposant des alternatives trop éloignées de l’idéologie dominante. C’est probablement car ils ont voulu trop innover et refuser la logique transmissive que les cMOOC sont restés marginaux entre 2008 et 2011 (sans compter qu’ils ne bénéficiaient pas de la marque Stanford).
 
Le MOOC Gestion de Projet a prouvé à travers Rémi Bachelet qu’il était possible pour un enseignant de s’imposer sur la scène nationale voire internationale à condition d’être motivé, de disposer de suffisamment de temps et d’avoir une équipe compétente. Si d’aventure ce type d’initiatives devait se multiplier, en particulier hors du cadre académique, alors certains établissements seraient pris en tenaille entre les prestigieuses plates-formes edX et Coursera et les initiatives d’enseignants désireux de s’imposer sur Internet. Ils n’auraient alors pas d’autre choix que de s’adapter et de réagir rapidement pour maintenir leur légitimité.
 
Matthieu Cisel
Dernière modification le jeudi, 16 octobre 2014
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