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Le Musée Van Gogh d’Amsterdam honore son cinquantième anniversaire par une grande exposition consacrée à la période d’Auvers-sur-Oise du peintre Vincent van Gogh (1853-1890). Le sujet n’avait pas été traité et c’est en partenariat avec le Musée d’Orsay qu’a été conçue cette rétrospective sur les deux derniers mois de la vie du peintre. Longtemps méconnue cette ultime phase a pourtant été très productive, Van Gogh a peint au moins un tableau par jour. Il a expérimenté avec audace des couleurs, des thèmes et des formats.

Période de renouveau pictural

Van Gogh s’installe à Auvers-sur-Oise à proximité de Paris, le 20 mai 1890, il a trente-sept ans. Ce village apprécié des artistes est recommandé à son frère Theo par Camille Pissarro, en raison de la présence du Docteur Paul Gachet, médecin spécialisé dans le traitement des mélancolies qui est aussi peintre et collectionneur.

Van Gogh a un coup de cœur : « Auvers est gravement beau... » Comme pressé par le temps, il souhaite saisir « le passage désespérément rapide des choses dans la vie moderne ». Il réalise soixante-quatorze tableaux dont Le Docteur Gachet, L’Église d’Auvers-sur-Oise, Champ de blé aux corbeaux et plus de cinquante dessins. Sa peinture est à la fois simple et très moderne avec une dominante verte-bleue. Pendant cette période de renouveau pictural, Van Gogh porte un regard attentif à la luminosité – il perçoit des nuances violettes, d’infimes détails. Il peint des paysages, des maisons, des natures mortes florales, de fabuleux portraits. A Auvers-sur-Oise, Van Gogh se sent plus apaisé qu’en Arles ou à la maison de santé près de Saint-Rémy-de-Provence : « Il y a beaucoup de bien-être dans l’air. »

L’exposition s’appuie sur une réactualisation des recherches permettant une redécouverte du parcours de l’artiste. Jardin à Auvers-sur-Oise issu d’une collection privée est inspiré de l’art japonais - une référence esthétique importante pour Van Gogh. Des traces de brosses sous forme de points et de petits bâtonnets révèlent des effets de contraste, des touches roses au sol. Les contours sont nettement délimités. Pour ses portraits, il s’essaie aussi à des expérimentations plastiques : format carré, simplification du dessin, couleurs intenses presque fluorescentes en ton sur ton. Deux des trois variantes du portrait d’Adeline Ravoux, la fille de l’aubergiste chez qui il logeait, sont exposées.

Les études graphiques s’appuient sur de nouvelles approches. Van Gogh rassemble différents médiums : encre, craie noire ou bleue, crayons… Il rehausse des dessins au pinceau d’une huile bleue, fait des aquarelles sur des papiers rosé, gris-bleu. Un carnet de croquis contient des motifs paysagers, les villageois et des animaux – il montre l’œil en alerte du peintre : « Il y a beaucoup à dessiner ici. »

 Chaumes de Cordeville à Auvers sur Oise 1

Portait dAdeline Ravoux

Paysage au crépuscule

Racines

 

Une série unique au format dit en double carré

Autour de cette section consacrée aux dessins, des reproductions de cartes postales 1900 d’Auvers-sur-Oise transposent les visiteurs au sein du village, parmi les habitants. La scénographie immersive est particulièrement réussie. Dans une autre salle, différents lieux clés du site sont représentés, Van Gogh a peint dans un périmètre limité à 500 mètres autour du village. Sur un mur-écran sont projetées des diapositives : des vues d’Auvers-sur-Oise, le château, la campagne alentour…

Cette exposition est exceptionnelle car elle réunit pour la première fois onze toiles d’une série unique au format dit en double carré (50 centimètres sur 1 mètre). Ce format d’aspect panoramique a été peint à treize reprises. On y retrouve Champ de blé aux corbeaux qui reflète une « formidable expression du désespoir le plus total » où le ciel est « d’un bleu-noir terrible et mortel ».

Paysage au crépuscule est une merveille par l’effet du soir sur le château et ses différentes touches jaunes scintillantes. Sous-bois avec deux personnages crée une atmosphère d’étrangeté, dans une de ses lettres Van Gogh en fait la description : « Des troncs de peupliers violets qui perpendiculairement comme des colonnes traversent le paysage ». Il est rare de voir des personnages dans ses derniers tableaux, ce qui est caractéristique d’un sentiment de solitude qui s’aggrave et renforce son mal-être. Pour ses toiles des champs de blé, les paysans au travail n’apparaissent pas. Racines d’arbres peint le 27 juillet 1890 (date de la tentative de suicide de Van Gogh, il meurt le 29 juillet 1890) est considéré comme une œuvre abstraite à forte charge symbolique : « Ma vie à moi aussi est attaquée à la racine même » - lettre du 10 juillet 1890. L’emplacement du motif a récemment été identifié par Wouter van der Veen, spécialiste de l’œuvre de Van Gogh. Ce chercheur a également retrouvé dans le grenier de la maison du Docteur Gachet un cadre fabriqué d’après les indications de Van Gogh. Il s’agit d’une baguette simple et plate. Cette découverte est présentée dans l’Espace médiation. Pour la collection Gachet, le Musée d’Orsay a retiré des cadres dorés et sculptés pour les remplacer par ces nouveaux cadres d’une couleur unie, afin de respecter le choix de Van Gogh dans la présentation de ses tableaux.

Auteur : Fatma Alilate

Exposition Van Gogh à Auvers-sur-Oise Les derniers mois
Musée d’Orsay

Commissariat : Emmanuel Coquery, conservateur général, directeur du développement culturel et du Musée de la Bibliothèque nationale de France ; Nienke Bakker, responsable de collection et conservatrice au Musée Van Gogh. En collaboration avec Louis van Tilborgh et Teio Meedendorp, directeurs de recherche au Musée Van Gogh.

Jusqu’au 4 février 2024
Catalogue d’exposition, Éditions Hazan : Van Gogh à Auvers-sur-Oise Les derniers mois

Légendes photos :

"Chaumes de Cordeville à Auvers-sur-Oise" de Vincent Van Gogh (1853-1890) Fin mai – début juin 1890, Huile sur toile, 73 x 92 cm, Paris, Musée d'Orsay Don Paul Gachet fils, 1954 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt 

"Paysage au crépuscule" de Vincent Van Gogh (1853-1890) Vers vendredi 20 – dimanche 22 juin 1890, Huile sur toile, 50.2 cm x 101 cm, Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent van Gogh Foundation) © Van Gogh Museum, Amsterdam (Vincent van Gogh Foundation)

"Racines d’arbres" de Vincent Van Gogh (1853-1890) Dimanche 27 juillet 1890, Huile sur toile, 50.3 cm x 100.1 cm, Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent van Gogh Foundation) © Van Gogh Museum, Amsterdam (Vincent van Gogh Foundation)

"Adeline Ravoux" de Vincent Van Gogh (1853-1890) Vers le dimanche 22 juin 1890, Huile sur toile, 67 × 55 cm, Collection particulière, Courtesy of HomeArt 

Dernière modification le jeudi, 08 février 2024