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Mardi 20 juin 2023, la commission spéciale sur l'espace numérique a organisé une table ronde avec trois associations sur la protection de l'enfance dans l'espace numérique avec : - Arthur Melon, délégué général du Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade) - Olivier Gérard, coordonnateur du pôle "médias-usages numériques" de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) - Angélique Gozlan, membre du comité d’experts de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open)

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, Sénatrice de la Seine-Maritime anime les échanges sur ce sujet " au coeur des préoccupations du Sénat, il s'agit de la protection de l'enfance face à plusieurs phénomènes, particulièrement les contenus pédo-pornographiques et le cyber harcèlement ". Elle rappelle le contexte social et politique avec les propositions de règlement notamment au niveau européen, les travaux entre l'Assemblée et le sénat, les travaux des commissions.

Olivier Gérard, coordonnateur du pôle "médias-usages numériques" de l’Union nationale des associations familiales (Unaf)

Il souligne les enjeux, le foisonnement des actions et réfllexions aujourd'hui. Les évolutions réglementaires n'y suffiront pas il sera nécessaire d'y associer une action collective.

Le rapport de l'Arcom a permis de donner des éléments concrets, des chiffres édifiants, le premier d'accès chez les mineurs étant le téléphone portable. La dernière étude que nous allons publier démontre l'inquiétude des parents notamment sur la question du harcèlement.Les parents sont en attente d'informations.

"Sur les mesures du projet de loi globalement nous notons une avancée positive."

Un point d'alerte cependant un certain nombre de mesures sur le numérique souffre sur le suivi opérationnel et la longueur de la mise en oeuvre. On est face à des urgences avec un enjeu de santé publique et on se heurte à des délais de mise en oeuvre difficiles à justifier auprès des parents.

Le renforcement du rôle confié à l'Arcom s'inscrit pour nous dans une dynamique positive pour aller plus vite.

Le dispositif de vérification d'âge est une avancée importante.

"En ce qui concerne le cyber harcèlement la protection des victimes et la lutte contre le sentiment d'impunité nous semblent nécessaires avec quelques points de vigilance" : avoir une réflexion sur des suspensions en cascades sur les différents canaux de diffusion. L'accompagnement des enfants et des familles sont insuffisants.

Ces enjeux sont éducatifs également, renforcer les approches éducatives, accompagner les parents, l'apaisement passe par cela. L'approche complémentaire aidera à faire face à ces fléaux.

L'usage du numérique par les smartphones : on aurait pu imaginer des mesures spécifiques sur cette question.  Une vraie réflexion à mener...

Arthur Melon, délégué général du Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade)

Il exprime son sentiment de colère à la lecture du projet car il a le sentiment que les deux assemblées votent des lois qui en fait ne sont pas appliquées. Recherche t-on de nouvelles lois pour ne pas appliquer les précédentes ?

L'article 227. 24 du code pénal par exemple qui prévoit des sanctions pour les personnes mettant des contenus susceptibles d'être vus par des mineurs et la loi qui donne à l'Arcom et à la justice de déférencer et de bloquer les sites en question. L'arsenal législatif lui semble suffisant pour s'attaquer au coeur du problème, à savoir que les contenus viennent de 5 plateformes connues. Pourquoi un traitement supplémentaire pour les contraindre à se conformer à la loi alors qu'ils font l'objet de deux procédures judiciaires. (plaintes déposées en 2018 zt 2020)

Il questionne l'utilité d'adopter de nouvelles mesures législatives alors que la Cour de Cassation a rappelé elle même que la loi était parfaitement claire et constitutionnelle. Le tribunal peut donc prendre les décisions qui s'imposent à savoir couper l'accès à ces sites.

En ce qui concerne le projet de loi est-ce à l'Arcom de veiller à ce que ces contenus ne soient pas accessibles aux mineurs ou est-ce aux fournisseurs à veiller à ce que leurs propres contenus ne le soient pas ? Les technologies avancent trés vite on demande à l'Arcom d'être dans une course sans fin ... Le problème serait dans la technique selon les plateformes.

La question de la sécurité et la protection de l'enfant doivent être préalables à toute mise à disposition de contenus.

De plus, les plateformes non domicilées en France peuvent échapper aux pénalisations financières requises...

On parle de retrait de contenus mais derrière ces images il y a des auteurs et des victimes. Pas de mention d'enquête pur identifier les auteurs et les victimes

Angélique Gozlan, membre du comité d’experts de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et psychologue clinicienne

Elle salue ces propositions qui permettent d'envoyer un signal très fort sur l'intérêt politique porté à cette question fondamentale.

Pour autant, elle souligne plusieurs points quant à ce projet de loi : sur le sujet de la pornographie, elle rejoint les positions citées dans ces échanges précédents. Concernant les dispositions pénales il se pose en effet la question de l'application de ces mesures. En ce qui concerne la protection des données il ne s"agit pas de renoncer à la protection de l'enfant qui est prioritaire. Si la carte bancaire est exigée la notion de contôle de l'âge et des donnée personnelles ne se pose plus.

Les régulations doivent se faire au regard de la cohérence éducative.

Cette question est inexistante dans ce projet pour les mineurs et pour les adultes.

Deux points essentiels : la question de l'éducation auprès des enfants et des adolescents, éducation aux médias et au numérique, une éducation sexuelle qui ne soit pas une éducation à la santé, accompagner aini les enfants et les adolescents sur la question du consentement, de plaisir sexuel, de connaissance de son propre corps, de relations sexuelles, de conditions de l'homme et de la femme.

Ouvrir sur ces enjeux permet de développer un regard critique se défendre de certaines représentations véhiculées par la pornographie et de permettre une vie sexuelle dans le respect d'autrui.

Le deuxième point concerne l'implication des adultes pour un accompagnement des enfants dans les espaces numériques. Il est donc important d'aider les adultes, parents éducateurs.. à construire une éducation aux médias et au numérique. Protéger les enfants en implquant les adultes qui les entourent.

Raisonner seulement sur l'évitement de srisques n'est pas suffisant, il est absolument nécessaire de penser prévention et éducation, accompagnement tant des adultes que des enfants et adolescents.

Concernant le cyber harcèlement, toute suppression de compte semble dérisoire puisqu'on peut recéer des comptes indéfiniment. Comment empêcher la création de nouveaux comptes ? Elle rejoint les remarques précédentes sur le fait que les cyber harceleurs peuvent bouger d'un réseau à l'autre. La victime doit-elle alors reconduire son parcours du combattant pour endiguer le harcèlement sur d'autres palateformes ? Que prévoit alors le projet de loi pour faciliter le parcours juridique de la victime ?

Les témoins en ligne : Comment les définir ? Les commentaires non textualisés sont-ils des éléments de harcèlement ? Que prévoit la loi ?

La prévention des comportements de cyberharcèlement ne peut se penser que par cette seule loi législative.

Il est tutopiste de croire que l'interdiction empêche la transgression. Et s'il existe de tels comportements c'est qu'ils sont pré- existants aux usages des réseaux sociaux. Ce n'est pas l'usage de la plateforme qui rend haineux ou agressif, c'est une mise en  lumière de comportements pré-existants;

Que prévoit la loi pour les harceleurs qui sont des personnes ayant des difficultés et sont en souffrance ? Il semble indispensable qu'un suivi soit associé à des mesures de soutien à des réparations psychiques. Il s'agit de mesures dèja existantes, injonction de soins avec prise en charge psychologique et éducative.

Intégrer aux programmes scolaires avec une progression de la maternelle au secondaire des modules d'éducation aux médias et au numérique, sensibiliser les enfants à l'impact émotionnel des images pour éviter la banalisation que l'on retrouve sur les comportements, les sensiliser aux relations de groupe, développer l'esprit critique...La loi dans l'espace réel et numérique doit être affirmée de la même manière.

 

Madame Catherine MORIN-DESAILLY, précise qu'il faut séparer ce qui relève de la loi et ce qui relève des applications que des dispositions d'éducation sont déjà inscrites dans le code d'éducation. En 2011 nous avons inscrit l'obligation de formations de formateurs dans ce domaine, vous avez décliné toutes les applications les modalités et le programme qui doit se mettre en oeuvre. Notre rôle est maintenant de contrôler l'application de la loi. Chaque année, nous ré-interrogeons le Ministre de l'education nationale sur le sujet. De longue date le Sénat a légiféré sur ces questions.

Loïc Hervé, rapporteur : On est conscient de la période dans laquelle nous travaillons. on vient d'apprendre qu'on a trouvé un accord sur la majorité numérique, qu'on attend une décision de justice que le DMA et le DSA vont rentrer dans l'ordre juridique français dès le mois d'août et en début de l'année prochaine, qu'on attend un nouveau texte européen qui n'est pas encore adopté...Si je schématise il faudrait appliquer ce qui existe déjà, attendre, et voir si ça marche. Je ne suis pas de cet avis. Il faut accélérer et massifier car on n'a rien réglé en réalité. La question de l'autorité judiiaire nous démontre qu'il y a très peu d'affaires devant les tribunaux et lorsqu'il y en a elles sont extrêmement lentes à juger. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'affaires devant les tribunaux qu'il n'y a pas de problème.

La proposition de confier à une autorité indépendante qu'est l'Arcom, la définition d'un cahier des charges précis, technique, permettrait d'essayer de contrôler l'âge des enfants, d'accélérer. Donc, aller vers une proposition encore plus opérationnelle mais ne pas tourner le dos à cette nouvelle tentative de trouver une solution à ces problèmes considérables et cela sans méconnaitre toutes les difficultés.

Madame Laurence Rossignol : Une proposition simple: Dès qu'un site n'est pas conforme à la loi 2020 on le ferme ! On bute sur un sujet, le respect de l'anonymat et le respect des consommateurs de porno. On sait aujourd'hui qu'il y a des continuums entre viols, pédo-criminalité et images pornographiques, même si ce n'est pas systèmatique, il faut l'appréhender ainsi. Qu'est-ce qui justifie que ces consommateurs aient droit à l'anonymat qu'aucun autre usager d'Internet ne revendique. Pourquoi ce qui marche pour les jeux en ligne ne peut fonctionner sur les sites pornos ? On a l'impression qu'on vide la mer avec une petite cuillère...

Madame Marie Mercier : J'ai écouté avec une attention soutenue je partage les propos : On sait contrôler l'âge dans l'univers numérique et cela ne fonctionne pas. L'anonymat pour les films payant n'existe pas donc pourquoi pour les sites gratuits ? On a la loi, on n'arrive pas à y répondre ! Ce texte là ne nous aidera pas d'avantage.

Pour écouter l'ensemble du débat

Compléments d'information sur le sujet : 

Vérification de l’âge en ligne : trouver l’équilibre entre protection des mineurs et respect de la vie privée Article publié par la CNIL en juillet 2022 : https://www.cnil.fr/fr/verification-de-lage-en-ligne-trouver-lequilibre-entre-protection-des-mineurs-et-respect-de-la-vie

Les dossiers législatifs : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/majorite_haine_ligne

En 2020 : La proposition de loi votée par la Haute Assemblée impose aux opérateurs de couper l’accès aux sites accessibles aux mineurs, et aux moteurs de recherche de les déréférencer, en cas de non-respect.Le Sénat vote l’obligation pour les sites pornographiques de vérifier l’âge des utilisateurs.

Des acteurs du web ont signé en 2020 un protocole d’engagements pour la prévention de l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne : ils s’engageaient à réduire l’exposition des mineurs aux contenus à caractère pornographique, notamment en encourageant l’utilisation d’outils de contrôle parental, contrôle par les Réseaux sociaux, moteurs de recherche...

Comment imposer des règles à des sites pornographies qui sont souvent hébergés à l’étranger et qui restent accessibles aux utilisateurs d’un VPN ? Des initiatives pour protéger les mineurs de la pornographie avaient déjà été prises en 2005 sous Jacques Chirac, puis en 2017 sous François Hollande. Sans succès.

Travaux parlementaires https://videos.senat.fr/video.3995533_64916733676ae?timecode=5625000

Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1395_proposition-resolution-europeenne#

 A suivre...

Dernière modification le vendredi, 25 août 2023
Laurissergues Michelle

Présidente et fondatrice de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.