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Depuis son invention il y a plus d’un siècle automobile a profondément modifié notre façon de nous déplacer.. Alors qu’autrefois, à pied ou à cheval, on ne parcourait pas plus de quelques dizaines de kilomètres en une journée, on peut « rouler » plus de mille kilomètres aujourd’hui.

La voiture en chiffres

On dénombre plus 1,5 milliard de véhicules automobiles dans le monde en 2023 dont plus de 80% sont des voitures particulières. Leur répartition est très inégale selon les pays si l’on tient compte du nombre de voitures rapporté à la population : 816 pour 1000 habitants aux États-Unis, 530 dans l’UE, 366 au Brésil, 215 en Chine, 109 en Égypte, 44 en Inde, 24 au Bénin 4 au Bangladesh… En France il y a 482 voitures pour 1000 habitants et 85 % des ménages en ont au moins une. Partout sur la planète les usages prédominants sont les trajets professionnels (y compris les trajet domicile-travail) qui devancent les déplacements de loisirs. En distance parcourue par personne et par an la voiture est le en tête des modes de transports dans les pays « du Nord » et dans toutes les métropoles du monde. Ainsi, en France, la distance moyenne par jour et par habitant est de 34 km en voiture et 7,3 km en transport en commun.

La praticité de la voiture à un coût

Pour l’utilisateur

L’ensemble des dépenses annuelles (dépréciation, entretien, carburant…) s’élèvent à de 5000 à 10000€ selon le modèle utilisé (voire beaucoup plus pour le segment luxe)

Pour l’environnement,

la facture se mesure

  • en consommation d’énergies fossiles, : les transports représentent 29 % de la consommation de mondiale de pétrole avec 80 %de cette énergie absorbée pour les transports routiers dont les 3/4 sont effectués en voiture particulière.
  • en production de gaz à effet de serre (GES) : 15 % des émissions de CO2 proviennent de l’usage des voitures des particuliers.
  • en émissions polluantes :oxydes d’azote et particules fines notamment.

D’abord aiguillonnés par les chocs pétroliers de 1973  et 1979, les constructeurs ont développé des motorisations plus sobres et moins polluantes et les pouvoirs publics ont déployé diverses mesures : information du consommateur, modification de la réglementation routière, puis mises en place, en 2008 en France, de mesures financières « Bonus-Malus » pour inciter l’achat de véhicules faiblement polluants dont les modèles électriques sont maintenant les principaux bénéficiaires.

La voiture électrique ne date pas d’hier.

Les premières voitures électriques ont été produites à la fin du 19ème siècle et c’est même avec une voiture électrique que l’on roule à plus de 100km/ pour la première fois en 1899. A cause de leur faible autonomie et de la durée de la recharge des batteries, elles seront rapidement concurrencées par les véhicules à combustion interne qui bénéficient de la praticité de leur carburant à forte densité énergétique, liquide et facilement transportable.

Au début du 21e siècle, la voiture électrique réapparaît sur le marché de l’automobile grâce aux progrès des performances de batteries qui lui donne plus d’autonomie et la préoccupation climatique croissante. Nissan, Tesla et Renault seront rapidement suivis par les autres constructeurs en Europe et en Chine. Petit à petit, la voiture 100 % électrique séduit de plus en plus d’automobilistes et la barre symbolique de 10 % des ventes mondiales a été franchie en août 2022.

La voiture électrique est elle vraiment vertueuse ?

Émissions de Gaz à effets de serre

L’impact carbone de la voiture électrique repose principalement sur deux paramètres : l’énergie utilisée pour produire l’électricité qui l’alimentera et son poids (qui dépend de la masse de batteries embarquées).

La consommation énergétique du seul usage varie de 12 à 20 kWh pour 100 km car elle dépend du modèle, du type de conduite, de l’utilisation de fonctions non motrice (chauffage, …). En prenant une valeur médiane de 15 kWh/100km l’émission de CO2 sera de 540g/100km en France avec un électricité dont l’empreinte CO2 est 36g/kWh (sur le cycle de vie de la production – données RTE), et sera de 4,5 kg/100 km en Chine où la production d’un kWh d’électricité génère 300 g de CO2. Pour mémoire un véhicule thermique émet 15 à 20 kg de CO2/100km

La fabrication les véhicules électriques émet plus de GES que la fabrication de véhicules thermiques : d’après un avis publié par l’ADEME en 2022 la production d’une voiture « compact diesel » émet 4 tonnes de CO2 alors que la fabrication de véhicules électrique émet de 5 à 15 tonnes de CO2 selon qu’il s’agit d’une citadine pouvant stocker 22kWh ou d’un SUV qui dont les batteries peuvent emmagasiner 100 kwh 

Ainsi, en France, sur l’ensemble de son cycle de vie la voiture électrique émet deux à trois fois moins de GES que la voiture thermique.

Autres pollutions

A l’usage la voiture électrique n’émet pas d’oxyde d’azote et elle est silencieuse. En revanche elle relargue des particules fines « hors combustion » produites par l’abrasion des pneus et le freinage.

La fabrication des batteries fait appel à des constituants (lithium, cobalt, manganèse notamment) dont l’extraction est énergivore, consomme de grandes quantité d’eau et relargue des co-produits toxiques et/ou localement indésirables (arsenic, rejets acides, …).

On voit là que la voiture électrique telle que nous la connaissons aujourd’hui est globalement bénéfique sous réserve de disposer d’une électricité fortement décarbonée et de renoncer aux modèles excessivement alourdis par les batteries qui leur donnent une grande autonomie. A terme, la réutilisation et le recyclage des batteries devra être optimisée pour limiter les effets de l’extraction de leurs composants en attendant le développement d’autres technologies d’accumulation de l’électricité.

Voiture électrique : un marché en devenir

En 2022, 7,8 millions de voitures électriques (neuves) ont été vendues soit un progression de 50 % dans un marché automobile mondial 79 millions de véhicules grâce notamment à la croissance des volumes aux États-Unis, en Europe en Chine et en Inde. Les constructeurs les plus actifs sont chinois (BYD) américains (Tesla) et européens (Volkswagen).

En France, fin 2022 le nombre de véhicules électriques en circulation (voitures et utilitaires) a dépassé 1,1 millions dont les deux tiers sont entièrement électriques (1,7 % du parc).

En 2023 la tendance à la hausse se poursuit, portée par des politiques publiques volontaristes (et leurs incitations financières), et l’évolution du cadre réglementaire dans l’Union Européenne où la vente de véhicules thermiques neufs ne sera plus autorisée après 2035.

La plus que probable croissance des ventes de voitures électriques neuves au cours des prochaines années va permettre de développer les ventes de véhicules d’occasion au prix plus abordables que les véhicules neufs.Cela dit l’acceptabilité dépendra aussi du déploiement des infrastructures dédiées à la recharge et du coût de l’électricité. Par ailleurs l’avenir de la mobilité électrique dépend de la capacité à produire l’électricité qu’elle consomme et à gérer les ressources nécessaires à sa fabrication et sa maintenance.

Très chère voiture électrique

Actuellement le prix d’une voiture 100 % électrique neuve est supérieur à son équivalent thermique:une fois, même après la déduction des aides : bonus écologique déduit la ZO2 coûte 2000 € de plus que la Clio IV). Les modèles bon marché sont produits en Chine et les moins chers ont une autonomie très limitée. Par ailleurs l’offre de milieu de gamme est limitée à quelques modèles car les constructeurs ont privilégié le segment haut de gamme ou les modèles hybrides rechargeables.

Recharge à tout prix

La consommation moyenne d’une voiture électrique dépend de son poids, de la topographie du parcours, du style de conduite, de la saison et peut varier de 12 à 20 kWh/100 km. Si l’on retient la valeur de 15 kWh/100km le coût de la recharge d’une voiture électrique de type Renault Zoé ou Peugeot 208, dont les batteries peut stocker 50 kWh, le coût de la recharge « à domicile » se situe entre 8 et 11 € TTC selon que l’on recharge aux heures creuses ou non. A titre de comparaison le carburant consommé pour faire 300 km avec un véhicule thermique coûte actuellement 25 à 30 €.

Sur bornes publiques le kWh est vendu des prix variables selon les réseaux et la puissance de la borne (donc la vitesse de charge) cela va de 0,40 € à 0,80 € /kWh . Dans certains cas la facturation se fait à la durée et les mauvaises surprises ne sont pas rares dans certaines métropoles et sur des réseaux privés (Ionity, Allego) ou le plein d’électricité coûte plus cher que le plein de carburant fossile.

Pour faire le plein c’est où ?, on fait comment ?

La peur de tomber en panne sèche a longtemps été un frein à l’adoption de la mobilité électrique et le déploiement du réseau de recharge est un véritable enjeu qui porte sur toutes les modalités de branchement du véhicule au réseau pour son approvisionner en énergie. Si la question ne se pose pas ou peu pour les usagers qui font de petits trajets et qui disposent une prise à leur domicile (ou à proximité), il n’en est pas de même pour les autres.

En France, la cent millième borne publique a été installée en mai 2023 et on dénombre 35.000 stations de recharge majoritairement implantées sur les autoroutes et les grands axes routiers. Avec ces bornes la recharge prend 30mn voire 10 à 15mn en recharge ultra-rapide à condition que le véhicule soit équipée d’une batterie acceptant puissance de charge de 300kW. Clairement recharger la batterie est plus long que faire le plein d’essence et quel que soit la manière dont on fait il faut patienter ou passer son temps à une autre activité.

Ce réseau « public » n’est que la partie visible de l’ensemble des points de recharges qui a dépassé le million de bornes en France en 2022 si l’on compte les bornes à domiciles, les bornes mises à disposition de leur clients par les acteurs de la grande distribution (Auchan, Carrefour, Intermarché, Leclerc…) les hôtels (groupe Accor, groupe Louvre Hotels Group,…) ; les bornes installées sur le parking d’entreprises ou de collectivité territoriales. Quoi qu’il en soit le réseau actuel est encore trop inégalement réparti et insuffisant voire inexistant dans les zones rurales, le réseau routier secondaire, les habitats collectifs .

La voiture électrique demain, après-demain…

Consommation d’électricité : combien et comment ?

Le parc des voitures « tout électrique » en France atteindra 1 million d’unités d’ici à la fin de 2023. En prenant une consommation moyenne de 15kwh/100 km et une utilisation sur 12000 km par an l’ensemble de ces véhicules consommera 1,8 Térawattheures dans l’année soit à peine 0,5 % de la consommation nationale totale. D’après les estimations de RTE et EDF il y aurait 14 à 16 millions de voitures électriques en 2040 ce qui se traduira par un accroissement de la consommation d’électricité de l’ordre de 30 térawattheures soit 6-7 % de notre production d’électricité en France à cet horizon.

A ce sujet les fournisseurs d’électricité ont des propos rassurants en argumentant sur les effets des politiques d’économies d’énergie qui réduiraient le consommation dans d’autres secteurs (chauffage des bâtiments notamment), d’une part et les prévisions de déploiement de nouvelles unités de production d’énergie décarbonée à l’horizon 2040 d’autre part.

Selon la borne sur laquelle il est branché la recharge de la batterie d’une voiture électrique fait appel à une puissance qui va de 3,7kw sur un prise électrique banale et 100kw sur une borne de recharge rapide. S’il est très improbable tous les véhicules électriques soient « branchés » au même moment (ce qui appellerait une puissance de 15 à 20 GW soit un quart à un tiers de la puissance du parc actuel des centrale nucléaires), on ne peut faire abstraction des périodes de la journée où le réseau sera fortement sollicité en journée pour les usagers qui « font le plein » lors de leurs déplacements et en soirée pour ceux qui rechargeront chez eux (ce qui, actuellement, est lissé par programmation de l’appel au réseau aux moments où il est le moins sollicité pendant le nuit)

Si tout cela semble ne pas poser problème « sur le papier » aujourd’hui, il faut espérer que les prospectivistes de l’énergie électrique suivent régulièrement la progression réelle du marché pour mettre à jour leurs prévisions, dimensionner les projets d’accroissement de la capacité de production. A charge aux producteurs d’électricité d’optimiser la puissance disponible par un mix de productions décarbonées, l’amélioration du stockage et l’incitation tarifaire.

Par les rythme de recharge de leur véhicule, les automobilistes peuvent aussi éviter les pics de surconsommation : une publication de Datalab en 2022 mentionne que 9 % des déplacements des Français font plus de 500 km et 54 % font moins de 20 km. Il y a donc de la marge pour fractionner les recharges.

Ré-utilisation, recyclage et ressources

La durée de vie d’une voiture électrique est directement liée à la durée de vie de ses batterie qui dépend de la vitesse à laquelle leur capacité à emmagasiner de l’énergie diminue. La réduction capacité de la batterie sous 70 % (à partir de 1000 à 1500 cycles de charge/décharge) justifie le changement de batteries (ou de véhicule). En pratique, la question du changement de batteries se pose après 150 000 à 200 000 km ou 8 à 10 dix années d’utilisation. Si le nombre batteries mises au rebut est faible pour le moment, il va automatiquement augmenter parallèlement au développement des ventes.

Réutilisation

Bien que ces batteries ne soient plus adaptées à leur usage initial, elles offrent toutefois des capacités de stockage non négligeables et peuvent donc être ré-utilisées pour d’autres applications, pour exemples le stockage de l’énergie solaire produite par les panneaux installés sur des installations qui ont besoin d’éclairage nocturne (Pays Bas), le stockage destiné à alimenter le réseau (Californie).

Recyclage

Estimée 180 000 tonnes en 2020, la masse totale de batteries de véhicules électrique destinées au recyclage pourrait atteindre 7 millions de tonnes à horizon 2035. Outre le plastique, les solvants et les composants électroniques, des produits chimiques recherchés tels que le cuivre, cobalt, le lithium, le nickel, entrent dans la composition de la partie fonctionnelle des batteries. Il y a donc à la fois une contrainte environnementale et un intérêt économique pour produire, en partie, les nouvelles batteries avec les produits issus du recyclage des batteries arrivées en fin de vie.

Ressources

Le développement des ventes de véhicules électrique au cours des dix prochaines années va inévitablement peser sur l’extraction des principaux constituant des batteries actuellement utilisées (Lithium-Ion). Outre l’impact que cela aura sur les prix du lithium, du cobalt, du cuivre etc.. l’inégale répartition de ces ressources à la surface du globe est un véritable défi géopolitique dont la Chine (entre autre) cherche à tirer avantage pour consolider son aspiration à un leadership mondial.

De nombreuses pistes sont actuellement explorées (électrolyte solide, batteries à semi-conducteurs…) pour s’affranchir de la limitation les ressources actuellement employée et améliorer les performance du stockage embarqué (capacité de stockage, encombrement, poids). Bien qu’ils soient très discrets sur leurs travaux les constructeurs comme les fournisseurs d’énergie redoublent d’efforts pour y parvenir, on attend la suite…

La décarbonation de la mobilité terrestre qui a lentement commencé il y a un peu plus de dix ans n’est pas un long fleuve tranquille et le remplacement progressif des véhicules thermiques prendra encore quelques décennies. Cette transition technologique de long terme est aussi une opportunité pour reconsidérer plus largement l’usage de la voiture à court-moyen terme par la promotions des mobilités douces pour les courtes distances, le développement des transports en commun en milieu rural et en périphérie des métropoles. A long terme la mobilité décarbonée reposera aussi sur les schémas urbains autant que les orientations en matière d’aménagement du territoire qui sont définis aujourd’hui.

Xavier Drouet

Blog : Hommes et Sciences

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Dernière modification le mercredi, 26 juillet 2023
Drouet Xavier

Xavier DROUET, 63 ans, est ancien élève de l'École Normale Supérieure où il a étudié la Physique et la Biochimie. Il est aussi Docteur en Médecine.
Après une carrière scientifique dans la recherche académique, appliquée et industrielle, il a dirigé plusieurs sociétés à fort contenu technologique pendant 15 ans et consacré 8 années à soutenir la recherche, l'innovation et le développement économique au niveau régional et national à des postes de direction au ministère de la Recherche et dans les services du Premier Ministre en France.
Depuis 2015 il exerce une activité d'expertise et de consultant pour accompagner des projets de créations ou de croissance d'entreprises de la microentreprise unipersonnelle à la start-up «techno».
Il est également auteur et conférencier (sciences, économie, stratégie) pour le compte d'entreprises, d'organisations de diffusion de la culture scientifiques et de media d'information pour les professionnels ou le « grand public ».

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