Diplômée des Beaux-Arts de Paris, Elsa Sahal réalise des sculptures depuis vingt-cinq ans.
Femme artiste engagée, elle souhaite que l’art au féminin occupe davantage l’espace public. Son expression mêle l’humour à un ton volontairement décalé. Elle a choisi comme médium la terre, longtemps marginalisée et confinée à la céramique utilitaire et décorative.
Une démarche féministe
Pool Dance présente différents moments du travail d’Elsa Sahal (née en 1975) et s’intègre aux espaces de ce lieu majestueux et unique en Europe : La Piscine de Roubaix, chef-d’œuvre des années 1930. Le corps sexué, morcelé autour du genre constitue le fil rouge. La céramiste est enthousiaste, elle adore ce musée qu’elle connaît bien. Elle est à l’écoute de ses ambiances sonores, et chaque visite reste un éblouissement.
Fontaine (2012), son œuvre manifeste, occupe le Bassin entourée de céramiques de Sèvres et de statues. La sculptrice revendique une démarche féministe en raison du contexte de création, lié à son licenciement d’une Ecole d’art après son retour d’un congé maternité. Telle Manneken-Pis à Bruxelles, Fontaine en grès émaillé de coloration rose sur trois mètres de haut représente une petite fille debout qui urine de l’eau. En 2012, la sculpture recouverte de coraux marins a été exposée au Jardin des Tuileries pour la Foire internationale d'art contemporain. C’est en 2020, à Nantes, que Fontaine est vandalisée, après un torrent de messages haineux sur les réseaux sociaux.
Dans l’écrin de la Piscine, Fontaine semble avoir toujours occupé les lieux face au « Lion » qui lui fait face - elle est prisée par les familles pour des photos.
Des croquis et une maquette permettent de découvrir le procédé de création de la céramiste. Le dessin préparatoire est suivi du modelage avec une première cuisson de la terre, une seconde cuisson révèle les couleurs des émaux.
Dans les trois premières Cabines, au premier niveau, les Pole Danseuses - réalisées principalement en 2015 - questionnent le corps et ses représentations. Le mouvement défie la gravité et le socle formé d’une tige-danse. Pour échapper au corps académique, Sahal travaille des fragments assemblés autour de cette barre-tige. Une des sources d’inspiration est la série de quatorze dessins et modelages en terre cuite d’Auguste Rodin (1840-1917) sur la danseuse-acrobate Alda Moreno. On pense aussi à Iris, messagère des Dieux (1891-1893 - Rodin), impudique et dépourvue de tête.
Corps chamboulés, sens dessus dessous
Les sculptures vertes à l’effet de bronze ont des noms de femmes puissantes, en référence au livre Les Guerrières (1969) de Monique Wittig : Isadora, Aliénor… Le second ensemble en émail rose évoque la chair, le gluant des viscères ou la sophistication du marbre. Les titres attribués sont ceux de danseuses du nu burlesque.
Des plaques de terre créent du volume par un modelé en creux autour du vide. Sahal refuse un corps idéal et privilégie des moments de dynamique, l'expérience de corps chamboulés, sens dessus dessous. Excroissances et orifices composent les figures sans visage, pour contester l’uniformité des corps et les assignations sociales genrées.
Sahal participe à de nouveaux imaginaires par des hybridations dont elle accentue l’érotisme pour mieux s’en moquer. En début de parcours, Léda Floridaska (2015) – sujet mythologique qui a fasciné Antoine Bourdelle (1861-1929) – est une ode à la sensualité.
La Cabine suivante invite à des jeux de Mains - fragment également étudié par Rodin et Bourdelle pour sa forte expression. Sahal apporte son humour, les doigts deviennent des personnages dans une scénographie amusante.
Eaux (2013) occupe toute une Cabine par sa longueur. Ce grand bas-relief avec ses éponges, sa chevelure de filaments, cette dimension organique, évoque le mouvement du lit de l’eau.
Dans le prolongement de l’exposition sur la lingerie portée comme vêtement, la série des Maillots de bain (2016) est constituée d’emporte-pièces – cette difficulté technique souhaitée par l’artiste représente les pressions imposées au corps féminin. Sahal joue sur l’étrangeté, l’altérité avec le surgissement de la pilosité et de cheveux synthétiques.
Fatma Alilate
Exposition Pool Dance d’Elsa Sahal
La Piscine Musée d’Art et d’Industrie André Diligent, Roubaix
Commissaire d’exposition : Karine Lacquemant, conservatrice des collections des Arts-appliqués
Jusqu’au 1er juin 2025
Exposition Les vases sont debout, les potiches ont attrapé des jambes, Galerie Papillon, Paris
Du 22 mars au 17 mai 2025
Exposition Elsa Sahal au Musée des Beaux-Arts de Rennes – Commissariat Etudiants du Master Métiers et Arts de l’exposition de l’Université de Rennes
Du 28 mars au 31 août 2025
Monographie : Elsa Sahal Les vases sont debout, les potiches ont attrapé des jambes, JBE BOOKS
Crédits photos :
Exposition "Pool Dance" d'Elsa Sahal, La Piscine Roubaix © Fatma Alilate
La Fontaine (2012) d'Elsa Sahal © ADAGP Paris 2025, La Piscine Roubaix © Fatma Alilate
Elsa Sahal, Exposition "Pool Dance", La Piscine Roubaix © Fatma Alilate