Le site ToutEduc vient d’annoncer la démission d’Alain Boissinot, président du Conseil supérieur des programmes. C’est une information qu’il faudra sans doute vérifier et recouper — elle est confirmée par l’A. E. F. et le journal Le Monde —, bien sûr, mais, si c’est vrai, la refondation de l’école et son volet numérique semblent bien avoir du plomb dans l’aile…
C’est une bien mauvaise nouvelle.
S’il faut en croire l’information donnée par ToutEduc, Alain Boissinot venait de remettre au ministre une version finalisée du nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Oui, mais quelle version ? Le brouillon dont on a vu passer des versions successives me semblait pourtant constituer un progrès sensible quant à la place qu’y tenait le numérique, une place enfin transversale ouvrant la voie à une littératie numérique, médiatique et informationnelle. Je n’ai pourtant jamais imaginé que ce fût une version définitive tant la vision du numérique qui transparaissait semblait encore toujours plus désespérément utilitaire que culturelle.
J’espérais beaucoup, pour ma part, de la connivence naturelle entre Alain Boissinot et Catherine Becchetti-Bizot, issus tous deux de la même discipline. J’espérais que la nouvelle directrice du numérique au ministère pourrait obtenir la réécriture éventuelle de certaines formulations frileuses, certaines hésitations, certains archaïsmes.
Mais il n’est peut-être pas trop tard.
Il y aura peut-être d’autres navettes entre le C. S. P. nouvelle version et le ministre et ses proches collaborateurs. Espérons-le. Le départ d’Alain Boissinot, s’il est confirmé, serait aussi une mauvaise nouvelle pour toutes les autres missions qui sont confiées au C. S. P. et dont son président m’avait confié l’importance dans l‘interview qu’il m’avait donnée. Il avait ce jour-là — l’écouter à nouveau permet de s’en convaincre aisément — montré, par ses réponses claires et ciselées, sa volonté de faire enfin se rencontrer le numérique et les programmes, les examens, les modalités et contenus de la formation des professeurs, initiale comme continue… De même, le chantier des méthodes d’enseignement et des postures magistrales elles-mêmes était ouvert et il m’avait dit l’espoir qu’il avait de les voir évoluer sensiblement à l’éclairage du numérique.
Car l’enjeu est de taille. Bien entendu, personne n’est irremplaçable et le nouveau président du Conseil supérieur des programmes, espérons-le, pourra continuer le travail déjà entrepris. Mais Alain Boissinot portait, ne nous en cachons pas, les espoirs de tous ceux qui pensaient que la refondation de l’école serait fortement colorée du paradigme numérique dont elle a besoin. Sans être un spécialiste, il connaissait si bien le sujet et aurait si bien été capable lui donner l’habillage culturel attendu.
La vigilance s’impose, à défaut de la confiance.