Les rapports entre parents, enseignants et élèves sont une chose qui ne va pas de soi. De plus en plus souvent, ils finissent par prendre la forme ce qu’on appelle un triangle dramatique. Force est de constater que de nos jours l’enseignement est de moins en moins sacralisé, et à plus forte raison les enseignants...
Sans nous en rendre compte, presque sans transition, nous nous sommes brutalement retrouvés plongés dans une époque singulière à bien des égards. Il n’est pas si loin de nous, ce temps où les parents d’élèves avaient pour habitude de "doubler le tarif" de la moindre sanction infligée à leur progéniture sans même prendre la peine de savoir de quoi il retournait, par un réflexe de solidarité sans faille envers l’instituteur, qui se retrouvait de ce fait investi de tous les pouvoirs.
Aujourd’hui, il semble que nous ayons basculé sur une toute autre planète. Ainsi que l’écrivait Jean-Paul Delevoye, le médiateur de la république dans son dernier rapport, « [...] nous sommes entrés dans de nouveaux rapports aux autres. On veut tout, tout de suite. On a du mal à se soumettre aux règles du collectif. Alors, des tensions binaires apparaissent partout : magistrats-justiciables ; soignants-soignés... professeurs-élèves ».
Interrogé à plusieurs reprises sur ce dernier point, Jean-Paul Delevoye a déclaré en substance qu’ en tant que parents, notre vision de l’enseignement et le regard que nous portons sur les enseignants a tellement changé qu’aujourd’hui nous n’attendons plus nécessairement d’un enseignant qu’il soit pédagogue, mais plutôt qu’il "mette 20 sur 20 à notre enfant, afin que celui-ci soit mieux armé à affronter la dure vie qui l’attend"... Tout est dit.
Ainsi, ce pauvre enseignant est de plus en plus souvent considéré comme un simple prestataire de services, censé tenir le plus grand compte de la moindre de nos injonctions qu’il devrait appliquer sur le champ sans discussion possible. Ce n’est pas difficile de l’imaginer : certains d’entre eux reçoivent ainsi des courriers de parents contenant les requêtes les plus surréalistes qui soient.
Autres temps, autres mœurs... Maintenant, si vous le voulez bien, je vous propose un voyage dans le passé, un saut de plusieurs générations allant... jusqu’au XIXe siècle. Vous trouverez sous ces lignes la transcription d’une lettre qui aujourd’hui peut sembler étrange à bien des égards. Elle aurait été expédiée par Abraham Lincoln (1809-1965), 16e président des États Unis, à l’attention du professeur de son fils. Je vous laisse découvrir ça :
Il aura à apprendre, je sais, que les hommes ne sont pas tous justes, ne sont pas tous sincères.Mais enseignez-lui aussi que pour chaque canaille il y a un héros ; que pour chaque politicien égoïste, il y a un dirigeant dévoué…Enseignez-lui que pour chaque ennemi il y a un ami.Éloignez-le de l’envie, si vous pouvez, enseignez-lui le secret d’un rire apaisé.Qu’il apprenne de bonne heure que les despotes sont les plus faciles à flatter…Enseignez-lui, si vous pouvez, les merveilles des livres…Mais laissez-lui un peu de temps libre pour considérer le mystère éternel des oiseaux dans le ciel, des abeilles au soleil, et des fleurs au flanc d’un coteau vert.À l’école, enseignez-lui qu’il est bien plus honorable d’échouer que de tricher…Apprenez-lui à avoir foi en ses propres idées, même si tout le monde lui dit qu’elles sont erronées…Apprenez lui à être doux avec les doux, et dur avec les durs.Essayez de donner à mon fils la force de ne pas suivre la foule quand tout le monde se laisse entraîner…Apprenez-lui à écouter tous les hommes mais apprenez-lui aussi à filtrer tout ce qu’il entend à travers l’écran de la vérité, et à en recueillir seulement les bonnes choses qui passent à travers.Apprenez-lui si vous pouvez, à rire quand il est triste…Apprenez-lui qu’il n’est aucune honte à pleurer.Apprenez-lui à se moquer des cyniques et à prendre garde devant une douceur excessive…Apprenez-lui à vendre ses muscles et son cerveau au plus haut prix, mais à ne jamais fixer un prix à son cœur et à son âme.Apprenez-lui à fermer les oreilles devant la foule qui hurle et à se tenir ferme et combattre s’il pense avoir raison.Traitez-le doucement, mais ne le dorlotez pas, parce que seule l’épreuve du feu forme un acier fin.Qu’il ait le courage d’être impatient et la patience d’être courageux.Apprenez-lui toujours à avoir une immense confiance en lui-même, parce que dès lors, il aura une immense confiance envers l’Humanité.C’est une grande exigence, mais voyez ce que vous pouvez faire…Il est un si bon garçon, mon fils !