Une politique ministérielle
La poursuite de l’attribution de l’aide à l’orientation aux établissements et à ses personnels s’est accentuée. Cette direction n’est pas neuve. On peut dire qu’elle avait débutée, du point de vue du ministère, avec la volonté de créer des professeurs-conseillers en 68.
Avec la suppression de l’examen d’entrée en sixième, puis la réforme Berthoin, le rôle de l’orientation scolaire est largement débattu, y compris en haut lieu. Francis Danvers analyse cette période[2] qui culmine en 1968 avec le projet Laurent. Je résumais la période de ce projet[3] ainsi : « C’est donc dans ce contexte qu’un nouveau projet concernant l’organisation de l’orientation se fait jour à partir de 1965[4]. Le CES[5] est créé, ce qui va unifier le premier cycle du secondaire. Le Plan évalue quantitativement et qualitativement les besoins en formation à l’horizon 1971. L’orientation vers des voies différenciées (professionnelles, techniques, générales) se situe à l’issue de la troisième. Pour assurer ce fonctionnement on considère qu’une information des élèves doit être particulièrement développée, et en même temps un dispositif administratif « inter district » pour gérer l’orientation et l’affectation doit être créé. Aussi le projet « Laurent » (1967) prévoit la création de cinq acteurs : le chef de service académique d’orientation, le directeur de centre d’information et d’orientation, le professeur-conseiller, le conseiller psychologue, le conseiller en éducation professionnelle. Les conseillers d’orientation vont donc voir leurs activités réduites par la création des deux autres acteurs. Les premières formations de professeurs-conseillers sont prévues à Paris en mai 68. La grève de la SNCF empêche ce premier regroupement, et les « évènements de 68 » annulent tous les projets antérieurs. »
Avec la création de l’Etablissement public local d’enseignement (l’EPLE) et du projet d’établissement dans le milieu des années 80, le cadre administratif est posé pour attribuer à l’entité établissement des fonctions très générales comme l’information ou l’aide à l’orientation sans passer par l’élaboration de programmes précis attribués à des acteurs parfaitement identifiés. Au milieu des années 90 avec le thème de l’éducation à l’orientation une nouvelle étape débute. Après 2003, cette direction est poursuivie avec en parallèle un renforcement du rôle notamment des professeurs principaux dans le processus des procédures en rendant obligatoire des entretiens auprès des élèves et généralisant l’utilisation du terme « accompagnement ».
Deux politiques interministérielles
L’éparpillement et la multiplicité des organismes d’orientation en France sont de plus en plus pointés. Coordonner, mutualiser deviennent le leitmotiv de la réflexion en ce domaine qui débouche sur le Service public d’orientation (SPO) dans un premier temps puis le Service public régional d’orientation (SPRO). J’ai commenté au fur et à mesure différentes étapes de cette élaboration dans de nombreux posts sur ce blog que vous retrouverez avec les mots clés SPO et SPRO. Ce qu’il faut remarquer dans cet objectif, c’est la volonté de développer la fonction de service aux personnes à l’ensemble des organismes d’orientation. Cette politique[6] est menée tant par des gouvernements de droite que de gauche mettant ainsi en œuvre la directive européenne concernant l’orientation considérée comme un besoin tout au long de la vie, ainsi qu’un service aux personnes.
Une autre politique interministérielle s’est développée, celle concernant les décrocheurs.
Dans la première il s’agit de s’adresser à l’ensemble du public alors que dans la deuxième on cherche à cibler une toute petite partie de la population. Ainsi, à partir de 2009 le gouvernement lance une autre démarche interministérielle. « Le plan Agir pour la jeunesse, annoncé par le président de la République le 29 septembre 2009, fait de la lutte contre le décrochage une priorité nationale et invite les acteurs de l’éducation, de la formation et de l’insertion des jeunes à agir ensemble, au sein de plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs. Il renforce le rôle de pivot des missions locales dans l’accompagnement des jeunes en difficulté d’insertion professionnelle et articule leurs objectifs propres avec le partenariat mis en place pour la lutte contre le décrochage scolaire. »[7]
Dans le neuvième article de ma série Le CIO, un dispositif ou un service à la personne[8], où je décrivais cette politique concernant les décrocheurs, je proposais cette conclusion :
« Ainsi durant la même période, deux politiques interministérielles engageaient les différents services d’orientation dans des positionnements inverses. Dans le cadre du SPO, ils devaient se mettre au service de la demande des personnes. Mais dans le cadre des plates-formes et de la lutte contre le décrochage, ils devaient intervenir sur les personnes, les contacter, les solliciter, les évaluer, leur attribuer des droits, etc. »
Dans un prochain article nous poursuivrons l’examen des ambiguïtés concernant les personnels d’orientation de l’Education nationale.
Bernard Desclaux
Article publié sur le site : http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2020/05/26/pour-quoi-faire-rouler-les-conseillers-dorientation-psychologues/
[1] J’écrivais dans « Un sombre avenir pour les COP » http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2016/01/04/un-sombre-avenir-pour-les-cop/ : « Dans « conseiller d’orientation-psychologue », c’était le trait d’union qui avait été utilisé, semblant indiquer deux entités distinctes, et donc deux rôles différents : en tant que « psychologue », il ne s’occupe pas toujours d’orientation, et en tant que conseiller d’orientation, il n’est pas toujours psychologue. Si le nom avait été « conseiller d’orientation psychologue », ou psychologue conseiller d’orientation », le sens aurait été différent. »
[2] Francis Danvers, LES EVENEMENTS DE « MAI-JUIN 1968 » ET L’ORIENTATION SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE : UNE QUESTION DE SENS, TransFormations n°3/2010 – p. 97/p. 120 http://www.trigone.univ-lille1.fr/transformations/docs/tf03_a06.pdf
[3] Bernard Desclaux, Commentaires aux articles extraits des revues BINOP et OSP pp. 467-490 et les articles sélectionnés, pp. 491-673, Bernard Desclaux et Rémy Guerrier (ed) du n° Hors-série de l’Orientation scolaire et professionnelle, juillet 2005/vol. 34, Actes du colloque : Orientation, passé, présent, avenir, INETOP-CNAM, Paris, 18-20 décembre 2003.
[4] L’évolution de ce projet est décrite dans le livre d’André Caroff : L’organisation de l’orientation des jeunes en France, évolution des origines à nos jours, Editions EAP, 1987, pp. 181-188.
[5] CES : collège d’enseignement secondaire.
[6] J’ai rassemblé sur cette longue séquence du Service public d’orientation (SPO) dans le huitième article de ma série : « Le CIO, un dispositif ou un service à la personne » http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/08/13/le-cio-un-dispositif-ou-un-service-a-la-personne-viii/
[7] Lutte contre le décrochage scolaire. Organisation et mise en œuvre des articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de l’Éducation NOR : MENE1101811C circulaire n° 2011-028 du 9-2-2011 MEN – DGESCO http://www.education.gouv.fr/cid54962/mene1101811c.html
[8] Le CIO, un dispositif ou un service à la personne IX http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/08/20/le-cio-un-dispositif-ou-un-service-a-la-personne-ix/
Dernière modification le jeudi, 04 juin 2020