Il y a longtemps que je me questionne sur l’apport de la technologie dans l’apprentissage de la calligraphie. Oeuvrant au 1er cycle du primaire depuis 11 ans, j’ai pu constater combien il peut être difficile pour un enfant de 6 ans d’apprendre à écrire. Durant toutes ces années, j’ai cherché à trouver des réponses pour aider ceux et celles pour qui l’apprentissage de la calligraphie est une étape difficile au début du leur scolarité. Voici donc quelques trucs, anciens et nouveaux, qui pourront possiblement aider les enseignant(e)s et intervenant(e)s. Mais, je tiens à le dire, je n’ai toujours pas trouvé de formule miracle… Je n’ai rien inventé si ce n’est que quelques trucs technologiques dont j’ai fait l’essai dans ma classe. Certains ont fonctionné, d’autres pas. Il sera donc question ici de mon expérience d’enseignante dans ce domaine et de la confirmation que le numérique et le papier peuvent se côtoyer admirablement bien en classe.
Crayon, clavier, script, cursive ?
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Tout d’abord, je tiens à mentionner que malgré tous les débats qui ont lieu actuellement à propos de l’apprentissage de la calligraphie versus la place grandissante qu’occupe le clavier, mes élèves utilisent toujours le papier et le crayon pour apprendre à écrire. L’apprentissage de la calligraphie est toujours au programme et je n’ai pas l’impression que ceci changera dans les années futures. Malgré toutes les nouveautés technologiques, comme les applications des tablettes pour les tracés de lettres, je crois fermement que l’apprentissage de l’écriture des lettres et des sons (qui va de pair avec la lecture), est grandement favorisé par la calligraphie (sauf lorsqu’un élève présente des troubles spécifiques, auquel cas l’utilisation d’un clavier pourra être prescrit et ce le plus tôt possible). Ceci dit, je remarque que mon enseignement de la calligraphie a beaucoup évolué au fil des ans et ce, beaucoup grâce à la technologie. Le clavier numérique aura aidé plusieurs de mes élèves à s’approprier la connaissance des lettres et encouragé ceux pour qui l’écriture manuscrite est ardue à se lancer en écrit.
Script ? Cursive ? Peu importe finalement à mes yeux. Il est certain que je considère le fait d’apprendre les *deux formes d’écriture une année à la suite de l’autre représente un effort très important qui va au détriment du but premier de l’écriture : la communication. Mais comme mes élèves ne sont dans ma classe que dix mois et que j’ai très peu de contrôle sur ce qui se produira par la suite, j’essaie de faire tout ce que je peux pour rendre cet apprentissage efficace, ludique et profitable.
*À lire à ce sujet : Plaidoyer pour les lettres attachées
Positionnement de la main et des doigts
Crédit : http://www.photo-libre.fr/
Une étape cruciale dans l’apprentissage de l’écriture est sans contredit le positionnement de la main et des doigts. Pour obtenir un geste fluide, ce sont les doigts et non le poignet qui doivent bouger. Mais ces petits doigts ? Sont-ils prêts à faire de telles acrobaties ? Pas toujours… Je ne peux que confirmer le fait qu’au fil des ans, j’ai remarqué une dégradation dans les habiletés de motricité fine de mes élèves. La présence de la technologie (pensons aux manettes de jeux très présentes dans leur vie quotidienne) n’est pas étrangère à ce fait et il est primordial, à mon avis, d’informer les parents d’enfants en bas âge de l’importance de *développer la motricité fine dans les premières années de vie de leur enfant.
(*Une multitude d’idées d’activités de motricité fine sur Pinterest )
Pour favoriser la prise du crayon par le pouce, l’index et le majeur, pourquoi ne pas représenter les trois appuis par des points au feutre sur les doigts de l’enfant ? (voir le #3 dans l’article). Ceci dit, chaque enfant étant unique, je crois qu’il est important de respecter la morphologie et les aptitudes de chacun. Très certainement, la prise tripode (pouce, index, majeur) est reconnue comme étant la plus efficace, mais j’ai vu bien des enfants se débrouiller autrement et obtenir de très beaux résultats calligraphiques !
Je voudrais bien avoir plus de temps pour travailler la motricité fine chez mes élèves, mais je ne l’ai pas. Cependant, j’essaie d’intégrer plusieurs activités permettant de muscler les doigts et développer leur souplesse lors des ateliers de l’après-midi. Dans l’excellent blogue Mitsouko au CP, j’ai trouvé cette vidéo d’exercices de Célia Cheynel que je compte utiliser en classe.
(*Chaine Youtube de Célia Cheynel où on peut trouver d’autres vidéos à ce sujet : Mon Écriture Et Moi )
La pratique du tracé
Exemple de mon fils Vincent à 6 ans
Je ne crois pas qu’il faille écrire des dizaines de lignes d’une même lettre pour bien intégrer le tracé. Par chance, les éditeurs de cahiers de calligraphie semblent l’avoir compris et l’on voit de moins en moins de ce genre d’exercices. L’idéal serait que le modèle de la lettre soit répété à la fin des lignes (ce qui n’est pas le cas dans cet exemple) et que l’on demande un maximum de 5 lettres par trottoirs car il a été prouvé qu’au-delà de ce nombre, l’élève se fatigue. De plus, n’ayant plus le modèle près des yeux, son rendement se dégrade.
Depuis trois ans j’utilise cette série de vidéos pour enseigner à mes élèves le bon tracé des lettres. Ils adorent. C’est devenu un rituel et je ne saurais présenter une nouvelle lettre sans montrer la vidéo correspondante. Leur faire pratiquer le tracé dans les airs et sur la table avec leur index permet de bien intégrer les mouvements nécessaires. J’encourage souvent les parents à tracer des lettres dans le dos des enfants pour leur faire deviner et aussi à visionner ces vidéos à la maison.
* Mes 3 séries de calligraphie animée
* Les lettres majuscules (par France Leclerc)
Pour ce qui est de la multitude d’applications de tracés de lettres existantes pour les tablettes, je crois que quelques-unes d’entre elles valent grandement la peine qu’on s’y arrête. L’important est de prendre le temps de bien vérifier si le tracé est correct et si les erreurs sont stoppées pendant que l’élève effectue son tracé. Il y a les stylets qui sont disponibles, mais à mon avis ils sont plus ou moins efficaces car le positionnement de la main sur le iPad n’est pas fidèle à celui que l’enfant prend avec un crayon sur la table (même chose pour l’écriture au TNI). De plus, aussitôt qu’il appuie la paume sur l’écran (geste naturel) le stylet ne fonctionne plus. L’idée, selon moi, est de permettre à l’enfant de bien intégrer le mouvement des lettres et les tablettes le permettent de façon très efficace et ludique. Pour ceux qui éprouvent plus de difficulté, il peut être intéressant de faire les deux en séquence soit : tracer la lettre avec le doigt sur la tablette puis écrire celle-ci avec le crayon sur papier. Mes deux applications favorites sont Dexteria et Little writer.
Dernièrement j’ai découvert une police d’écriture qui démontre le point de départ des lettres. Pour les mots les plus importants tels que les prénoms, je prends la peine de les écrire avec cette police et d’en remettre une copie imprimée aux élèves afin de les aider.
Comment contrôler le tracé de 21 petites mains qui écrivent une multitude de lettres en une journée ? Mission impossible, bien sûr ! Mais j’ai tenté cette année une nouvelle expérience. Avec le iPad et l’application Explain Everything, les élèves font une vidéo du tracé de leur prénom et l’écrivent aussi sur le clavier. Cet exercice me permet de mieux comprendre leurs difficultés et constitue une rétroaction intéressante, pour eux, afin de constater leurs progrès et leurs défis en calligraphie. Je dois dire que la motivation qu’a apporté cette activité fut surprenante et qu’après une seule démonstration, tous ont rapidement compris comment manipuler le iPad et l’application. Je compte bien poursuivre l’idée avec les élèves en plus grande difficulté pendant l’année.
(exemple de l’exercice fait par moi-même)
Comme complément, j’ai trouvé dans ce document produit par Mariane Robert, étudiante en ergothérapie de l’Université d’Ottawa, plusieurs pistes intéressantes à appliquer en classe.
Écrire pour communiquer
En conclusion, j’ajouterai que l’apprentissage du doigté du clavier débute en septembre dans ma classe. Bientôt, ils écriront eux-mêmes leur message sur Twitter, en dyades, et j’entendrai cette ritournelle désormais si douce à mes oreilles : « Brigitte ? Il n’y a pas de « *d » sur le clavier !! ».
* Toutes les lettres y passent pendant l’année.
Auparavant, ils auront écrit leur message sur papier, je les aurai corrigés, et ils auront hâte d’écrire à l’ordinateur. Pour certains, ce sera très ardu (souvent les mêmes qui ont de la difficulté en calligraphie) et pour d’autres ce sera plaisant et facile. Cependant, à la fin de cette année, j’aurai le sentiment d’avoir pu tirer le meilleur des deux mondes et je souhaite surtout que je leur aurai appris le plaisir de communiquer et l’importance de bien écrire pour être lus, autant sur papier que sur ordinateur ou tablette.
Brigitte Léonard
crédit photo : http://www.sxc.hu
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Hyperliens mentionnés dans le texte :
-Activités de motricité fine sur Pinterest
-Chaine Youtube Mon Écriture Et Moi
Dernière modification le mardi, 16 mai 2023