On trouve aujourd’hui sur le marché des outils tactiles et supportant l’écriture manuscrite, grâce à l’important avancement de la recherche et développement en termes de reconnaissance de l’écriture manuscrite et d’outils de capture, tels que le stylo numérique. Ainsi, l’utilisation de cette interface de capture de l’écriture manuscrite peut-elle potentiellement renouveler une activité plutôt habituelle en classe.
Recommandations :
- Pour faciliter l’interaction avec un écran avec éventuellement la possibilité de garder une trace de l’écriture manuscrite, le stylet est suffisant.
- Pour numériser l’écriture sur papier normal, on peut opter pour l’usage d’un stylo numérique. De même, pour choisir entre les deux technologies de stylo numérique, prendre en compte la nécessité ou non de récupérer des métadonnées.
- Utiliser le stylo numérique durant un exercice de production écrite nécessitant un effort cognitif qui ne doit pas être contraint par des tâches secondaires, telles que la navigation avec la souris dans les menus d’un logiciel ou bien la passation d’un écran à l’autre.
- Pour la prise de note par des élèves choisir des stylos de taille adaptée à celle des mains des élèves.
Dans cet article, nous présentons les différentes technologies de stylo numérique ainsi que les données de recherche pour chacune. Ensuite, à partir d’une revue de littérature, nous montrons quelques usages possibles de cette technologie en classe.
Qu’est-ce qu’un stylo numérique ?
Souvent, le stylo numérique est confondu avec d’autres dispositifs électroniques utilisés actuellement, tels que le stylet, qui permet de faciliter l’interaction sur les interfaces à écran tactile (TBI et tablettes, par exemple), ou encore le stylo-scanner qui permet de « lire » à l’aide d’un capteur l’écriture et les symboles imprimés sur papier. Aussi appelé « stylo électronique » ou bien « stylo intelligent », le stylo numérique est un outil informatique ayant la forme d’un stylo à bille classique, qui permet de numériser instantanément l’écriture manuscrite réalisée sur papier.
Quelles technologies ?
En termes de capture et d’interaction, il existe deux technologies différentes mais qui se ressemblent dans leur principale fonctionnalité qui est la capture de l’écriture manuscrite sur papier.
La première technologie, appelée « stylo avec pince réceptrice », consiste à utiliser le stylo avec un autre appareil récepteur, qui se présente généralement sous la forme d’une pince se fixant sur le haut au milieu de la feuille et qui détecte et calcule la position du stylo sur la feuille. Après l’écriture, la pince peut être connectée sur un ordinateur comme une clé USB et les données écrites peuvent être enregistrées sous différents formats classiques. La deuxième technologie, appelée « stylo avec papier tramé », consiste à utiliser le stylo avec du papier sur lequel est imprimée une trame de points invisible à l’œil nu qui sert de matrice sur la feuille et permet de capter la position du stylo. Un algorithme spécifique permet de générer la matrice et rend chaque feuille imprimée unique. Après l’écriture, un émetteur sans fil ou un connecteur USB permet de transmettre les données aux équipements informatiques (ordinateur, par exemple).
Pour chaque technologie, il existe des applications dédiées à installer sur l’ordinateur permettant la visualisation numérique et la reconnaissance des caractères. La principale différence entre les deux technologies, c’est que celle du papier tramé reconnaît chaque papier imprimé et permet plus d’interactivité sur le papier ordinaire, à travers la délimitation de zones spécifiques reconnues par le stylo. De ce fait, il est possible de programmer des actions et d’enregistrer des métadonnées du texte manuscrit. Parmi ces métadonnées, citons les caractéristiques contextuelles (langue, durée d’écriture ou pression exercée sur le stylo) et les données scripturales (caractères alphanumériques, formes géométriques ou symboles).
En 2007, une équipe japonaise a présenté le systèmeinteractif de partage des notes AirTransNote (Miura et al, 2007). Ce système recueille l’écriture et les dessins manuscrits des élèves et les transmet à l’ordinateur de l’enseignant, permettant à ce dernier de suivre de près le travail de ses élèves et de fournir une rétroaction sur les assistants numériques personnels (PDA) des élèves. L’étude concerne les enseignements de mathématiques. En premier lieu, les chercheurs ont utilisé les stylos numériques à pince réceptrice. Les élèves saisissent des notes sur une feuille de papier ordinaire et connectent la pince à une interface PDA pour le transfert des données. Cependant, lorsqu’une feuille est pleine, les élèves doivent prendre une nouvelle feuille sans modification possible des pages déjà inscrites. Dans une seconde expérience (Miura et al, 2011), les chercheurs ont exploité l’usage de la technologie du stylo numérique et papier tramé. Les chercheurs rapportent que, contrairement à la technologie du stylo et pince, la technologie du papier tramé rend l’usage du système plus simple et fournit des données plus stables. Ils constatent également que la simplicité et la stabilité du système n’a pas empêché la participation active des élèves, quel que que soit leur niveau scolaire.
Quelles utilisations possibles en classe ?
Dans les champs de l’informatique et des sciences de l’éducation, des chercheurs ont mené des expérimentations sur l'usage du stylo numérique en classe pour différents objectifs comme l’évaluation, le travail collaboratif et la prise des notes.
Stylo numérique et évaluation
En termes d’évaluation, ce type de dispositifs numériques n’est pas fréquemment convoqué par certaines disciplines comme les mathématiques, par exemple, soumises à la reconnaissance des symboles mathématiques et des formes géométriques, et utilisant de ce fait principalement stylo et papier pour résoudre les problèmes. Dans ce contexte, Sharon Oviatt et ses collègues, chercheurs en informatique de l’Université de santé et sciences d’Oregon aux Etats-Unis, ont étudié l'utilisation de trois technologies à interaction stylo, dont le stylo numérique et papier tramé, dans la résolution de problèmes de géométrie par 20 élèves du secondaire, âgés de 15 à 17 ans (Oviatt et al, 2006). Cette étude a comparé la performance des élèves dans les tâches de résolution de problèmes de géométrie dans 4 situations de travail consécutives : stylo et papier (situation contrôle), stylo numérique et papier tramé (situation alternative 1), tablette avec stylet (situation alternative 2), tablette graphique avec stylet et éditeur d’équations (situation alternative 3). Les chercheurs ont considéré plusieurs paramètres cognitifs pour mesurer la performance des élèves au cours de l’usage de ces interfaces, comme le temps de résolution des problèmes, l’exactitude des réponses et la mémorisation.
Après des sessions de pré-test et de familiarisation avec les 4 situations de travail, chaque élève a travaillé individuellement pour résoudre 4 problèmes sur chaque interface (ils ont résolu 16 problèmes en tout). Le temps total du test étant d’environ 1 heure, les chercheurs ont collecté le temps passé sur chaque problème. De plus, durant le test, les élèves ont été invités à réfléchir à haute voix et leurs réactions verbales ont été enregistrées. A l’issue du test, les élèves ont rempli un questionnaire de mémorisation sur les problèmes résolus puis un autre questionnaire concernant les différentes interfaces utilisées.
Les résultats de cette étude révèlent que parmi les interfaces utilisées par les élèves, seul le stylo numérique avec papier tramé a permis la même précision et la même rapidité de résolution des problèmes que le stylo et papier traditionnels. Parmi les différentes situations alternatives proposées, c’est avec le stylo numérique et papier tramé que le taux d’erreurs était le plus bas. Les élèves n’ont pas été aussi distraits par cette interface qu’ils l’ont été avec les interfaces tablette et tablette graphique. Ils ont en outre exprimé leur désir d’utiliser les interfaces à base de stylo numérique et papier tramé pour passer leurs prochains examens de mathématiques. Retenons donc que, selon cette étude, l’usage du stylo numérique dans les tests d’évaluation préserve le contexte habituel de situation d’examen par réduction de charge cognitive d’une part, et par capture et numérisation du contenu produit en plus des métadonnées, d’autre part.
Stylo numérique et travail collaboratif
Plusieurs études se sont intéressées au rôle éventuel du stylo numérique dans le cadre d’un travail collaboratif.
Pour le niveau collège, en 2012, une équipe, composée de chercheurs en informatique et en sciences de l’éducation chiliens et suédois, a couplé l’usage du stylo numérique avec le tableau blanc interactif (TBI). Cette étude avait pour but d’évaluer la compatibilité entre TBI et stylos numériques dans le cadre d’un environnement collaboratif d’approche constructiviste visant à faciliter la collaboration dans la résolution de problèmes de mathématiques en classe et à développer de nouvelles compétences médiatiques (Alvarez et al,2013). Les élèves, impliqués dans un processus collectif de construction de connaissances, utilisent des stylos numériques pour générer leurs propres solutions pour un problème donné, tandis que le TBI est utilisé comme un espace de travail collaboratif permettant aux élèves et à l’enseignant de co-construire de nouvelles solutions basées sur les solutions individuelles. L’étude a duré un mois dans une école suédoise avec deux enseignants et douze élèves de 7e grade (l’équivalent de la 5 e en France, 13 à 14 ans). Les deux enseignants, familiarisés à l’usage du TBI en classe mais pas au stylo numérique, ont bénéficié de 2 heures de formation. Chaque enseignant a travaillé avec un groupe de 6 élèves pendant 2 sessions, la durée de chacune variant entre 40 et 60 minutes. Une fois le problème posé, les élèves avaient 15 minutes pour le résoudre individuellement sur papier normal avec le stylo numérique. Ensuite, les solutions individuelles étaient envoyées à l’enseignant pour mener la discussion collective qui durait entre 30 et 40 minutes.
Les sessions ont été filmées. Les élèves ont passé un pré-test et un post-test pour évaluer leurs connaissances relatives au contenu des problèmes à résoudre. Ils ont également rempli un questionnaire visant à recueillir leurs impressions à propos de l’outil. Des entretiens individuels ont en outre été menés avec les enseignants.
Les résultats de cette expérience sont plutôt positifs quant à l’intégration des technologies stylo numérique et TBI en classe. Les élèves ont été motivés et enthousiastes mais ils ont également acquis des connaissances dans la discipline lors des sessions menées. Les 2 enseignants pensent que le dispositif peut permettre d’encourager les élèves à participer activement aux discussions et d’améliorer l’interaction entre élèves et enseignant, et ce y compris dans d’autres domaines, tels que l’enseignement des langues ou des sciences naturelles. Cependant, le nombre de participants, élèves et enseignants, ainsi que la durée de l’expérience ne permettent pas de généraliser ces résultats. Les chercheurs envisagent ainsi de réitérer l’expérience pendant toute une année scolaire auprès d’un plus grand nombre de participants, ce qui peut changer le processus des tâches ainsi que la gestion du flux des données.
A l’exception de cette dernière expérience où les chercheurs ont utilisé la technologie du stylo numérique avec pince réceptrice, la plupart des études constituant la littérature sur le sujet optent pour l’usage du stylo numérique avec papier tramé. Cela s’explique par la possibilité de personnaliser et de collecter des informations pertinentes grâce à cette technologie. Néanmoins, si l’usage nécessite simplement la numérisation et le transfert instantané de l’écriture, le stylo avec pince réceptrice s’avère suffisant, d’autant plus que les applications correspondantes sont accessibles et faciles à utiliser.
La prise de notes en classe
L’étude de Miura et al. citée plus haut (Miura et al, 2007) avait pour but de capter la prise des notes des élèves en classe à l’aide d’un stylo numérique. Le système AirTransNote proposé permet aux enseignants de parcourir les notes des élèves en temps réel et de partager certaines notes avec toute la classe. Dans une salle de classe traditionnelle, un enseignant pose souvent des questions pour vérifier la compréhension des élèves. Les étudiants réfléchissent, expriment leurs idées sur leurs cahiers de brouillon, ensuite les bonnes idées sont copiées sur le tableau noir et partagées. AirTransNote améliore ces activités en projetant les notes des étudiants directement sur un grand écran partagé. En 2010, le système a été testé au sein d’une classe de niveau CE1 (6-7 ans) dans une école primaire au Japon (Sugihara et al., 2010). La classe comprend 33 élèves qui ont utilisé le stylo numérique pendant 6 séances dans des activités différentes (mathématiques, langue vivante, expression…). Au début de chaque séance, l’enseignant commence par présenter la leçon et expliquer les concepts sur le tableau. Ensuite, il pose les questions aux élèves et les invite à utiliser le stylo numérique pour écrire leurs réponses sur le papier et pour partager leurs notes. A la fin de l’expérience, les élèves ont répondu à un questionnaire et ont été individuellement interviewés.
Les chercheurs ont mené des analyses de ces données recueillies pour révéler le comportement des élèves durant les séances ainsi que leurs progrès. En effet, certains élèves ont eu du mal à tenir le stylo, inadapté à la taille de leurs mains. Mais en général, les élèves ont apprécié son usage et étaient plus motivés en essayant de soigner écriture et dessins avec le stylo. Concernant le partage des notes, certains élèves, essentiellement ceux en difficulté, n’ont pas apprécié que les autres regardent leurs réponses incomplètes, alors que les meilleurs élèves ont exprimé n’avoir aucun problème à partager leurs réponses avec la classe.
Conclusion
Le stylo numérique s’avère un outil technologique intéressant pour la numérisation instantanée de l’écriture manuscrite en classe et, plus précisément, en mathématiques où il faut dessiner des formes géométriques. La technologie du stylo numérique et papier tramé permet de collecter plusieurs métadonnées outre l’écriture proprement dite, qui peuvent être utiles à l’enseignant (la durée d’une activité d’écriture, par exemple). Plusieurs recherches ont examiné l’usage de cette technologie en contexte éducatif, notamment pour l’évaluation, le travail collaboratif et le partage des notes en classe. L’usage du stylo numérique permet, selon les résultats des études présentées, de réduire la charge de travail pour la résolution des problèmes et de faciliter le partage des notes au sein d’un groupe de travail.
* Zaara Barhoumi - docteur de l’Ecole normale supérieure de Cachan – Sciences de l’éducation, coordinatrice TIC au ministère de l’Education, Qatar
Article publié sur le site : http://www.cndp.fr/agence-usages-tice/que-dit-la-recherche/le-stylo-numerique-comment-choisir-la-technologie-et-quels-usages-possibles-en-classe-91.htm
Auteur : Zaara Barhoumi
Références bibliographiques :
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Oviatt S., Arthur A., & Cohen J. (2006), “Quiet interfaces that help students think, Proceedings of the 19th annual ACM symposium on User interface software and technology (p. 191-200), New York, NY, USA: ACM. doi:10.1145/1166253.1166284
Miura M., Kunifuji S. & Sakamoto Y. (2007), “Practical Environment for Realizing Augmented Classroom with Wireless Digital Pens”, KES2007 (LNAI 4694) (p. 777-785).
Miura M., Sugihara T. & Kunifuji S. (2011), “Improvement of Digital Pen Learning System for Daily Use in Classrooms”,Educational Technology Research, 34 (p. 49-57), October 2011.
Sugihara T., Miura T., Miura M., Kunifuji S. (2010), “Examining the Effects of the Simultaneous Display of Students' Responses using a Digital Pen System on Class Activity A Case Study of an Early Elementary School in Japan”,
The 10th IEEE International Conference on Advanced Learning Technologies (ICALT 2010) , Sousse, Tunisia, p. 294-296, July 2010.