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L’étudiant de l’enseignement supérieur ou des grandes écoles doit dans le cadre de ses études s’immerger dans une entreprise, nous parlons de stage. Il peut être selon les niveaux, un stage ouvrier, un stage intermédiaire ou un stage long de fin d’études de six mois ou plus.
Depuis le stage de découverte en classe de troisième, les étudiants se sont pliés à l’obligation de rendu du rapport de stage. Il est à la formation académique ce que le patinage artistique est au sport, un exercice relevant de la figure imposée. Ce rapport s’inscrit dans une logique formative que je ne souhaite pas reprendre et développer ici. Notons rapidement qu’il permet de vérifier un certain nombre des capacités des étudiants balisées par une démarche pédagogique.
On peut citer :
La capacité à synthétiser une expérience ;
La capacité rédactionnelle pour laquelle sont évaluées la syntaxe et la capacité à intégrer une orthographe satisfaisante ;
La capacité à intégrer dans la réflexion le respect des droits d’auteurs, le respect des citations, le principe de la courte citation, le respect du droit d’auteur dans l’ iconographie.
 
Les écoles seront soucieuses de vérifier que les étudiant savent inclure leur analyse scientifique disciplinaire dans une réflexion transversale plus large, incluant des domaines connexes comme l’économie, les ressources humaines, la sociologie d’entreprise, le droit etc …
 
Une formation consiste à savoir s’insérer dans cadre réglementaire (le rapport de stage) mais c’est aussi être en capacité de s’interroger sur sa future professionnalité.
Il est assez logique que les étudiants entrent dans leur formation en ayant une vision idéalisée du métier, faite de ressenti, d’images journalistiques, de considérations pécuniaires (« bien gagner sa vie »). Le stage doit étonner l’étudiant, faire basculer les axes des convictions, les représentations stéréotypées.
 
Le rapport d’étonnement peut être un vecteur de réflexivité, un objet de positionnement sur les enjeux de la professionnalité, un outil de détection pour choisir des futurs collaborateurs capables d’innovation sociale, de créativité et de rigueur dans le positionnement de ses objets de recherche.
 
Je propose de lister quelques points pour rédiger le rapport d’étonnement pour le soumettre auprès de ses stagiaires ?
 
1) Qu’est ce qu’un rapport d’étonnement ?
 
A. Le principe
Par expérience professionnelle, je sais que les étudiants nourrissent, même en fin d’études, une vision largement idéalisée du métier qu’ils vont exercer. Le temps de stage est le sas intellectuel qu’il faut mettre à profit pour établir les ponts entre la nécessaire construction des socles académiques et la pratique professionnelle. Le temps de la construction professionnelle est aussi la période de la découverte et de l’observation. Le rapport d’étonnement peut être un excellent instrument de détection des idées innovantes.
 
Il est assez simple d’outiller les étudiants voire de vérifier s’ils ont mené une démarche réflexive. Le rapport d’étonnement est, de mon point de vue, l’instrument intellectuel que les entreprise devraient utiliser pour jauger le potentiel de leurs futurs salariés.
Je me permets de commencer mon argumentation par des propos provocateurs. Je vous invite à laisser de côté (momentanément) le rapport de stage (les pédagogues se chargent de l’évaluer selon des critères facilement identifiables dans les programmes). Prenez le temps de rencontrer le stagiaire ou de lui demander une production écrite (pourquoi ne pas l’institutionnaliser ?) qui sera son rapport d’étonnement. Demandez-lui de vous exposer les points suivants : Comment le stage a t-il été mis à profit ? quelle est sa perception de l’entreprise après x mois de présence ? Le service a t-il contribué à le former opérationnellement ? Comment a t-il évolué pendant cette période formative ? … Je ne parle pas ici de connaissances issues des sciences dures mais bien de la mosaïque de savoirs et compétences qui constituent l’ADN du futur collaborateur.
 
Le stagiaire à l’issue de son stage est-il en capacité de formaliser les propositions suivantes :
Comment est organisé son futur métier en dehors du périmètre de son champ scientifique de formation ? On peut attendre de lui qu’il ait consulté la fiche de poste du métier qu’il exercera et qu’il l’ait comparé avec son corpus de formation. Quelles sont les conclusions qu’il en retire ? ;
Comment perçoit-il les compétences qu’il aura à mobiliser dans son futur métier ? J’aime à parler des compétences centrales et des compétences transversales.
Comment a t-il anticipé les compétences qui risquent de devenir centrales à terme dans son métier ? (perception des signaux faibles du métier)
Comment perçoit-il les enjeux du savoir, du savoir faire et du savoir être ?
Comment a t-il vécu les modes de création au sein des équipes qui l’ont accueilli ?
Comment perçoit-il la façon dont sont organisés les réseaux sociaux de conception (système hiérarchique centralisé ou coopération ou collaboration ou bien encore l’intelligence collective ).
Comment imagine t-il le service dans une perspective d’amélioration ?
 
Le stagiaire construit sa professionnalité, il est évident que nombre de concepts peuvent encore lui échapper mais il a cette qualité d’avoir un œil neuf et souvent très aiguisé. Le rapport d’étonnement peut orienter pour répondre à des problématiques que la routine des équipes a occulté :
"1. Qu’est-ce qui vous a le plus étonné dans notre entreprise ?
2. Quel est le point fort qui vous a le plus surpris ?
3. Quel a été pour vous le point faible le plus inattendu ?
4. Qu’est-ce qui devrait être amélioré, modifié ou abandonné prioritairement selon vous ?
5. Si vous aviez une baguette magique, quelle est "la" chose que vous changeriez dans notre entreprise ?
6. Qu’est-ce qui vous a étonné dans la manière dont nous servons nos clients ?
7. Quelle est la force de nos produits et nos services que vous ne soupçonniez pas avant de travailler dans notre entreprise ?
8. Quel est la faiblesse ou le manquement qui vous inquiète le plus dans nos produits et nos services ?
9. Dans les relations inter-personnelles, qu’est-ce qui vous a étonné ?
10. Quelles sont les améliorations concrètes que vous suggéreriez ?"
 
 
B. La forme
 
Le rapport d’étonnement est un outil ( je préfère le terme d’objet dans la mesure où il est peu défini et le concept peu stabilisé) souple permettant d’estimer un ensemble de compétences perceptives chez les étudiants. Il est un outil de créativité, il convient de ne pas trop en baliser la forme.
Le travail rédactionnel est la forme native mais il n’exclut pas d’investir d’autres canaux comme moyens d’expressions. La vidéo, le mindmapping, la scénarisation par dessin, par maquettage peuvent être des pistes à explorer. Le rapport d’étonnement est un exercice de déconstruction puisqu’il renvoie aux moyens informels pour décrire et organiser un champ des possibles formels.
 
2) Le rapport d’étonnement, un outil de détection des capacités d’innovation
 
À l’heure des réseaux sociaux, les générations de « petites poucettes » profitent d’un foisonnement d’informations en ligne. Il est toujours intéressant de vérifier la façon dont ils se l’approprient (ou pas). Les étudiants sont et seront, ce que la littérature scientifique nomme, des « knowledge workers » (les travailleurs du savoir). Il ne paraît pas illogique de vérifier leur aptitude à approfondir leur champ d’observation, à engager une démarche réflexive. Il est à noter que ce type d’investigation est utile à l’étudiant et à l’entreprise. On entre ici dans un champ qui valide une double compétence, celle de l’intelligence opérationnelle et celle de la maîtrise de l’intrumentation de fonctionnalités d’outils orientée vers la catachrèse
 
Si la réflexion d’un étudiant est pertinente on peut imaginer, sans trop se tromper que les propos seront féconds pour lui ET pour l’entreprise.
 
Le mode du rapport d’étonnement reposant sur un mode souple et agile permettra de s’affranchir des scories de la forme pour se concentrer sur le fond. Quelque soit la forme de présentation choisie il sera intéressant d’analyser la perception de l’entreprise par une personne extérieure. Des solutions peuvent être proposées et être le vecteur d’innovation sociale et/ou technologique.
Il me semble nécessaire que l’étudiant tienne un carnet de bord en partant de ses représentations personnelles au moment de l’entrée et qu’il les confronte à son expérience.
To be continued …
 
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Dernière modification le mardi, 14 novembre 2017
Moiraud Jean-Paul

Cherche à comprendre quels sont les enjeux des perturbations du temps et de l'espace dans les dispositifs de formation en ligne. J'observe comment nous allons passer du discours théorique sur les bienfaits des modes collaboratifs à l'usage réel. Entre collaboration sublimée et usages individualistes de pouvoir, quelle place pour le numérique ?
 
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