Dans cet environnement, l’utilisateur aménage ses espaces plus qu’il ne produit des contenus inédits. Automatiquement générées par la moindre de ses activités, les traces qu’il dépose sont pour la plupart non intentionnelles.
Traitées comme symptômes, elles le dépossèdent du sens de ses agissements.
Traitées comme données quantitatives, elles se détachent et le désagrègent dans le jeu des calculs algorithmiques.
Ainsi indexé, l’individu-data se retrouve dans un monde sans oubli, où tout est documenté. La réappropriation va consister à transformer cette logique du stockage en écriture mémorielle.
Cela suppose que soit d’abord restauré un droit de désactiver les traces afin de les soustraire aux effets de la décontextualisation. Doivent ensuite se développer des pratiques d’adoption, par lesquelles les utilisateurs transforment les traces déposées en traces récoltées.
Afin de ne pas se laisser enfermé dans sa propre traçabilité, l’individu doit enfin recourir à la médiation de collectifs mémoriels pour donner aux traces une dimension documentaire ou patrimoniale.
Développer cette compétence numérique revient à anticiper sa traçabilité au lieu de la subir : faire trace, pour substituer à l’identité le plein exercice d’une présence.
Louise Merzeau “L’intelligence des traces”, Intellectica, 2013/1, n° 59.
Dernière modification le jeudi, 25 septembre 2014