La conférence du 18 janvier 2023 accueillait Nuno Crato, ancien Ministre de l’Education du Portugal, et différents professeurs. Des échanges stimulants et un dialogue constructif interdisciplinaire ont permis la présentation d’analyses et de propositions.
L’autonomie des établissements
Pour Nuno Crato, un système éducatif est performant si trois conditions sont réunies : des programmes structurés, une évaluation des enseignements et l’autonomie des établissements. Il a évoqué « l’effet de la fiction » sur les résultats en mathématiques ; l’étude de la langue et la lecture favorisent la compréhension et le raisonnement.
L’économiste Philippe Aghion s’est également positionné pour l’autonomie des établissements. Il considère qu’un système uniforme provoque de l’inégalité dans des territoires du fait qu’il n’y a pas les mêmes besoins. Ce point très sensible ne fait pas l’unanimité auprès des enseignants et des familles. Philippe Aghion est à l’initiative du Projet Campus de l’innovation pour les lycées. Son idée principale est qu’il faut investir dans l’éducation pour développer l’innovation, les intelligences.
Philippe Aghion, « Agir pour l’éducation » - Le Collège de France © Patrick Imbert - Collège de France
Thomas Römer, professeur et administrateur du Collège de France, s’est interrogé sur le bien-être des élèves. Il a rappelé le phénomène du refus scolaire et a regretté le recul de « l’esprit de faire partie d’une classe ».
Etat des lieux
Le sociologue Pierre-Michel Menger est quant à lui intervenu pour faire part d’un état des lieux sur les mathématiques.
Incorporées dans différents secteurs, la discipline est fortement liée à la croissance économique. La chute des performances en maths inquiète car c’est aussi du positionnement du pays dont il est question et de son indépendance dans des domaines stratégiques.
Si la recherche française est de haut niveau, le recrutement à l’étranger de chercheurs et d’étudiants continue à préoccuper.
Autre constat : la pointe des élèves excellents diminue. Le sociologue a également traité la question du genre. Les femmes occupent une place minoritaire dans l’enseignement supérieur. Il y a une divergence des trajectoires filles et garçons qui commence tôt avec des effets cumulatifs. Les maths renvoient aussi aux inégalités sociales. La matière est très investie car elle permet une certaine liberté de choix dans les études supérieures. Pierre-Michel Menger a rappelé que les enseignants agissent sur l’estime de soi et la progression scolaire. Il préconise de socialiser davantage les élèves par des réalisations en coproduction.
Une des interventions les plus remarquées a été celle de la professeure de mathématiques Nalini Anantharaman.
Encourager le sens de l’effort
Elle tente de désacraliser les mathématiques et rejette la fatalité de l’échec.
Elle a précisé que le goût des mathématiques peut évoluer tout au long de la vie. Pour cette chercheuse, il faut surtout encourager le sens de l’effort. Nalini Anantharaman a établi des comparaisons avec le sport. Les élèves doivent surmonter les obstacles et ce qu’elle a appelé la flemme. C’est le travail qui inscrit dans la réussite. Se résigner à ne pas comprendre ne permet pas de progresser. L’effort répété doit être régulier. Elle conseille de ne pas négliger les évaluations et de parler de manière explicite sur la possibilité de progresser.
Nalini Anantharaman alerte aussi sur les messages délivrés par les parents comme les expressions « Nul en maths ! ». Le sens, l’utilité des maths sont des dimensions à valoriser. La professeure a évoqué une expérience de coaching en maths auprès de parents d’un territoire défavorisé de Nice. Les progrès ont été très convaincants. Elle souhaiterait que tous les parents investissent davantage les établissements scolaires.
Premier cycle de conférences
Le professeur William Marx a rappelé l’importance de la littérature pour apprendre à lire le monde et le développement de l’empathie. Or les réseaux sociaux, les écrans enferment. William Marx s’est inquiété des dangers qui guettent notre modèle démocratique : « Ce qui manque c’est le sentiment d’un fond commun capable de relier au-delà des divergences. » La rhétorique et le théâtre - pas seulement cantonné aux clubs de théâtre - permet aux élèves de prendre le masque et d’accepter la contradiction.
Le professeur Stéphane Mallat de la Chaire Science des données est très actif. Il agit avec l’association MathC2+ qui permet à des élèves de faire des stages ludiques en milieu universitaire pendant les vacances scolaires.
Le thème de l’intelligence artificielle étroitement liée aux mathématiques est un autre grand défi.
Les devoirs faits par la machine, un rêve ou un danger ? Car moins l’on fait et plus l’on perd au niveau de l’efficience intellectuelle. Le professeur Stanislas Dehaene, spécialiste des neurosciences cognitives, a effectué de nombreux travaux sur cette problématique. Le premier cycle de conférences du programme Agir pour l’éducation sera axé sur son champ d’études et commencera dès le 15 février – les conférences sont gratuites et accessibles en ligne.
Fatma Alilate
Agir pour l'éducation – un enjeu scientifique pour la société
Collège de France
https://www.college-de-france.fr/agir-pour-education
Cycle de conférences Agir pour l'éducation année 2023 : « L'apprentissage de la lecture et ses difficultés »
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15 février 2023, 17h30 : La psychologie de l'apprentissage de la lecture - Johannes Ziegler (CNRS, université d'Aix-Marseille)
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15 mars 2023, 17h30 : Comment le cerveau se modifie-t-il quand on apprend à lire ? Stanislas Dehaene (Collège de France)
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19 avril 2023, 17h30 : Les dyslexies : comment les comprendre, les détecter, intervenir ? Naama Friedmann (Université de Tel-Aviv) traduction simultanée de l'anglais
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24 mai 2023, 17h30 : Pratiques enseignantes et inégalités scolaires à l'entrée dans l'écrit Jérôme Deauvieau (Ecole Normale Supérieure)
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21 juin 2023, 17h30 : Comment aider les enfants à apprendre à lire ? Jean Ecalle et Annie Magnan (Université de Lyon 2)