Car oui, en 2024, il existe encore de nombreux enfants en situation de handicap intellectuel qui n’ont pas accès à la scolarité, qui ne bénéficient pas d’une solution de scolarisation adaptée à leurs besoins ou à leur niveau, ou dont la scolarisation se limite à 6 heures par semaine… Une situation qui semble inacceptable pour la plupart des Français, mais connaissent-ils les réalités vécues par ces jeunes ? Que pensent les Français de l’école inclusive ? Est-ce la solution la plus adaptée pour tous, celle qui répond aux besoins de chacun ?
L’Unapei a souhaité en savoir plus et a réalisé un sondage avec OpinionWay sur la perception des Français sur l’école inclusive.
Résultats OpinionWay :
89% des Français déplorent le manque de ressources humaines formées pour la scolarisation des élèves en situation de handicap à l’école
Malgré les annonces formulées par le Gouvernement dès 2019, pour une « Ecole pleinement inclusive », la scolarisation des enfants en situation de handicap se confronte à de nombreux obstacles, faute de professionnels, de formation, d’accessibilité des locaux ou encore d’adaptation de la pédagogie …
Le constat pessimiste selon lequel les enfants en situation de handicap intellectuel reçoivent moins d’heures de scolarisation, voire aucune, est bien établi par 77% des Français qui l’attribuent directement au manque de professionnels.
Ils sont d’ailleurs 89% à regretter le manque substantiel de professionnels formés pour la scolarisation d’élèves en situation de handicap intellectuel (dont 48% qui le constatent tout à fait).
8 Français sur 10 ont connaissance des difficultés persistantes dans la mise en œuvre de l’école inclusive et dans l’accès aux temps périscolaires pour les enfants en situation de handicap intellectuel
Selon le Ministère de l’Education nationale, l’« Ecole inclusive vise à garantir une scolarisation de qualité pour tous les élèves, en prenant en compte les spécificités des différentes situations de handicaps et leurs besoins éducatifs particuliers »[1].
Mais dans les faits, les Français ont conscience des conditions actuelles, souvent inadaptées, voire inexistantes, pour les enfants en situation de handicap intellectuel.
83% des Français ont connaissance du fait que les élèves en situation de handicap intellectuel bénéficient rarement de solutions de scolarisation adaptées à leur handicap… une complexité renforcée par le fait que les enfants scolarisés en établissements spécialisés, ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de l’Education nationale : sur ce point, la connaissance des Français est partagée, un peu moins d’un sur deux en avait connaissance (49%, 48% qui ne le savait pas).
L’école inclusive reste perçue comme difficile à mettre en œuvre pour les enseignants par 80% des Français, qui considèrent qu’il est difficile pour l’école inclusive de s’adapter aux besoins spécifiques de chacun de ces enfants (83%), et à la diversité des situations de handicaps (80%). Il en résulte ainsi que pour la majorité des Français les solutions de scolarisation proposées sont adaptées à certains enfants en situation de handicap, mais pas à tous (81%).
« Aller à l’école, recevoir un enseignement et partager des moments péri- et extrascolaires est un droit et une chance pour tous les enfants. Cependant aujourd’hui, l’école ne s’adapte pas encore suffisamment aux besoins d’accompagnement singuliers des élèves, notamment lorsqu’ils sont en situation de handicap. Pour certains, être dans une même pièce avec 30 autres élèves, suivre un cours, se concentrer sur une longue durée est un véritable défi… C'est pourquoi, dans l'état actuel des choses, nous prônons une école où le collectif s'ajuste aux besoins individuels plus qu’une école inclusive. » -explique Luc Gateau, président de l’Unapei
Pour plus de trois quarts des personnes interrogées, l’école inclusive représente la meilleure solution pour développer des apprentissages
Malgré ces défis, l'inclusion scolaire des enfants en situation de handicap présente pour les Français des aspects positifs significatifs et serait :
- La meilleure solution pour apprendre les fondamentaux scolaires, tels que lire, écrire, et compter pour 80% des Français
- La meilleure réponse à la satisfaction de leurs besoins globaux (vie quotidienne, interactions, socialisation, etc.) pour 78%.
De plus, 74% des Français estiment que l’école inclusive est un bénéfice pour tous et certain pour les autres enfants sans handicap.
Pas de données nationales : l’Unapei mène son enquête auprès des associations
Parce qu’en 2024, certains enfants en situation de handicap ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de l’Education nationale, il est encore impossible de savoir, sur le plan national, combien d’enfants voient leurs droits à l’Education bafoués.
Depuis 2022, l’Unapei réalise donc des enquêtes au sein de son réseau afin de disposer de données locales.
Ainsi, à titre d’exemples :
- En Corse, au sein de l’Adapei Haute Corse, aucun des enfants accompagnés n’a plus de 6 heures de scolarisation par semaine, seules 2 enseignantes se relaient pour 40 enfants, et 16 enfants sont inscrits sur la liste d’attente de l’Adapei Eveil Haute Corse.
- En Ile-et-Vilaine, 17,72% des jeunes accompagnés dans les IME de l’Adapei 35 ont plus de 6 heures de scolarisation en moyenne par semaine. 247 enfants sont inscrits sur les listes d’attente des IME Adapei 35 de Rennes.
- En Loire Atlantique : 929 jeunes de 3 à 20 ans sont inscrits sur la liste d’attente de l’Adapeila, ils sont à ce jour soit sans solution, soit avec une solution partielle, soit avec une solution qui n’est pas adaptée à leurs besoins d’accompagnement dans leur vie quotidienne.
- Dans la Sarthe : sur 200 enfants accueillis au sein des établissements et services pour enfants et adolescents polyhandicapés et de trois Instituts médicoéducatifs de l’Adapei de la Sarthe, 50,5% n’ont aucune ou moins de 6h de scolarisation par semaine ; 32,5% n’ont que 6 à 12h de scolarisation ; 17% ont plus de 12h de scolarisation.177 enfants sont inscrits sur la liste d’attente de l’Adapei de la Sarthe.
- Dans l'Hérault : sur 305 enfants accueillis au sein des établissements et services de l’Unapei 34, 27% n’ont aucune heure de scolarisation ; 40% ont moins 6h de scolarisation par semaine ; 8% n’ont que 6 à 12h de scolarisation et 25% ont plus de 12h de scolarisation. 258 enfants sont inscrits sur une liste d’attente, et sont donc sans solution, ou avec une solution partielle ou encore avec une solution qui n’est pas adaptée à leurs besoins.
- A la Réunion : parmi les 68 élèves accompagnés au SESSAD (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) 30 ont reçu une notification AESH, mais 13 d’entre eux n’ont toujours pas d’AESH ou ne bénéficient pas d’un nombre d’heures d’accompagnement suffisant et correspondant à leur notification ; sur les 73 jeunes accompagnés au sein de l'IMPRO (qui accueille des jeunes de 14 à 20 ans), 55 ont entre 0 et 6h de scolarisation et18 ont entre 6 à 12h de scolarisation.
- Dans l’Eure, sur 251 enfants (3 à 16 ans) accompagnés au sein des établissements de l’Adapei 27 (deux DAME – Dispositifs d’Accompagnement Medico-Educatif) 23,9% n’ont aucune ou seulement 0 à 6h de scolarisation.
- Sur les territoires du Rhône et de la Métropole de Lyon, parmi 556 jeunes de 3 à 18 ans accompagnés en Centres d’Action Médico-Sociale Précoce, Instituts Médico Educatifs, Services d’Education Spéciale et de Soins à Domicile, Dispositifs Intégrés Médico Educatifs et de l’Adapei 69, 54,32% n’ont aucune ou seulement 0 à 6h de scolarisation par semaine.
Les revendications de l’Unapei
La responsabilité de l’Education nationale est de garantir à tous les élèves en situation de handicap l’équité de traitement, c’est-à-dire qu’ils aient accès à la scolarisation quelles qu’en soient ses modalités (école dite « ordinaire », instituts médicoéducatifs, etc.). Pour ce faire, il est nécessaire de garantir à tous les enfants en situation de handicap un accompagnement pluri- et interdisciplinaire adéquat, au sein de l’école dite ordinaire comme en instituts médicoéducatifs (IME), lorsque des besoins de soutien particulier et renforcé sont nécessaires.
- Allouer tous les moyens nécessaires (humains, financiers, structurels et organisationnels), en qualité et en quantité, pour garantir à chaque enfant en situation de handicap l’accès à la scolarisation, quelle que soit la modalité de scolarisation (école de droit commun ou établissement spécialisé)
- Garantir la participation de tous les élèves, quelle que soit la modalité de scolarisation (école de droit commun ou établissement spécialisé), à l’ensemble des activités périscolaires, en impliquant les acteurs des collectivités territoriales.
- Avoir des enseignants formés et des enseignants spécialisés en nombre suffisant pour permettre que tous les enfants en situation de handicap puissent bénéficier d’une scolarisation adaptée, indépendamment des lieux d’apprentissage (école de droit commun ou établissement spécialisé).
- Travailler l’accessibilité de l’école de droit commun, dans toutes ses dimensions, pour adapter les modalités de scolarisation aux besoins d’accompagnement (accessibilité du bâti, programmes d’enseignement et activités pédagogiques…).
- Assurer l’effectivité et faciliter la coordination des interventions des professionnels du médico-social et des libéraux au sein de l’école, en collaboration avec les familles.
- Mettre en place des campagnes de sensibilisation au handicap en milieu scolaire, et inclure le handicap dans toutes les initiatives de lutte contre le harcèlement scolaire et la discrimination.
- Permettre aux enfants de bénéficier des services de scolarisation, d’éducation, d’encadrement et de soins offerts par le secteur social et médico-social et/ou libéral, lorsque des besoins de soutien particulier, renforcé et parfois pluridisciplinaire sont nécessaires.
Ils témoignent sur marentree.org Depuis 6 ans, l’Unapei a lancé #Jaipasecole, et incite toutes les familles concernées, qu’elles soient sans solution ou avec des solutions partielles, à témoigner sur sa plateforme marentree.org. Entendons leurs voix, ouvrons les yeux et respectons leurs droits ! Que ce soit à l’école de quartier ou au sein d’établissement spécialisés, en fonction des besoins de chacun, l’Unapei demande plus de moyens pour que chacun ait accès à l’éducation. Absence totale de scolarisation : « En attente d'IME depuis 3 ans, après un refus de maintien en CM2 ULIS, un refus de collège ULIS, on envoie mon fils en 6ème ordinaire. Il ne sait ni lire, ni écrire avec un niveau début de CP. Il est TSA (Troubles du spectre de l’autisme) et une classe de 30 élèves et le changement de professeurs et de classe toutes les heures serait un véritable enfer pour un enfant qui a besoin de routine. Bizarrement, le seul accord que l'on a obtenu est l'instruction en famille via le CNED ! » expliquent les parents de Matthias, 12 ans. Scolarisation partielle : « Maman d'un petit garçon atteint d'une maladie génétique extrêmement rare, porteur d'une GPE, il fera sa première rentrée en septembre SI un(e) AESH est trouvé(e). Il est admis uniquement le matin, la cantine nécessite que la personne qui l'accompagnera soit d'accord pour lui faire sa nutrition par entérale et devra faire la demande d'un PAI, en attendant vu qu'il ne sera pas à la cantine il ne pourra pas retourner à l'école l'après-midi... je ne peux toujours pas reprendre un travail, je suis toujours dépendante de l'AEEH qui diminue de plus en plus ... » raconte Aurélie Scolarisation inadaptée : « Je suis la grand-mère d'un jeune homme multi dys sévère avec syndrome autistique. Il a obtenu son Brevet des collèges avec mention très bien bénéficiant alors du dispositif ULIS, de l'aide d'une AESH mutualisée et avec une équipe éducative concernée et motivée. Il a voulu poursuivre en seconde générale et là l'enfer a commencé : malgré la notification MDMPH, pas d'AESH, une équipe éducative non motivée et qui ne sait que dire que sa place n'est pas en en filière générale, aucune adaptation de la part des professeurs. Il termine sa première avec de grosses difficultés, en situation d'échec permanent, sa motivation s'épuise et ses parents, depuis 2 années, se heurtent à un mur quand ils saisissent la direction du lycée. C'est tellement injuste quand on sait qu'avec les "bons outils" il pourrait réussir. » explique la grand-mère d’Ismaël, 18 ans Ces familles sont loin d’être les seules ! Découvrez leurs témoignages sur www.marentrée.org Chacun des témoignages recueillis permet d’illustrer la réalité quotidienne des enfants, leurs besoins individuels et ceux de leurs familles, mais surtout, de dénoncer les manquements de notre pays. Parents, vous vivez le parcours du combattant pour faire respecter les droits de votre enfant ? Faites-le savoir sur www.marentree.org |