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L'intégration de l'IA dans la formation des enseignants constitue un enjeu central pour l'éducation : Pour exploiter son potentiel tout en surmontant ses défis, comment accompagner au développement de l'esprit critique et des compétences des enseignants et des élèves ? Comment naviguer dans un environnement où l'IA est omniprésente, et qui nécessite une adaptation continue des pratiques et une réflexion sur les dimensions éthiques, juridiques et pédagogiques liées à son usage ?

Synthèse de la table ronde sur ce sujet lors des Rencontres ETAPP-IA dans l'Académie de Bordeaux.

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Pour cette table ronde 5 intervenants :

  • Emmanuelle LAFONT - IEN Maths-Sciences Académie de Bordeaux
  • Franck AMADIEU - Professeur des Universités en psychologie cognitive et ergonomie à l’université Toulouse Jean Jaurès
  • Denis ALAMARGOT - Directeur de l’INSPÉ de Poitiers
  • Pierre LACUEILLE - Directeur de l’EAFC de Bordeaux
  • Erwan PAITEL - Inspecteur Général, Rapporteur de la commission sur l'Intelligence Artificielle (octobre 2023-avril 2024)

Animation : Patrick GALAN, Chargé de mission au SRANE (Service Régional Académique du Numérique Educatif)

Les tables rondes précédentes ont abordé les questions de transformation des pratiques, des enjeux et des compétences nécessaires, celle-ci pose la question de la formation initiale et continue. L’une des compétences de l’enseignant entend qu’il soit en mesure de tirer le meilleur parti du numérique. Le défi est donc là : Où en sommes-nous aujourd’hui sur la dynamique d’intégration de l’IA ?

Intégration des IA dans la formation des Enseignants

Accompagner les enseignants et les élèves : L'IA ne doit pas être perçue comme magique, mais comme un outil nécessitant un esprit critique et une éducation adaptée.

On accompagne des Enseignements de Sciences dures : mathématique, Physique et Chimie. Si on demande à certaines IA de faire une multiplication elle ne sait pas le faire ! Il faut de l’esprit critique, il faut que l’on accompagne les enseignants là-dessus sur l’utilisation de l’outil pour préparer leur cours… pas magique, pas d’affect. Il est essentiel de former les enseignants à l'utilisation progressive des IA dans toutes les disciplines.

Adaptation face à l'usage généralisé : L'accompagnement est prioritaire, car interdire l'usage de l'IA est inefficace.

L’IA est là, l’usage est là au-delà de ce que j’imaginais, cela ne sert à rien de dire aux élèves c’est interdit ...l’accompagnement est fondamental, comment s’adapter à l’IA et améliorer nos pratiques pédagogiques ?

Formation des enseignants.

L'tilisation de l’IA et la formation des futurs enseignants à cette utilisation pour eux-mêmes et aussi pour apprendre à former les élèves.

Nous avons une double problématique. Comment en tant que formateur faire face à des étudiants qui ont utilisé l’IA sans que ce soit prévu. Comment former des enseignants. Cela pose la question de l’évaluation même des compétences professionnelles …cas de mémoire complètement fait par ChatGPT...  Là on a un problème éthique de formation et de contrôle de l’utilisation de l’IA au sein de la formation initiale pour qualifier et certifier un certain niveau …à ce jour on a un vide juridique. 

Évolution rapide des technologies :Les outils actuels pourraient devenir obsolètes dans 5 ans, nécessitant une formation et une anticipation rapides.

2ème problématique : Temps évoqué par rapport à la formation (2 à 3 ans) et compétent dans 5 ans les outils seront complétement obsolètes. On a un cahier des charges a à établir très vite.

Formation des formateurs : Les formateurs eux-mêmes doivent être préparés à intégrer l'IA efficacement.

Former les enseignants sur les impacts éducatifs et la santé mentale des élèves. Former aux enjeux éducatifs en anticipant …

Préparer des programmes qui anticipent les évolutions technologiques et sortent de l'effet "boîte noire".

La santé mentale des élèves n’a pas été évoquée. Les jeunes qui vont naître dans 4,5 ans,  vont -ils pouvoir faire des différences sur un téléphone ou autre, et entre les humains et les avatars …. Il faut aussi former les enseignants à l’intégration progressive des IA dans les pratiques pédagogiques …

1er enjeu individuel, non contrôlable et 2ème enjeu : la réussite des élèves

Comment accompagner les élèves avec les IA ?

On a besoin d’une volonté pédagogique et de décision d’établissement, l’Université par exemple dispose d’un certain nombre de textes, dans le cas d’une génération IA on n’a pas ces textes-là : vide juridique. On va devoir faire évoluer les pratiques … encadrement des mémoires, on a besoin d’un temps institutionnel …

Comment statuer des "bonnes pratiques" ?

Vrai sujet que celui de la production des mémoires. L’évaluation sur une thèse ?  Texte papier ou prestation de l’individu face à ce document… L’enjeu est là …transformer notre évaluation et le face à face est une évaluation la plus objective qui soit dans cette problématique là…

Cela nous amènera à moins évaluer le produit ...intégrer l’IA au processus de réalisation et avoir des évaluations, aller vers une attestation des compétences, cela suppose aussi d’aller vers une Université avec des contrôles continus... L’abus de l’outil IA ... et le cœur de la réflexion portent sur l‘évaluation.

Compétences professionnelles des Enseignants 

Former le personnel à l’évolution des outils … Si on veut avancer il faut progresser sur 2 compétences sur lesquelles nous ne sommes pas très bons (la P2) le professeur est capable de faire évoluer les compétences des élèves sur la lecture et l’écriture et maîtriser la langue française . Quand fait on écrire les élèves et pourquoi ?  Quelle est la place de l’écriture manuscrite dans les apprentissages ?

Evaluer les progrès et les acquisitions des élèves.

On a loupé le coche en 2015 … on n’a pas su outiller les enseignants ...L’IA c’est du traitement de données ... On est sur un service minimum. L’IA pourrait être un catalyseur faire évaluer c’est définir des critères, stocker des données, être capable de produire un bilan plus développé intellectuellement qu’une moyenne. On régresse sur un sujet pour lequel on a des cadres. 

Perceptions des étudiants et enseignants

Les étudiants en ont une vision très positive mais ils sont aussi inquiets vis à vis de l’IA. Ils sont conscients de certaines limites notamment sur leurs compétences de créativité et de raisonnement de haut niveau.

Quels sont les étudiants qui utilisent l’IA : bien sûr ceux qui sont à l’aise avec ces outils et ceux qui pensent que ces outils sont très utiles et c’est le facteur majeur. Après la question c’est Comment les aider à construire des représentations plus rationnelles par rapport aux capacités de l’IA.

Quant aux enseignants, la formation  est encouragée par les quotas dépassés dans certaines disciplines dont les mathématiques et la physique.

L’IA pour les élèves et l’IA pour les profs

Les profs vont travailler pour préparer leur cours, développer la pédagogie, travailler la maîtrise de la langue et à tout ce sur quoi on se pose des questions, ce qui fait évoluer les pratiques et ce qui les fait monter en compétences. Il s'agit donc utiliser l’IA au bon moment et ne pas brimer la créativité.

L'IA institutionnelle et open source ?

Evidemment le problème du RGPD se pose. Il faut détourner l’outil car Google et Cie veulent récupérer nos données pour s’en servir, soyons vigilants, et utilisons les capacités de ces outils pour fabriquer nos propres applications, c’est ce que l’on peut faire tant que l’on n’a pas d’outil institutionnel ? Et est-ce que ce serait souhaitable d’avoir un et qui sera en retard tellement ça change vite ?

Il y a aussi des outils open source comme Mistral qui ne sont pas des grandes compagnies américaines et même si on n’a pas toujours les contrôles dans l’IA, on a peut-être des cadres que l’on pourrait utiliser…

L’école française devrait-elle avoir sa propre IA ?

Cela dépend de ce que l’on appelle l’IA. Il est indispensable d‘avoir un bassin de données qui soit propre à notre culture notre langue ... propre à la francophonie à l’ensemble culturel, de nos programmes qui doivent être maîtrisés et à partir de ces bassins appliquer les algorithmes quel que soit la société qui peut les générer...Ce qui est généré aujourd’hui est moins une IA qu’une information artificielle.

Se pose la question de la source, d’où viennent les données, comment sont-elles captées ? Comment sont-elles calculées et restituées à l’utilisateur ? Donc qu’est-ce que l’on génère comme informations aux élèves, à quel âge ? Pour quelles activités scolaires, avec quelle fiabilité et interprétation, tout dépend des données qui seront agrégées. Je pense qu’il est indispensable que tout système éducatif ait un contrôle sur les informations agrégées.

Vous avez entendu parler de Lucie, une IA générative réellement Open Source pour l'Europe

Annoncée la semaine dernière qui apprend sur des cortèges de données européennes principalement qui est en développement ! Il ne faut pas espérer avoir des usages rapidement ...cela nécessite beaucoup de données…le RGPD est un respect que nous appliquons à l’usage qu’on en fait... La vraie question est pourquoi est-ce que je veux utiliser une IA générative, dans quel but éducatif, produire des quizz automatiquement ?

Nos générations ont été éduquées sans, habituées à certaines interfaces, aujourd’hui l’IA est utilisée comme des super moteurs de recherches. Attention il faut expérimenter et différencier :  l’usage c’est l’IA gadget. Au-delà de l’émerveillement la vraie question d’ingénierie sur l’avenir est une intelligence qui prélève de façon précise les performances de l’élève ...il faut réfléchir à des outils métier et monter en compétence sur des apprentissages.

Est-ce que le tuteur intelligent pourrait être un outil ?

S'il est bien conçu cela fonctionne sur une tâche précise. Aujourd’hui le problème est le paramétrage. L’enjeu de l’IA si les bases de données sont suffisamment riches, son utilisation peut être assez efficace sur des tâches élémentaires.

Il est urgent de se demander pourquoi on veut utiliser une IA et différencier entre les usages gadgets et les outils conçus pour améliorer les apprentissages. L'éducation reste avant tout une relation humaine où l'IA est un soutien plutôt qu'un substitut.

Les échanges en intégralité

 

Sylvie Queinnec et Michelle Laurissergues

Dernière modification le mardi, 01 avril 2025
Laurissergues Michelle

Fondatrice et présidente d'honneur de l’An@é, co-fondatrice et responsable éditoriale d'Educavox.