Je prolonge ici les conclusions de ma série d’articles sur la notion de document abordée par le mind mapping. Le schéma heuristique que j’en ai extrait a placé la lecture numérique en situation de concept nodal, auquel je souhaite désormais me consacrer, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité. Il me semble, en effet, que c’est là un objet d’étude trop récent pour qu’il soit tout à fait stabilisé, du moins selon une approche info-documentaire. Aussi, puisqu’il ne constitue pas (encore ?) une entrée du Dictionnaire des concepts info-documentaires, dont je me suis servi pour la notion de « document », je me propose de prendre appui sur celui de l’association Ars industrialis dont je vais m’inspirer.
Il me semble, pour commencer, que la lecture numérique, au même titre que la lecture « classique », suppose que soit défini un projet de lecture. Celui-ci influence le parcours de lecture, qui dépend en grande partie de la culture que nous avons du domaine que nous explorons. C’est là une constante qu’il faut sans doute rappeler si l’on veut considérer l’importance de la validation des contenus, qui guide notre progression, y compris par sérendipité. C’est ouvrir, par ailleurs, tout un champ de notions info-documentaires déclinées autour de celles de pertinence et de fiabilité.
Je vous renvoie, sur ce point, à cet autre schéma heuristique, afin d’en explorer l’étendue. Cela me semble d’autant plus fondamental que le contrôle des contenus, dans l’environnement numérique, hors contexte scolaire où cela peut être envisagé, se fait largement a posteriori. De sorte que la lecture numérique convoque des compétences informationnelles, selon l’acception de Philippe Perrenoud (voir le schéma), au-delà d’une stricte approche méthodologique.
Concrètement, ce projet de lecture, caractérisé par l’intention du lecteur, se manifeste lors de lanavigation hypertexte. L’enjeu éducatif, pour nos élèves, consiste, il me semble, à orienter leur parcours de sorte qu’il conserve du sens, selon l’intention, et qu’il fasse sens, selon les objectifs visés. Je ne m’attarderai pas sur ce second point qui mériterait d’être abordé seul en ce qu’il engage un questionnement pédagogique et politique sur les finalités de l’École. En revanche, dans un contexte numérique caractérisé par des données informationnelles pléthoriques et une attention potentiellement distraite, apprendre aux élèves à conserver le fil de leur lecture est fondamental.
Aussi me semble-t-il, sur ce point, qu’il pourrait être pertinent d’élaborer une cartographie sémantique de l’hypertexte qui donne du sens au « champ des possibles » que constitue la navigation des élèves. Il me semble par ailleurs important d’apprendre aux élèves à baliser leur progression de sorte qu’ils en conservent la mémoire. Je pense bien sûr aux sitographies, mais encore aux différentes formes d’annotation et de marquage pour lesquelles je vous renvoie, par exemple, à la récente publication d’Olivier Le Deuff qui introduit, en outre, la notion de publication, afférente à la lecture numérique et sur laquelle je reviendrai dans une autre série d’articles. Il apparait en tout cas ici que la lecture numérique suppose l’acquisition de compétences documentaires.
La lecture numérique renvoie aussi à la notion d’architexte (Emmanuel Souchier), ce qui mêle cette fois compétences documentaires et informatiques, tant au niveau des équipements et de leur modèle sous-jacent (propriétaire/libre par exemple), qu’à celui du design ou encore des dispositifs. Il me semble capital, au delà de la seule lecture du texte, d’aborder l’influence des environnements, en ce qui les caractérise, que l’on se situe du côté des matériels ou des plateformes. A cet égard, je suppose pertinente une approche selon les médias, que le rendu soit textuel, illustré ou sonore (pour ne rester qu’aux formes élémentaires). Ce qui implique des logiciels et des formats variables dont il est sans doute essentiel de connaitre les principales caractéristiques afin de pouvoir anticiper une production (en particulier pour le transmédia, structure documentaire émergente). Mais encore une connaissance de plateformes plurielles afin de ne pas rester sous la dépendance d’un dispositif unique. Je suppose capital, sur ce point, que soient appréhendés différents modèles dans une logique de comparaison. Ce serait là apporter une réponse aux enjeux sociocognitifs et politiques posés par le numérique.
Au moment de conclure je m’aperçois avoir pris pour trame, à dessein peut être, par conviction certainement, le tryptique culture des médias, documentaire et informatique de la culture informationnelle. Sur ces bases, dans une série d’articles à venir, je m’emploierai à proposer des séquences pédagogiques construites à partir de ce petit inventaire des savoirs info-documentaires associés à la lecture numérique.
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