L’ébauche de l’histoire de l’orientation en tant qu’affaire de l’Etat en France au début du XXe siècle que j’ai présentée dans les articles précédents a montré qu’elle était fondée sur une autorité sur autrui. L’hypothèse dont je commence l’exploration dans ce billet est celle-ci. A peine née, cette autorité sur autrui s’est trouvée déconstruite selon trois axes : la posture du conseiller, la réglementation de cette autorité et enfin sa justification scientifique.
Je commencerai l’exposé des deux premiers axes.
Le déclin de la posture autoritaire
Cette posture « autoritaire » de l’origine des conseillers d’orientation repose sur la croyance dans le savoir scientifique produit par la théorie des aptitudes et le testing. C’est la vérité de la personne qui se trouve dévoilée par le test. De plus cette vérité s’oppose aux règles sociales de l’emprise des enfants par les parents. Cette vérité est démocratique ! Aussi la posture des conseillers sera la prescription, l’ordonnance, le modèle du rapport médical : si vous voulez aller bien, guérir, etc… (avoir un bon métier…), suivez ma prescription. Comme on le verra au point suivant, avoir l’avis d’orientation pour signer un contrat d’apprentissage est obligatoire, mais pas le suivre.
Donc dès le départ, cette autorité est une autorité d’influence, basée sur l’atmosphère sociale ambiante de ce début de siècle : le savoir scientifique triomphant. Et pour le conseiller, l’évidence de l’efficace de cette influence repose sur la technique scientifique. Jusque dans les années 50 on trouve ce genre de documents de présentation-information sur l’orientation professionnelle.
A partir des années 60 la critique contre les tests se développe, et l’orientation professionnelle devient une orientation scolaire avec la réforme Berthoin. Les conseillers d’OP sont intégrés au ministère de l’éducation nationale et deviennent des conseillers d’orientation scolaire et professionnelle. Et dans les années 70, ce sera l’information et le conseil qui seront désormais développés par les conseillers et non leur « savoir sur autrui ». Une autre forme d’influence se construit. Les procédures d’orientation et d’affectation avec la tâche du choix structurent la pratique des conseillers. Le sujet se trouve dans un univers de contraintes qu’il doit connaître (rôle de l’information) et il doit faire des choix (rôle du conseil).
A partir des années 90 la notion d’incertitude se généralise. Le monde est incertain. Les chemins sont de moins en moins ressentis comme étant préconstruits. Le célèbre adage « c’est en cheminant que l’on fait son chemin » se confirme. Il s’agit donc de plus en plus d’aider le sujet à « se » construire. Coaching, bilan de compétences viennent à côté du « simple » conseil. Il s’agit d’aider la construction de l’autonomie du sujet. Ce travail d’influence devient de plus en plus un travail sur la dynamique du sujet.
Ainsi en 50 ans le pouvoir sur l’autre c’est en quelque sorte inversé. Plus question d’autorité sur l’autre, mais de développement d’une autonomie de l’autre.
Le déclin de l’organisation du pouvoir
L’avis d’orientation pour la signature du contrat restera obligatoire jusqu’en 1987. Il était nécessaire de présenter un « avis d’orientation » pour pouvoir signer son contrat d’apprentissage, mais il n’imposait rien sauf les contre-indications médicales. Dès l’origine, l’état fut prudent sur son autorité sur autrui. (Voir La loi de 1987 sur l’apprentissage par Marie-Christine Combes).
http://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=698
Mais donc à partir de 1987 cette obligation est levée. Et les conseillers d’orientation n’ont plus cette responsabilité qui les rattachait encore au monde du travail car il faut le rappeler, le contrat d’apprentissage est un contrat de travail.
Mais l’organisation du pouvoir sur l’autre en matière d’orientation, c’est surtout ce qui se passe dans le monde scolaire avec les procédures d’orientation et d’affectation. C’est ce que nous verrons dans un prochain article.
Bernard Desclaux
Publié sur le site : http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2015/04/27/apprendre-a-sorienter-dhier-a-aujourdhui-iv-ou-la-deconstruction-de-lautorite-sur-autrui/
Dernière modification le mardi, 28 avril 2015