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En cette rentrée scolaire et politique, Alain Juppé publie aux éditions JC  Lattes « Mes chemins pour l’école ». Il ouvre ainsi une, réflexion et, espérons-le un débat autour de l’éducation.

Le but du livre n’est pas de proposer une réforme mais de « faire entendre la voix des professeurs, celle des parents, de fournir des données chiffrées et des informations utiles pour situer les enjeux, de proposer des orientations et des clefs de changement »

Après avoir affirmé que «  la réforme de l’école est la mère de toutes les réformes », et pour documenter son ouvrage, Alain Juppé a choisi d’interroger professeurs et parents par l’intermédiaire de son blog. Les synthèses des réponses obtenues constituent les deux premières parties du livre : « paroles de professeurs »,  «  paroles de parents » . Ces paroles tracent un descriptif de l’état d’esprit actuel de ces composantes essentielles du système scolaire.

Pour les professeurs : le plaisir d’enseigner (« les yeux brillants de mes élèves »…), le découragement parfois ( « épuisement , solitude, désenchantement,… »), le niveau insuffisant de rémunération ( par rapport aux autres pays de l’OCDE, pour assurer un bon recrutement…), le manque de formation ( initiale et continue), le décalage avec la société ( concurrence avec internet, démotivation des élèves, comportement des parents-clients…), les difficultés du métier ( hétérogénéité, classes trop chargées, programmes…), le poids de l’administration ( réformes chronophages, évaluation inexistante,…).

Pour les parents : la confiance en l’école (« de bons enseignants », engagement, courage…), les griefs contre l’enseignement (mauvaise transmission des fondamentaux et des valeurs…) , les griefs contre les enseignants ( grèves et absences, désenchantement…) les difficultés à assurer leur propre mission éducative (manque de temps, attitude face aux ados, démission…) , les relations entre les parents et l’école ( deux mondes mais une même envie de changement, une école plus ouverte…), les fortes attentes ( personnalisation de l’enseignement, rétablissement de l’autorité, enseignement des savoirs de base, « bienveillance », meilleure orientation…)

Rien qui ne soit entendu dans les salles de professeurs et assemblées de parents d’élèves mais c’est un inventaire assez exhaustif et qui, sert d’appui aux propositions de changement élaborées au fil des pages.  Ces paroles sont complétées par celles, « libres », de trois universitaires Alain Bentolila, Boris Cyrulnik, Yves Quéré, qui donnent un coup de projecteur dans leurs domaines respectifs de compétences.

Dans une quatrième partie, Alain Juppé trace les grands axes des réflexions qu’il restera à traduire en actions concrètes. Il met en exergue deux priorités : la maîtrise de la langue ( fin du primaire) et  des savoirs fondamentaux (fin du collège), l’acquisition d’une véritable qualification. Il  développe cinq axes majeurs : accroissement de l’effort sur les classes maternelles et le CP, revalorisation du statut d’enseignant, liberté et responsabilité pour les équipes éducatives, évaluation indépendante, régulière et performante, orientation et apprentissage mis au service de la qualification et de l’emploi. Il ne se prive pas d’indiquer des mesures précises sur certain de ces points : augmentation de 10% du salaire des enseignants dans le primaire, création d’un « conseil éducatif d’établissement, création aussi d’une « agence nationale de l’évaluation, de l’innovation et de la performance scolaire…Ses réflexions le conduisent à envisager un allègement des effectifs en classe maternelle, une réduction du nombre des épreuves du baccalauréat, un raccourcissement des vacances scolaires, une présence plus importante des enseignants dans l’établissement, une gestion de la dotation horaire globale par les établissements eux-mêmes….

Alain Juppé fournit aussi des indications sur les méthodes envisagées pour aboutir à un changement souhaité parce que nécessaire. D’une part il ne s’agit pas de « faire du passé table rase »mais il dit vouloir « apaiser pour rassembler et rassembler pour réformer ». Il est conscient qu’il faudra « se donner du temps, s’autoriser  des expérimentations, accepter d’éventuels ajustements sans pour autant jamais renoncer aux objectifs poursuivis ni au dialogue ni à la concertation. D’autre part il s’engage à maintenir le budget de l’éducation nationale à son niveau actuel (65 milliards d’euros) et les réformes seront financées par des redéploiements de moyens existants.

Le propos écarte l’enseignement supérieur qui n’est que rarement évoqué : on peut le regretter car cela nuit à la cohérence de l’ensemble tant la poursuite des études pèse sur toute la scolarité des élèves et sur l’enseignement qu’ils reçoivent ainsi que sur la possibilité d’une insertion professionnelle choisie.

Le numérique à l’école fait l’objet de quelques réflexions générales et son rôle est envisagé pour l’acquisition des langues vivantes et la formation des enseignants : ce n’est pas le  sujet  central.  Mais l’exercice  fait dans cet ouvrage est difficile car il constitue, à n’en pas douter, un outil de campagne pour la primaire de droite et Alain Juppé se doit d’abord d’y rassembler son camp. Pourtant il serait réducteur de le cantonner à ce rôle. Alain Juppé s’adresse ici à l’ensemble de l’opinion et, en particulier à tous les acteurs de l’école en se forgeant une image de réformateur de notre société. Il a le mérite de mettre les enjeux de l’éducation au centre du débat politique : il sera, le moment venu, important de faire des choix pour les missions de l’école et sur les moyens de les réaliser.

Gageons que d’ici quelques mois, d’autres « chemins pour l’école » seront décrits par d’autres acteurs de notre vie publique car nous savons que les rassemblements ne sont possibles qu’à la croisée des chemins. C’est alors que les professeurs, parents et citoyens de ce pays pourront répondre à la question essentielle et bien posée dans le livre : « Quelle école voulons-nous ? »

Dernière modification le mardi, 24 novembre 2015
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é