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Dans cette seconde partie de l’interview de Mme Anne-Sophie NYSSEN, Rectrice de l’Université de Liège, celle-ci précise d’abord sa réflexion sur le décret « paysage » qui, en Belgique, « perturbait » la formation des étudiants de l’enseignement supérieur francophone.

Première partie de l'interview : https://www.educavox.fr/accueil/interviews/anne-sophie-nyssen-rectrice-de-l-universite-de-liege-comprendre-l-homme-dans-son-milieu-naturel

« Ce qui m’a amené à devenir d’abord Vice-Rectrice à l’enseignement, c’était dans le souhait de pouvoir évaluer le décret « paysage » et nous l’avons fait avec l’ensemble des autres universités francophones. On a mis à plat les données, objectivé le pour et le contre, et bien démontré que le décret n’augmentait pas le taux de diplomation via la plus grande flexibilité et qu’il n’était pas favorable aux boursiers non plus. Les deux objectifs poursuivis n’étaient pas rencontrés.

« Et ainsi, une réforme a été proposée en remettant des balises. Ce fut une négociation avec les partenaires, les étudiants. On n’est pas parvenu à tout ce que l’on souhaitait mais on a remis des balises. Et certes, il faudra réévaluer la réforme, certainement l’ajuster et l’améliorer si besoin.

« Mais il me semble que mettre l’accent sur une meilleure orientation dès le début pour ceux qui ont besoin de cette orientation, qui sont perdus. Il y en a qui savent ce qu’ils veulent faire mais d’autres l’ignorent. Donner une possibilité de revenir à niveau avec des actions de remédiation afin de récupérer les matières pour lesquelles on n’avait pas nécessairement les compétences de base, avec des évaluations d’orientation quand on en a besoin, c’est une bonne chose. Rester quatre ans en premier bac, ne me semble pas une bonne chose.

« Rester deux ans en roue libre en se disant après un an : il y a peut-être un souci. Comment améliorer ma méthode de travail, comment puis-je acquérir des compétences de base en math, en sciences si je veux continuer en sciences alors que je ne les ai pas, c’est ça qui est important de mettre en place et c’est cela que l’on va devoir mettre en place.

Le rôle d’une université publique comme l’Université de Liège…

« Je suis dans une université publique c’est un choix et qu’il y ait des universités publiques en Belgique est aussi un choix politique. La mission, à mon sens, est de permettre à des enfants, qui souhaitent faires des études supérieures, de pouvoir le faire. Et mon objectif n’est pas de réduire le nombre mais de permettre aux personnes, qui le souhaitent, de le faire mais dans des conditions correctes.

Il faut pouvoir pousser encore plus haut les enfants doués mais il s’agit aussi de permettre aux enfants qui sont un peu moins favorisés de progresser aussi vers le haut. Et c’est cela aussi notre mission d’université.  

L’objectif est de réduire ces écarts pour qu’un plus grand nombre puisse accéder aux études que chacun souhaite. Tout le monde n’est pas capable de devenir chirurgien ou ne le souhaite pas, mais je pense que l’on peut amener déjà beaucoup plus de personnes à accéder aux études supérieures et pas seulement universitaires. Ce sont toutes les études supérieures.

« On voit quand même que dans nos sociétés que plus le niveau d’éducation est élevé, plus le niveau de la démocratie augmente. C’est donc extrêmement important de garder cela en tête. Aujourd’hui, quand on voit ce qui se passe dans le monde, il est urgent de permettre aux enfants, aux filles, petites filles d’accéder à l’éducation.

La réforme de la formation des enseignants…

« En fait, la réforme de la formation des enseignants oblige les Hautes Ecoles et les universités de travailler ensemble pour améliorer la formation des enseignants du secondaire, du primaire et des maternelles. Alors qu’avant, on ne travaillait pas ensemble. Donc c’est extrêmement compliqué.

« Nous devons travailler avec les cinq Hautes Ecoles et y donner cours. Idéalement, c’est louable et cela se comprend mais concrètement c’est un casse-tête. Et j’ai bien peur que la charge de travail soit telle par rapport aux bénéfices que je suis donc un peu sceptique. Nous ne pensons pas que la formation initiale des enseignants doit augmenter uniquement le pédagogique, le psychologique, le social.

Il nous faut des profs qui connaissent leur matière, leur discipline, quand je parle de discipline vous êtes prof de maths, vous devez connaitre les maths.  Si l’on veut augmenter la qualité des études, il faut augmenter aussi la qualité de l’enseignement sur les disciplines et non pas faire des profs génériques en tout cas à partir de la quatrième, de la cinquième et de la sixième secondaire. Et c’est là qu’était mon souhait.

Au-delà de la pédagogie…

« A l’Université de Liège, nous avons depuis des années une formation obligatoire en pédagogie pour tous nos enseignants. Chaque nouvel enseignant devait se former en pédagogie. Depuis quatre ans, comme Vice-Rectrice, j’ai souhaité entreprendre que cette formation ne concerne pas uniquement la pédagogie mais aussi porte sur d’autres aspects comme la dynamique de groupe, la gestion financière parce qu’un professeur c’est avoir une équipe, ce sont des ressources humaines ; c’est beaucoup d’aspects et pas seulement transmettre un savoir. Et cette formation-là grâce aux divers parcours de formation que nous avons mis en place, elle se donne à l’université de Liège.

C’est un des aspects délicats que ce soit en France ou en Belgique : on constate une pénurie de professeurs dans l’enseignement secondaire et peu d’engagement des jeunes à devenir professeur. Est-ce que vous ressentez le même phénomène à l’Université de Liège ?

« Oui, on rencontre des difficultés pour attirer les enseignants à l’université et aussi des enseignants étrangers. Je pense que l’on doit y être attentif. Non seulement, il s’agit d’aider les jeunes enseignants à être bien dans leur travail, en leur proposant des formations, mais aussi des conditions de travail correctes. Cela dépend de la formation mais aussi des conditions physiques de travail.

« Quand vous avez un auditoire en première année de 800 étudiants et que vous avez été peu formés à une gestion d’un groupe qui n’est plus de 60 à 100 étudiants mais 800 étudiants et quand on met un jeune chargé de cours qui connait peut-être très bien sa matière mais qui n’a jamais été confronté à un groupe, cela ne va pas.

« Pour cette raison, on a mis en place à l’Université de Liège tout un système d’accompagnement des jeunes chargés de cours. J’ai mis en place, il y a quatre ans, un séminaire d’accueil où ces jeunes chargés de cours sont accueillis par l’ensemble des directeurs de service mais en plus ils vont pouvoir suivre toute une série de formation en pédagogie, en psychologie, en dynamique de groupe.

Ils vont pouvoir être accompagnés par des tuteurs et cela fait vraiment sens. Et c’est grâce à cela, je pense que l’on va pouvoir les garder. »

(A suivre)

Première partie de l'interview : https://www.educavox.fr/accueil/interviews/anne-sophie-nyssen-rectrice-de-l-universite-de-liege-comprendre-l-homme-dans-son-milieu-naturel

Dernière modification le vendredi, 10 février 2023
Moës Julien

Né à Geer, en province de Liège (Belgique), le 5 septembre 1948, je suis diplômé de l'enseignement supérieur à l'Institut pour Journalistes de Belgique. Journaliste professionnel et auteur, ancien secrétaire de rédaction au quotidien La Wallonie (1971-1990), ancien président de l'Association des Journalistes professionnels de Belgique - section Liège-Luxembourg et chef du service communication de la Province de Liège de 1993 à 2006, je suis actuellement administrateur de La Maison de la Presse et de la Communication de Liège, de la télévision locale RTC-Télé Liège et de la Société des Lecteurs du Monde ainsi qu' animateur aux côtés de Régine Kerzmann de l'émission "Nos auteurs ont la parole" sur RCF Liège. Je tiens aussi sur facebook un site comme chroniqueur littéraire.