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Publié sur Pedagopsy.eul’article d’André LÉVY, Professeur émérite en psychologie sociale, Université de Paris 13. 
Généralisaion des pratiques d’évaluation : Comme on le sait, les pratiques d’évaluation deviennent de plus en plus généralisées, tendent à envahir tous les domaines de la vie et toutes les institutions, - entreprises, administrations, politiques publiques et sociales, institutions de santé et d’enseignement,… 

Tout est ainsi objet d’évaluation, et tout le monde évalue en permanence les personnes, les biens, les services… Mises en œuvre au nom d’une certaine rationalité, ces pratiques se heurtent cependant à de nombreuses critiques qui dénoncent la façon dont, en instituant un réseau serré de contraintes et de normes, elles sclérosent les comportements et inhibent toute initiative innovante.

Ces critiques sont sans aucun doute justifiées. Mais elles ne peuvent être que de peu d’effet dans la mesure où elles éviteraient de mettre en cause la logique qui sous-tend ces pratiques, - logique inhérente à la notion d’évaluation telle qu’elle est couramment entendue. Les effets pervers dont on voudrait se prémunir découlent en effet, nous semble-t-il, non des dispositifs ou des procédures, ni même de la qualité ou de l’honnêteté des évaluateurs, mais inévitablement du paradigme qui fonde l’interprétation dominante de la notion.

Paradigme qui fonde l’interprétation dominante de l’évaluation

Selon ce paradigme, l’évaluation aurait pour but de classer les " objets " (biens matériels ou immatériels, prestations ou services, personnes) en leur attribuant une note permettant de les comparer à d’autres semblables sur une échelle hiérarchique établie. De déterminer ainsi leur valeur d’échange, c’est-à-dire leur prix, dans le cadre d’un marché où tout s’échange et tout se vend. Classement, comparaison, hiérarchie et valeur d’échange, sont donc les mots clef de ce paradigme.

Prise dans ce sens, l’évaluation remplit une fonction centrale nécessaire au bon fonctionnement d’une société organisée, fondée sur un cadre symbolique stable et connu régulant les échanges et les relations ainsi que la répartition des tâches, et permettant de se projeter dans le futur. Pour les individus, soumis à des évaluations tout au long de leur existence, de l’école à la vie professionnelle, celles-ci les aident à identifier la place qui leur est reconnue au sein de la société, place élevée ou basse qui sert de support à leur identité.

Ce système suppose que l’objectivité, la neutralité et l’indépendance de ceux auxquels on attribue le pouvoir de porter un jugement sur les autres et leurs actions soient absolument garantis. Ils ne doivent ainsi en aucun cas être animés par cette passion évaluative qu’évoquait J. Ruesch à propos de ceux qui, saisis par une " manie obsessionnelle, quasi pathologique, jugent en permanence les personnes ou les objets en termes de bon ou de mauvais, ou par rapport à leur prix, cher ou pas cher, courant partout avec des étiquettes dans la poche ".

Cette observation de Ruesch se réfère à un comportement relativement rare - encore que nous en voyons tous les jours des exemples (" combien ça coûte ? " : " combien tu gagnes ? ") -, mais elle nous alerte sur la difficulté d’estimer les motivations de ceux qui sont placés en situation de juge. Mais elle met aussi en lumière l’un des traits caractéristiques de toute pratique évaluative, celle de tendre à identifier les objets et les personnes à des " étiquettes ". Or l’on sait à quel point le statut social, et ses signes distinctifs (salaire, consommation ostentatoire), c’est-à-dire son " rang " dans la société " colle " à la peau d’un individu.

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