Traduit de l’anglais par William Piette avec la collaboration spéciale de Karine Thonnard, ce livre, de par son contenu pédagogique, peut se positionner comme étant un manuel pour nos enseignants soucieux de se familiariser à la « citoyenneté numérique », concept que l’auteur a pris le soin de bien définir.
Considérée comme une introduction à la citoyenneté numérique, cette publication va au-delà de cela : c’est un guide de l’enseignant à l’enseignement de la citoyenneté numérique. Elle est divisée en trois grandes parties dont les deux premières contiennent chacune deux chapitres ; la troisième partie en contient trois, hormis l’introduction, la conclusion et l’enrichissant glossaire.
Ce texte propose une réflexion générale sur la société numérique créée par nos interactions à travers neuf éléments nécessaires à l’acquisition de ce que Mike Ribble appelle la « citoyenneté numérique » par laquelle il existerait des « citoyens numériques responsables ».
Partons du titre de l’ouvrage : Citoyenneté numérique à l’école. Le vocable « citoyenneté » emprunté à l’Égypte antique, réservé aux élites de la Macédoine, est l’un des concepts de base de plusieurs disciplines (Ribble, p. 27), tels que les sciences politiques, la géopolitique, la sociologie, etc. La citoyenneté, pour rappel, évoque les notions de droits civils et politiques, et bien évidemment des devoirs civiques qui définissent le rôle, le comportement que le citoyen doit avoir face aux autres membres d’une société donnée. Accouplé à l’adjectif « numérique », qui renvoie aux ressources et aux outils technologiques, l’auteur nous interroge sur les règles que ledit « citoyen numérique » doit adopter en milieu professionnel, familial et scolaire. C’est, en tout cas, l’une des thèses défendues par Mike Ribble dans cet ouvrage. Ainsi, cette posture épistémologique nous oblige à penser et à accepter que nous sommes dans une « société numérique » — existante ou en cours d’exister au regard de nos interactions et pratiques des technologies.
Étymologiquement, « citoyenneté » vient du latin « civitas » et « civis », ce qui signifie « citoyen ». Ces deux mots traduisent le respect du droit et du devoir d’un citoyen et se rapprochent fidèlement des règles de la démocratie, le vivre ensemble, tout en respectant les limites de ses droits. La citoyenneté numérique à l’école : pourquoi à l’école ? Bien que la technologie soit présente dans toutes les sphères de notre société, Ribble a compris que pour avoir ce « citoyen numérique responsable » dont il est question, il faut aller à la base, et aucun lieu n’est plus adapté à ce genre d’enseignement que l’école, même si on reconnait l’influence non négligeable des autres agents de socialisation comme la famille, les groupes de pairs et son environnement.
Dans la première partie du livre, l’auteur définit son concept de « citoyenneté numérique » en relation aux neuf éléments constituant le fondement même de sa réflexion. Chaque élément de la citoyenneté numérique est défini, expliqué et questionné suivant un but (p. 11-12). Si ces neuf éléments sont bien définis, leur interrogation par l’auteur reste sans réponse, tout au moins dans cette partie.
Mike Ribble, dans la deuxième partie du livre, interpelle les acteurs du numérique en leur proposant la création d’un programme sur la « citoyenneté numérique », dont le modèle a été pensé dans les moindres détails pour soutenir l’enseignant par l’intermédiaire d’activités et de leçons dirigées. Ces exemples concrets montrent le caractère didactique de ce chapitre en particulier et de cet ouvrage en général. Des exemples d’activités pour chaque élément de la citoyenneté numérique y sont proposés.
La troisième et dernière partie du livre traite la grande question d’enseignement de la citoyenneté numérique à l’école et la façon d’y parvenir. Les trois chapitres qui constituent cette partie font état d’un ensemble de thèmes sous forme de leçons, non exhaustifs bien entendu, que l’enseignant peut utiliser pour sensibiliser, modéliser, démontrer (p. 91-92).
Bien que l’auteur pense que l’école soit le meilleur endroit pour asseoir le concept de la « citoyenneté numérique », il a prôné un enseignement aux étudiants au lieu de cibler des élèves. On part du principe que les étudiants possèdent déjà une certaine autonomie et maîtrise dans l’usage des technologies acquises au cours de leur parcours scolaire et parascolaire. Pourquoi voudrait-on qu’ils deviennent des « citoyens numériques responsables » en étant étudiants ? Pourquoi ne pas commencer à l’école primaire ? À moins que le terme « étudiants » ait un sens large dans la langue anglaise et, par conséquent, il engloberait l’ensemble de ceux qui vont à l’école à différents niveaux d’un système d’éducation (écolier, élève, étudiant, apprenant).
Culture numérique, responsabilités de l’école, culture de l’élève, identité numérique, nous voyons que ces termes, à travers ces neufs éléments de la citoyenneté numérique, apparaissent chaque fois qu’un élément est défini et expliqué dans le livre. Il est vrai que pour nous, ces éléments n’ont pas de hiérarchie, mais l’auteur les a quand même présentés de façon hiérarchique, voire numérique
1. De l’accès au numérique, du commerce électronique, de la communication numérique, de la littératie numérique, de l’étiquette en ligne, de la loi numérique, des droits et responsabilités en ligne, de la santé et du bien-être en ligne jusqu’à la cybersécurité, nous avons remarqué que ces neuf éléments sont entre autres conçus par ordre d’importance dans la tête de Mike Ribble, bien qu’il ait écrit que la citoyenneté numérique est constituée à partir d’eux.
L’ouvrage Citoyenneté numérique à l’école est à mon avis un véritable manuel scolaire, un guide de l’enseignant. En matière de proposition de programme, il est le plus explicatif et se lit facilement, que ce soit pour l’élève ou l’enseignant. Aborder un thème comme la citoyenneté numérique à l’heure actuelle est une invitation, un cri d’alarme aux différents acteurs du numérique si bien cités par l’auteur, afin de sensibiliser les élèves à devenir des « citoyens numériques » capables d’interagir dans le cadre domestique, professionnel ou personnel de façon « responsable » dans la société numérique à laquelle ils appartiennent.
Les activités, les leçons dirigées, les références webographiques et les adresses URL constituent une mine d’informations pour les enseignants désireux de se former à la notion de « citoyenneté numérique » et de l’enseigner en classe. Néanmoins, je pense qu’en regard des nouveaux sites Web en référence, et parce que cet ouvrage s’inscrit dans le champ de la technologie de l’éducation, une version CD devrait être disponible. Cela faciliterait davantage la lecture via les liens hypertextes. J’espère que les lecteurs qui ont fait le choix de la version numérique éprouvent déjà ce à quoi j’aspire dans ma version papier.
Si la réflexion de Mike Ribble est quasiment une invitation à l’enseignement de la citoyenneté numérique à l’école, les neuf éléments ouvrent des pistes sérieuses sur la nécessité de dresser des comportements responsables de nos citoyens dits « numériques », qu’ils soient nés ou immigrés dans le numérique au sens de Marc Prensky.
D’autres spécialistes et penseurs de l’éducation se sont déjà penchés sur la question des règles dans l’espace cybernétique ; mais ce faisant, d’autres interrogations, les unes plus pertinentes que les autres, vont surgir, telle la question des formes scolaires, de la culture de l’école, ou toute simple de l’identité culturelle et numérique de l’élève. L’école prendra-t-elle en compte la culture numérique de l’élève dans son processus d’enseignement ? C’est ainsi que la proposition de programme de Mike Ribble trouve tout son sens dans cet ouvrage.
Pour citer
Ralphson Pierre, Citoyenneté numérique à l’école
Le français à l’université , 19-03
Mise en ligne le : 26 septembre 2014, consulté le : 20 octobre 2014
Notes
1 L’adjectif numérique est pris ici dans le sens de numéro.
REVUE FRANCAIS A L’UNIVERSITÉ
Dernière modification le mardi, 16 mai 2023