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Par Hubert Guillaud : Ingénieur, data scientist, spécialiste en mathématiques appliqués, chercheur au Berkman Klein Center pour l’internet et la société de Harvard, spécialiste de la ville intelligente, Ben Green (@benzevgreen) pourrait avoir le parfait profil du technosolutionniste. C’est pourtant tout le contraire qu’on découvre dans son livre The smart enough city (qu’on pourrait traduire sous le titre de La ville avec juste ce qu’il faut d’intelligence ou La ville suffisamment intelligente) qui vient de paraître aux MIT Press (librement accessible en ligne).

smartenoughcity 203x300S’il porte un regard fin et nuancé sur l’impact et la place des technologies dans la ville, c’est certainement lié à son expérience : de 2016 à 2017, Ben Green (@benzevgreen) a été data scientist pour la ville de Boston (mais il a également travaillé pour les villes de New Haven, Memphis, San Francisco et Seattle). Et contrairement à ce que pourrait laisser penser ce parcours, la ville, selon lui, ne peut pas être observée et administrée sous l’angle des seules technologies. Pour lui, nous devons retirer nos lunettes qui nous poussent à tout regarder sous le seul angle de la technique.

Il est temps de retirer ses lunettes technos

La technique déforme et exacerbe les problèmes qu’elle est supposée résoudre. Elle nous fait croire qu’elle fournit des solutions neutres et optimales aux problèmes sociaux. Elle nous fait croire qu’elle est le mécanisme même du changement social, alors qu’elle ne fait qu’obscurcir les dynamiques sociales et politiques qui sont à l’oeuvre. La technologie nous fait croire que la vie urbaine n’est qu’un problème technique et nous invite à diagnostiquer sélectivement les problèmes qu’elle pourrait résoudre. Les gens qui voient le monde sous le prisme de la technologie perçoivent tous les défis urbains (comme l’engagement civique, la conception urbaine, la police…) comme quelque chose d’inefficace que la technologie pourrait améliorer et pensent que la solution consiste toujours à technologiser ces problèmes. Pourtant, « voir la technologie comme la variable principale sous-estime tous les autres enjeux, comme les réformes politiques ou le changement politique ». Les dévots de la technologie pensent que toute décision politique, complexe ou normative est réductible et objectivable dans des solutions techniques. Pour eux, la ville intelligente apparaît comme un projet neutre, capable de bénéficier à tous. Mais, comme le disait déjà le designer Adam Greenfield en 2013 dans son livre Against the smart city, la smart city n’est rien d’autre qu’un déterminisme technologique. Pour ses adeptes, adopter des technologies toujours plus récentes, rapides et sophistiquées est le seul moyen pour améliorer les villes. « Plutôt que de questionner comment la technologie devrait être conçue et quels résultats sociaux elle devrait défendre, les technologues nous présentent la ville intelligente comme notre seul avenir urbain disponible et attirant ».

Or, le projet d’efficacité que proposent les technologies est loin d’être neutre. Il est éminemment normatif, il favorise certains principes et résultats au détriment des autres. La ville intelligente, améliorée par les algorithmes, ne propose rien d’autre qu’une « ville irresponsable, une « ville boîte noire » (Black box city), une « ville stupide »

http://www.internetactu.net/2019/07/10/vers-des-villes-politiquement-intelligentes/

 

An@é

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